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Liban - Décryptage

Les affrontements à Miyé w Miyé, un timing suspect...

Pour la première fois dans l’histoire complexe des relations libano-palestiniennes, l’actualité sanglante est venue du camp le plus pacifique du Liban. En effet, depuis les années 70, le camp palestinien de Miyé w Miyé n’a jamais été le théâtre d’affrontements sanglants, ni entre les Palestiniens et des parties libanaises, ni même entre les différentes factions palestiniennes. Ce camp était en fait considéré comme le plus calme et on disait qu’il était l’un des seuls au Liban à ne pas abriter d’éléments armés. Deux raisons étaient avancées pour expliquer cette particularité : d’une part, le camp a une surface très réduite qui laisse peu de latitude à l’éclatement de combats internes ; et d’autre part, il est situé à la limite d’une localité du même nom dont la majorité des habitants sont chrétiens. Ce qui réduisait la possibilité d’extension des Palestiniens vers elle et les privait d’une profondeur stratégique, contrairement à ce qui se passe, par exemple, entre le camp de Aïn el-Héloué et la ville de Saïda.

Pour toutes ces raisons, le camp de Miyé w Miyé était pratiquement oublié des médias... Jusqu’à récemment, lorsque des affrontements ont opposé le groupe dit Ansar Allah au Fateh. Depuis, le petit camp est entré dans un cercle vicieux de proclamations de cessez-le feu, rapidement violés, rappelant aux Palestiniens et aux Libanais les pires moments des épisodes sanglants de leur histoire commune.

Or, il se trouve que les habitants libanais de la localité se sont récemment rendus à Baabda pour une audience avec le président de la République. Officiellement, les sources sécuritaires qui suivent ce nouveau dossier refusent de faire le lien entre les deux événements, mais la coïncidence paraît suspecte. Selon une source sécuritaire bien informée, les combats ont éclaté dans ce camp parce que de nombreux éléments armés recherchés par les autorités libanaises s’y sont réfugiés, fuyant le camp de Aïn el-Héloué devenu trop strictement encadré par les forces militaires libanaises et infiltré par les services de renseignements officiels. Les éléments armés auraient donc choisi de se cacher dans le camp de Miyé w Miyé car nul n’aurait songé à les rechercher là-bas, le camp étant connu pour son histoire pacifique.


(Lire aussi : « Tout le monde a laissé tomber les Palestiniens, y compris les Arabes »)


Selon la source sécuritaire précitée, l’éclatement des affrontements dans le camp montre une volonté régionale de maintenir la pression sur le Liban, son armée et ses services de sécurité, ainsi que la volonté de créer un foyer de tension pour déranger le Hezbollah qui considère que la route du Sud est une ligne rouge. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les responsables du Sud, au sein du Hezbollah, ont multiplié les efforts pour tenter de faire adopter un cessez-le-feu.

Il faut préciser, à cet égard, que lors de sa création, le mouvement Ansar Allah était considéré comme étant proche du Hezbollah. Mais avec l’éclatement de la guerre en Syrie à partir de 2011, il aurait été récupéré par les extrémistes musulmans, notamment l’organisation de l’État islamique (Daech) et le Front al-Nosra devenu Hay’at Tahrir al-Cham. Par contre, dans un retournement spectaculaire des alliances, le mouvement Fateh, qui n’était proche ni du Hezbollah ni des autorités libanaises, a modifié sa politique depuis quelque temps, devenant l’interlocuteur privilégié de l’armée et des services libanais, dans une volonté de ne pas laisser les camps du Liban être utilisés à des fins de déstabilisation. Depuis quelque temps en effet, la coopération entre les autorités libanaises et le Fateh est ainsi à son plus niveau. C’est elle qui a notamment permis de pacifier le camp de Aïn el-Héloué, longtemps considéré comme une menace sécuritaire permanente. La mission pratiquement impossible a toutefois été accomplie puisque, depuis plusieurs mois, le calme règne à Aïn el-Héloué, et le dernier accord entre les différentes factions palestiniennes sous la houlette du Fateh tient bon. Mais ce qui n’était pas prévu est arrivé au camp de Miyé w Miyé où les affrontements ont éclaté. D’abord, cheikh Maher Hammoud, très influent auprès des différentes factions palestiniennes, a tenté de pousser les différentes organisations à conclure un cessez-le-feu. Il a organisé, dans ce but, une réunion à son domicile à Saïda, et un cessez-le-feu a été annoncé. Mais il n’a tenu que quelques heures. Le Hezbollah a alors décidé de solliciter une médiation du Hamas, ayant rétabli ses relations avec cette organisation après le froid entre eux dû à la guerre en Syrie. Mais là aussi, après de nombreuses concertations, un cessez-le-feu a été annoncé qui a été rapidement violé. Finalement, le responsable du Hezbollah dans le secteur a organisé une réunion à la permanence du parti pour mener une énième médiation entre les deux parties en conflit. Mais là aussi, l’accord n’a pas tenu plus de quelques heures. À chaque fois, les deux parties se rejettent la responsabilité de l’ouverture des hostilités.


(Pour mémoire : L’armée libanaise déployée « en profondeur » dans le camp de Miyé Miyé)


Désormais, le Fateh veut mettre un terme à l’existence militaire d’Ansar Allah, qu’il appelle le groupe de « Jamal Sleiman » pour lui retirer le statut d’organisation et le réduire au nom de son chef. Ce dernier a créé une sorte de périmètre de sécurité à l’intérieur du camp de Miyé w Miyé et multiplie ses défis à l’égard du Fateh. Selon la source sécuritaire précitée, la situation devient de plus en plus compliquée entre les deux factions, ainsi que pour les habitants de Miyé w Miyé qui ne sont pas habitués à gérer les combats entre les Palestiniens et qui appellent l’armée à intervenir pour ramener le calme. Mais, jusqu’à présent, l’armée libanaise ne compte pas se déployer à l’intérieur du camp, en dépit des demandes pressantes des habitants. D’une part, il faut une décision politique pour cela et, d’autre part, elle craint qu’il ne s’agisse d’un piège pour l’entraîner dans des affrontements avec les Palestiniens. Toujours selon la source précitée, l’armée prend des mesures autour du camp et installe des positions sur les collines qui le surplombent. Mais il n’est pas question pour elle de participer de quelque manière que ce soit aux combats. Au final, elle pourrait établir des points de contrôle dans des endroits névralgiques une fois le calme revenu, avec l’accord et à la demande de toutes les parties. Ce qui, selon la source sécuritaire précitée, pourrait ne pas tarder en raison de la petite superficie du camp. Mais, toujours selon la même source, le Liban ne laissera pas ce nouveau foyer de tension s’étendre et menacer sa stabilité.





Pour mémoire
L’armée entre à Miyé w Miyé et se retire aussitôt

Cessez-le-feu à Miyé Miyé après des combats ayant fait deux morts

L’armée démonte les portiques de sécurité aux entrées de Aïn el-Héloué et Miyé w Miyé

Pour la première fois dans l’histoire complexe des relations libano-palestiniennes, l’actualité sanglante est venue du camp le plus pacifique du Liban. En effet, depuis les années 70, le camp palestinien de Miyé w Miyé n’a jamais été le théâtre d’affrontements sanglants, ni entre les Palestiniens et des parties libanaises, ni même entre les différentes factions palestiniennes....

commentaires (4)

Les peuples ont besoin de paix et de tranquillité.

Sarkis Serge Tateossian

12 h 47, le 27 octobre 2018

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Commentaires (4)

  • Les peuples ont besoin de paix et de tranquillité.

    Sarkis Serge Tateossian

    12 h 47, le 27 octobre 2018

  • je cite s Hadad ::: ""oublié des médias... Jusqu’à récemment,Or, il se trouve que les habitants libanais de la localité se sont récemment rendus à Baabda pour une audience avec le président de la République. Officiellement, les sources sécuritaires qui suivent ce nouveau dossier refusent de faire le lien entre les deux événements, mais la coïncidence paraît suspecte"" Fin de citation . mais quel lien avec les citoyens en visite a baabda ? deranger HN ? bon pas grave . conclusion attendue et declaree : Israel est de connivence avec ansar allah via daech, Trump et le Sultan Kabous , MBS etant lui aussi en tete de liste . MAIS que ce soit une guerre intestine palestinienne pure & simple ? JAMAIS.

    Gaby SIOUFI

    12 h 35, le 27 octobre 2018

  • DU TOUJOURS VU DEPUIS 70 ANS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 56, le 27 octobre 2018

  • C'est comme si le liban n'avait pas assez de problèmes comme ça pour aussi régler celui des palestiniens d'un camp réputé pacifique en plus.

    FRIK-A-FRAK

    00 h 44, le 27 octobre 2018

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