Le Premier ministre désigné, Saad Hariri, a assuré hier que le processus de formation du gouvernement n’est pas interrompu, et que les contacts se poursuivent. Pourtant, il est clair que les tractations gouvernementales se compliquent à nouveau. Aux nœuds habituels entravant les tractations, s’est ajouté hier un nouvel obstacle. C’est dans ce cadre que s’inscrit un article paru hier dans les colonnes du quotidien al-Akhbar (proche du Hezbollah), évoquant les rapports perturbés entre le Premier ministre désigné et le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt. À en croire le quotidien, M. Joumblatt aurait refusé de s’entretenir avec le Premier ministre autour d’un dîner. Quant à Saad Hariri, il aurait annulé un rendez-vous qui était prévu hier avec Waël Bou Faour, député joumblattiste de Rachaya. Sauf que Saad Hariri lui-même n’a pas tardé à démentir ces informations. « Ce qui a été dit au sujet d’une dispute avec Walid Joumblatt est infondé », a-t-il souligné lors d’un échange avec la presse, précisant qu’il avait annulé sa rencontre avec M. Bou Faour en raison d’un agenda trop chargé. « Je pourrai le rencontrer après mon retour de Riyad », a-t-il dit, tout en affirmant que le processus gouvernemental « n’est pas gelé » .
À son tour, Walid Joumblatt a usé de son compte Twitter pour mettre les points sur les « i » au sujet de ses rapports avec la Maison du Centre. « Contrairement à ce que rapporte (le quotidien) al-Akhbar, je n’ai pas refusé de recevoir Saad Hariri », a-t-il écrit. Et de poursuivre : « Je suis resté en contact avec lui par téléphone ou via Waël Bou Faour. »
Si tension il y a entre Clemenceau et la Maison du Centre, c’est surtout le timing de sa résurgence qui est important. Et pour cause : elle intervient une semaine après un entretien à Baabda entre le président de la République, Michel Aoun, et Walid Joumblatt. Il s’agissait d’une tentative de M. Aoun d’aider Saad Hariri à défaire le nœud druze. Le leader du PSP a profité de cette rencontre pour remettre au chef de l’État une liste comprenant les noms de cinq personnalités druzes ministrables, M. Aoun devant en choisir un.
À en croire certains milieux politiques, la réunion Aoun-Joumblatt aurait suscité le mécontentement de M. Hariri, en sa qualité de Premier ministre désigné, chargé de mener les négociations pour former le futur cabinet. Sauf que Walid Joumblatt présente un autre point de vue à L’Orient-Le Jour. Assurant que « dès le départ, il n’y a aucun problème avec Saad Hariri », il souligne qu’aucune invitation n’a été échangée avec ce dernier, contrairement à ce qu’affirme l’article d’al-Akhbar.
Concernant le dénouement du nœud druze, M. Joumblatt explique qu’il s’est rendu à Baabda « pour ne pas dire qu’il y a un problème druze ». « En politique, il faut faire des concessions simplement pour débloquer » la situation, rappelle le leader druze.
Pour ce qui est du lot ministériel de son parti, Walid Joumblatt explique : « Théoriquement, nous aurons le ministère de l’Éducation (déjà détenu par Marwan Hamadé). En ce qui concerne le second portefeuille, s’il est impossible de nous attribuer l’Industrie, le Travail nous est important, dans la mesure où nous sommes un parti socialiste. » « La Culture est tout aussi importante pour moi », ajoute le leader du PSP.
De même, les milieux du courant du Futur affirment à L’OLJ que les relations avec Walid Joumblatt sont « normales », et que le fait d’évoquer cette question à l’heure actuelle n’est qu’un parasitage à l’encontre du Premier ministre désigné et de ses efforts pour former un gouvernement.
(Lire aussi : L’affaire Khashoggi a fait trébucher la formation de la nouvelle équipe ministérielle)
Le nœud chrétien
Quoi qu’il en soit, Saad Hariri a poursuivi hier ses contacts afin d’aplanir principalement l’obstacle chrétien né du différend opposant le CPL et, par extension, Baabda aux Forces libanaises, Michel Aoun insistant pour garder le ministère de la Justice dans son lot. Une position à laquelle le bloc du Liban fort parrainé par le CPL a réitéré hier son attachement par la bouche d’Ibrahim Kanaan, député CPL du Metn, à l’issue de la réunion hebdomadaire du bloc. « La Justice faisait partie du lot du président. Et ce dernier est en droit de détenir les moyens d’opérer les réformes », a-t-il dit, notant toutefois que la Justice n’est pas le problème. Dans la soirée, un entretien a eu lieu à la Maison du Centre entre M. Hariri et le chef du CPL, Gebran Bassil.
En face, les FL continuent d’affirmer qu’elles ne bloquent pas le processus gouvernemental.
S’exprimant à l’issue d’un entretien à Aïn el-Tiné avec le président de la Chambre, Nabih Berry, le ministre sortant FL de l’Information, Melhem Riachi, a déclaré que son parti facilite la mission de Saad Hariri.
Le département médias au sein des FL a rappelé, dans un communiqué publié hier, que la formation « ne s’est jamais attachée à un portefeuille bien déterminé », notant que « certains protagonistes sont complexés par la présence des FL au sein du cabinet. Ils usent donc de tous les moyens possibles et imaginables pour inventer les prétextes susceptibles de faire échec à toute mouture prévoyant une représentation FL conforme au poids populaire » de ce parti.
Le texte réitère la détermination de la formation de Samir Geagea à faire barrage à toute formule jugée injuste à son encontre et à prendre part au cabinet Hariri, confiant attendre de nouvelles propositions.
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commentaires (6)
On aura certainement un gouvernement mais quand ?
Antoine Sabbagha
18 h 29, le 25 octobre 2018