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Moyen Orient et Monde - Portrait

Matteo Salvini, l’hypnotiseur de l’Italie

Ouvertement xénophobe, le ministre italien de l’Intérieur a relégué le PM Giuseppe Conte au second plan.

Le ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini se tient à côté d’un fusil de sniper lors d’un événement organisé par la police de Rome. Remo Casilli/Reuters/File Photo File Photo

Le 1er juillet 2018, une foule d’environ soixante mille personnes envahit la commune de Pontida, en Lombardie, où se tiennent historiquement les rassemblements de la Ligue du Nord, parti d’extrême droite créé en 1991 par Umberto Bossi. La nouvelle star de Pontida est cette fois-ci un homme de 45 ans, surnommé par ses admirateurs « Il Capitano », défini par le Time comme « Le nouveau visage de l’Europe ». Secrétaire de la Ligue depuis 2013 et vice-Premier ministre italien depuis 2018, ce nouveau visage n’est autre que celui de Matteo Salvini.

Grand, imposant, la voix grave et puissante, le regard défiant et légèrement moqueur, Matteo Salvini est le grand gagnant des dernières élections italiennes de mars 2018. Bien que n’ayant obtenu que 17 % des suffrages, il est nommé vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur grâce à la victoire de la grande coalition de droite. En quelques mois, il s’est imposé comme l’homme fort de l’Italie, reléguant le Premier ministre Giuseppe Conte au second plan.

Mais cela ne lui suffit pas. À l’approche des élections européennes, il veut prendre le leadership des partis nationalistes, eurosceptiques et anti-immigration, contre l’Europe de Bruxelles, d’Emmanuel Macron et d’Angela Merkel. Il est déjà en campagne : il s’affiche aux côtés de Marine Le Pen le 8 octobre, fait sortir de ses gonds le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Jean Asselborn, le 17 septembre 2018, en critiquant la politique « promigratoire » de « l’autre Europe » et ordonne aux policiers italiens ce week-end de monter la garde à la frontière française à Clavière.

Bien que souvent réduit à un « troglodyte » pour ses jugements à l’emporte-pièce et ses manières pas toujours élégantes, Matteo Salvini est doté d’une grande habilité politique. Il a en effet réussi à provoquer une révolution silencieuse dans la structure idéologique de la Ligue du Nord, parti auparavant minoritaire, car régionaliste et fédéraliste, prônant même l’indépendance de la Padania, dans le nord de l’Italie. En 2009, M. Salvini était surpris en train de chanter des chansons de stade insultant les Napolitains. Tout cela semble loin, tant sa stratégie ces dernières années a consisté à donner au parti une ambition nationale.

« Ce qui reste de l’ancienne Ligue est la perspective de fond qui oppose le nous au vous. Nous les gentils, vous les ennemis. Ce qui a changé, c’est la définition de l’ennemi. Ceux qui sont exploités ne sont plus seulement les Italiens du Nord face à ceux du Sud. Ce sont tous les Italiens à cause des politiques européennes qui grignotent la souveraineté nationale », explique à L’Orient-Le Jour Sofia Ventura, politologue. Aux dernières élections de 2018, un million de votes en faveur de la Ligue venaient des régions du Sud, notamment de Lampedusa, particulièrement touchée par le phénomène migratoire.


(Lire aussi : Domenico Lucano, l’anti-Salvini)


« Sa normalité »

Il Capitano a construit son image autour de quelques thèmes populistes efficaces auprès de l’opinion publique. Ouvertement xénophobe, il a fait de la lutte contre l’immigration son principal cheval de bataille. Il gonfle volontairement les chiffres pour faire peur à son électorat, évoquant notamment les « 500 000 migrants à rapatrier », et n’hésite pas à utiliser des formules choc lorsqu’il s’adresse aux migrants, se félicitant par exemple que la « fête est terminée » pour eux. Il a fermé les ports italiens, a accusé l’Europe d’avoir manqué de solidarité et les ONG opérant en Méditerranée d’être des « vice-trafiquants » d’êtres humains. Si l’Europe l’attaque pour son « inhumanité », une bonne partie de l’Italie se réjouit de sa capacité à « protéger » le pays.

Bon communicant, Matteo Salvini a indéniablement une forte prise sur les gens. « Au contraire de ce qu’on dit, il est doté d’une profonde humanité car il sait interpréter les besoins des gens. Il a grandi dans la périphérie de Milan et, depuis tout jeune, il a adopté la technique du carnet, c’est-à-dire qu’il allait écouter les problèmes des gens, il les amenait dans son Conseil à Milan et il cherchait à les résoudre. Ce qui frappe chez lui, c’est sa normalité », dit à L’OLJ Andrea Zanelli, l’un des jeunes membres de l’équipe qui gère les réseaux sociaux de M. Salvini.

Sofia Ventura explique également ce phénomène : « Il y a chez lui le langage du corps de l’homme commun, comme le fait de soulever les épaules, ce qui donne l’idée de normalité, de banalité. Il y a un double registre dans son langage. D’un côté, celui de l’agressivité qu’il fait passer pour une simple détermination, parfois brutale, car il doit s’occuper des intérêts des Italiens. Ensuite, il y a le langage de la personne affable, du père de famille, de l’amoureux, du politicien qui poste des tweets à propos des droits des animaux et des enfants. C’est le registre du méchant au cœur gentil, et tout cela passe à travers une présence constante dans l’espace médiatique », poursuit la politologue.

En septembre 2016, il déclarait lors d’une émission télé : « En tant que père de famille, je dis qu’il faut expulser les clandestins car toute l’Afrique ne peut pas entrer en Italie. » Ce bagou, il l’a travaillé des années durant à la radio de la Ligue du Nord, Radio Padania libera, dont il devient directeur en 1999. Déjà habitué au monde des médias, il est devenu une star des réseaux sociaux avec trois millions de followers sur Facebook ainsi que 800 000 sur Twitter.

« Salvini est un grand communicant qui sait saisir les bonnes occasions au bon moment. Il est peut-être le meilleur communicant politique au monde », raconte encore Andrea Zanelli qui se présente comme l’un des créateurs du pseudonyme Il Capitano. À son avis, il y a trois composantes qui expliquent le succès de Salvini : les réseaux sociaux, la télévision et le territoire : « Ces trois composantes fondamentales ont créé une bombe, mais au final les trois, c’est de la communication. »

Roi des médias, gourou du peuple, Capitano en tee-shirt, Matteo Salvini conquiert les cœurs de ceux qui l’aiment et l’attention de ceux qui le condamnent. Au point d’hypnotiser l’Italie et d’effrayer toute l’Europe.


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Le 1er juillet 2018, une foule d’environ soixante mille personnes envahit la commune de Pontida, en Lombardie, où se tiennent historiquement les rassemblements de la Ligue du Nord, parti d’extrême droite créé en 1991 par Umberto Bossi. La nouvelle star de Pontida est cette fois-ci un homme de 45 ans, surnommé par ses admirateurs « Il Capitano », défini par le Time comme...

commentaires (4)

Par contre la Grèce n'a pas PU sortir de l'Europe et de leuro. On ne lui a pas donner le choix .

FRIK-A-FRAK

19 h 42, le 22 octobre 2018

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Commentaires (4)

  • Par contre la Grèce n'a pas PU sortir de l'Europe et de leuro. On ne lui a pas donner le choix .

    FRIK-A-FRAK

    19 h 42, le 22 octobre 2018

  • Je ne pense pas qu'il ira loin il est trop contre l'Europe, , maintenant il s'est calme , il voulait sortir de l'euro et de l'Europe, ce n'est pas intelligent de sa part, même la Grece quand elle était sous terre elle n'a jamais voulu sortir de l'euro

    Eleni Caridopoulou

    16 h 28, le 22 octobre 2018

  • Grace a SALVINI ,la droite patriote dans de nombreux pays d Europe s est decomplexee ...il est le grand sauveur de l Europe.

    HABIBI FRANCAIS

    11 h 31, le 22 octobre 2018

  • Anti-immigrationniste ne signifie pas xénophobe. Vouloir "l'Italie d'abord" est simplement du patriotisme. Mais ce mot est tabou dans le dictionnaire du politiquement correct occidental.

    Yves Prevost

    07 h 36, le 22 octobre 2018

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