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Moyen Orient et Monde - Affaire Khashoggi

Entre « châtiment » US et « réponse » saoudienne, jusqu’où la brouille entre Washington et Riyad ira-t-elle ?

En cas de mesures prises par les États-Unis contre le royaume wahhabite, celui-ci pourrait être tenté de faire exploser les prix du pétrole.

Le président des États-Unis Donald Trump et le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane (MBS), participant à une réunion dans un hôtel à Riyad, le 20 mai 2017. Mandel Ngan/AFP

Jusqu’où la crise américano-saoudienne provoquée par l’affaire Khashoggi ira-t-elle ? L’Arabie, accusée d’être derrière la disparition du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, a fait savoir dimanche qu’elle rejetait toutes les accusations portées contre elle par un grand nombre de pays et qu’elle répondrait à toute sanction économique qui pourrait lui être infligée, rapporte l’agence officielle SPA en citant un responsable saoudien anonyme. « Nous rejetons entièrement toute menace ou tentative d’affaiblir le royaume, que ce soit via des menaces d’imposer des sanctions économiques ou l’usage de pressions politiques », a-t-il ajouté. Le royaume wahhabite « répondra à toute mesure le visant par des mesures encore plus fortes », a poursuivi ce responsable.

Ces déclarations font suite aux propos de Donald Trump qui a mis en garde samedi le royaume saoudien de « châtiment sévère » si sa culpabilité dans cette affaire était avérée. Une chose est certaine, le président américain ne fait pas ici allusion à la mise en péril du partenariat militaire entre son pays et le royaume wahhabite. Il a néanmoins affirmé disposer « d’autres moyens » de le punir, sans plus de précision. « Il est difficile d’imaginer des sanctions réelles, comme des embargos ou des sanctions comme celles actuellement appliquées contre l’Iran. Il ne faut pas oublier que nous sommes à la veille des élections de mi-mandat (mid-terms), qui se dérouleront le 6 novembre (…) Il y a eu des moments très inattendus ces derniers jours avec des renversements de situation autour de cette affaire et il sera intéressant de suivre ce qui se passe ces prochains jours », estime Perry Cammack, chercheur au programme Moyen-Orient de l’institut de recherche du Carnegie à Washington, contacté par L’Orient-Le Jour. Ainsi, le « châtiment sévère » du président américain pourrait donc se limiter à un coup de communication de sa part en vue des mid-terms.

Côté saoudien, Riyad a toujours démenti être impliqué dans l’affaire Khashoggi qui, deux semaines après son commencement, a déjà fait couler beaucoup d’encre dans la presse internationale. Le royaume a néanmoins essayé de calmer le jeu et de nuancer ses affirmations de dimanche, dans le but de ne pas aggraver davantage la brouille avec son allié américain. « Le royaume d’Arabie saoudite adresse ses salutations à tous, y compris l’administration américaine, pour s’être abstenus de tirer des conclusions hâtives à propos de l’enquête en cours », a tweeté l’ambassade saoudienne à Washington. L’Arabie saoudite semble ainsi jouer au coup du « bon et du méchant flic » en se tenant disponible pour participer à l’enquête tout en mettant en garde contre des représailles en cas de sanctions éventuelles. Mais en quoi consisteraient-elles ?


(Lire aussi : Disparition de Khashoggi : le film des événements)


L’arme dissuasive du pétrole

Si pour l’instant les Américains se sont contentés de mises en garde à l’adresse de Riyad, la crise autour de M. Khashoggi a provoqué une succession d’événements néfastes pour le royaume et son prince héritier et homme fort, Mohammad ben Salmane (MBS). Du point de vue diplomatique, plusieurs élus américains, tant démocrates que républicains, ont affirmé la semaine dernière que si la responsabilité de l’Arabie saoudite dans l’affaire Khashoggi était avérée, cela aurait des conséquences « désastreuses » sur les relations entre les deux pays. Mais c’est sur l’aspect économique que le royaume pourrait être le plus touché.

En vue de l’organisation du sommet économique Future Investment Initiative, aussi appelé « Davos du désert », réunissant entre le 23 et le 25 octobre prochain à Riyad tout le gratin du monde des affaires et de la finance mondiale, plusieurs grands médias occidentaux, dont le Financial Times, le New York Times, The Economist, Bloomberg et CNN ont décidé d’annuler leur venue, tout comme plusieurs entreprises étrangères. Ce sommet est pourtant vital pour MBS qui souhaite à tout prix attirer les investisseurs en Arabie saoudite afin de promouvoir son gigantesque projet appelé « Vision 2030 », censé transformer le premier exportateur mondial de pétrole en géant technologique et touristique. C’est d’ailleurs durant un sommet semblable, le 24 octobre 2017, que le prince héritier saoudien s’était exprimé devant une foule d’investisseurs sur ses ambitions économiques et sur la lutte contre l’extrémisme religieux dans son pays, le tout interviewé par une journaliste non voilée, brisant une nouvelle fois les tabous du royaume ultraconservateur et mettant en avant son image d’homme réformateur et moderne.

Mais si des mesures américaines devaient effectivement s’appliquer, comment l’Arabie saoudite réagirait-elle ? Riyad pourrait utiliser son arme de prédilection, le pétrole, pour envoyer un message fort. Washington reproche souvent à l’Arabie saoudite de ne rien faire pour endiguer la constante hausse des prix du pétrole, due notamment à la baisse des exportations du pétrole iranien depuis le retrait des Américains de l’accord de 2015 sur le nucléaire (JCPOA, Joint Comprehensive Plan of Action). Riyad pourrait ainsi jouer cette carte à son avantage. « L’Arabie saoudite pourrait provoquer une sorte de réduction de la production pétrolière qui ferait exploser les marchés pétroliers et financiers. Mais je ne suis pas sûr qu’elle voudrait en arriver là, elle veut seulement faire comprendre aux États-Unis qu’elle en a le pouvoir (…) L’administration Trump et le gouvernement saoudien sont conscients que si les pires scénarios se produisent, cela aurait un énorme impact sur leur relations, et ni l’un ni l’autre ne le veulent », explique Perry Cammack. Dans cette perspective, le secrétaire d’État Mike Pompeo a été envoyé hier par Donald Trump à Riyad pour tenter de trouver une solution à la crise qui intervient au milieu de la lune de miel entre le président américain et le prince héritier saoudien.



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commentaires (8)

A Qui le crime va t il profiter? Car crime il y a eu, sans qu'on puisse vraiment cerner le scénario. En attendant des clarifications (douteuses) il faut se raccrocher à ce qui est clair Le Royaume saudien a toujours été particulier , avec une lutte intestine entre les " Familles princières" gérée, à coup de "cadeaux" a ceux qui sont écartés du pouvoir politique . Grande Sagesse du Pouvoir. Dans le monde d'aujourd'hui , les Dirigents n'ont plus les moyens (ou la volonté) de sacrifier à ces "saines habitudes" Alors le mécontentement (qui a été lotempsetouffe) se manifeste (essentiellement à l'étranger, car dans la Royaume il vaut mieux marcher droit) Tout un chacun des partenaires sait cela... Et il y a une grande hypocrisie des partenaires des saudiens à poser des cris d'orfraie. Ils continueront à faire affaire avec le pouvoi en place...meme si vertement ils souhaitaient d'en voir un successeur

Chammas frederico

14 h 28, le 16 octobre 2018

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Commentaires (8)

  • A Qui le crime va t il profiter? Car crime il y a eu, sans qu'on puisse vraiment cerner le scénario. En attendant des clarifications (douteuses) il faut se raccrocher à ce qui est clair Le Royaume saudien a toujours été particulier , avec une lutte intestine entre les " Familles princières" gérée, à coup de "cadeaux" a ceux qui sont écartés du pouvoir politique . Grande Sagesse du Pouvoir. Dans le monde d'aujourd'hui , les Dirigents n'ont plus les moyens (ou la volonté) de sacrifier à ces "saines habitudes" Alors le mécontentement (qui a été lotempsetouffe) se manifeste (essentiellement à l'étranger, car dans la Royaume il vaut mieux marcher droit) Tout un chacun des partenaires sait cela... Et il y a une grande hypocrisie des partenaires des saudiens à poser des cris d'orfraie. Ils continueront à faire affaire avec le pouvoi en place...meme si vertement ils souhaitaient d'en voir un successeur

    Chammas frederico

    14 h 28, le 16 octobre 2018

  • OU EST ADEL AL JUBEIR ?

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    14 h 00, le 16 octobre 2018

  • Faut pas s'en faire, le dieu dollar finit toujours par pardonner ! Et à concocter des arrangements avec son fidèle associé Belzébuth ! Personne ne sera dupe... Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 02, le 16 octobre 2018

  • Qui va croire que c’est une bande crapules indépendante qui a fait le coup?

    L’azuréen

    09 h 17, le 16 octobre 2018

  • Comme le dit la fable tu bouffes ou tu bouffes pas tu crèves quand même. Dans cette relation " idyllique" entre le "maître et l'esclave" les leçons seront tirés. Il ne sert à rien de faire l'esclave puisque de toute façon c'est pas parce que tu dépend d'un maître que tu serais à l'abri de son appétit. Avec la perte de ta dignité en plus. C'est pas parce que tu te crois maître d'un Chat que tu pourrais te croire à l'abri d'un coup de griffe. C'est l'après Khashoggi qui sera intéressant de surveiller. La méfiance ne recolle JAMAIS les morceaux.

    FRIK-A-FRAK

    09 h 10, le 16 octobre 2018

  • IL N,Y AURA PAS DE BROUILLE POUR LE MOMENT. TOUS VEULENT SAUVER LES APPARENCES... MAIS IL DEVRAIT Y AVOIR UN CHANGEMENT AU SOMMET EN SAOUDITE MALGRE L,HISTOIRE OU LES HISTOIRES QU,ON S,APPRETE A SERVIR AUX OPINIONS PUBLIQUES MONDIALES QUI NE VONT GOBER AUCUNE CAR LA REALITE EST DEJA CONNUE ET ELLE EST UNE ! CEUX QUI ONT DONNE L,ORDRE POUR CE CRIME CRAPULEUX VONT EN PAYER LE PRIX !

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    08 h 58, le 16 octobre 2018

  • Les USA devraient envahir l arabie saoudite la syrie et l iran les peuples de ces pays seraient ravis...la funeste erreur etait de n envahir que l Irak en 2003...

    HABIBI FRANCAIS

    05 h 56, le 16 octobre 2018

  • Il ne nous reste qu'à attendre et voir l'évolution de cette affaire puante... Ce fut une belle diversion... Erdoganienne. On ne parlait que des sanctions contre Erdogan ... Meurtre d'un journaliste saoudien à Istanbul, sa fiancée turque qui enregistre le meurtre.... Les regards du monde font un tour à 180° On ne parle plus désormais que des sanctions contre MBS. Erdogan redevient fréquentable ! Résultat : Tour de magie ottoman !?

    Sarkis Serge Tateossian

    01 h 25, le 16 octobre 2018

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