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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Asia Bibi, chrétienne pakistanaise, peut-elle échapper à la peine de mort ?

Le procès de cette mère de cinq enfants accusée de blasphème met le pays en ébullition.


Des partisans du parti politique islamiste, Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP), tenant une pancarte appelant à la condamnation à mort de Asia Bibi à Karachi. Asif Hassan/AFP

Après des années de détention dans une cellule de Multan, au Pakistan, un procès en dernier appel à la Cour suprême d’Islamabad a eu lieu ce lundi 8 octobre pour Asia Bibi, une chrétienne condamnée à mort pour blasphème en 2010. Depuis sa première condamnation, le jugement a été plusieurs fois différé en raison des tensions politiques suscitées par ce qui est devenu une véritable affaire d’État au Pakistan. Si trois juges sur dix-sept ont demandé lundi un délai supplémentaire avant de communiquer leur décision, c’est « maintenant une question de quelques jours », selon la journaliste Anne-Isabelle Tollet, porte-parole officielle de Asia Bibi et de sa famille, contactée par L’Orient-Le Jour.

L’histoire d’Asia Bibi, mère de cinq enfants, est devenue le symbole de la chasse au blasphème au Pakistan, dans un pays où l’islam est religion d’État. Le 14 juin 2009, en plein été dans le Penjab, elle cueille des baies pour nourrir ses enfants, en compagnie de plusieurs autres femmes majoritairement de confession musulmane – l’islam représentant 96 % de la population au Pakistan selon L’Observatoire de la liberté religieuse. La dispute explose lorsque ses voisines l’accusent de souiller l’eau d’un puits où elle est allée s’abreuver. Dans les échanges tendus qui suivent, un mot d’Asia Bibi, concernant le prophète Mahomet, aurait attiré l’attention, et s’ensuivent des accusations de blasphème à son égard. Dans son livre La mort n’est pas une solution, la journaliste Anne-Isabelle Tollet, qui a fait une longue enquête sur le sujet, dénonce un règlement de comptes personnel. « Cette paysanne analphabète chrétienne n’aurait jamais osé insulter le Prophète dans un pays à 96 % musulman », soutient-elle. Le blasphème peut être puni de mort au Pakistan. Introduites en 1986 dans le code pénal pendant une dictature souhaitant radicaliser le pays, les lois dites « du blasphème » sont une arme instrumentalisée par les extrémistes. Elles instaurent un crime suprême pour lequel ni enquête ni avocat ne peuvent suffire à se défendre et elles terrorisent l’ensemble de la société pakistanaise. Environ 300 personnes sont accusées chaque année, y compris des musulmans. Si Mme Tollet considère que la question du blasphème « est une affaire d’injustice et n’a rien à voir avec la discrimination à l’égard des chrétiens, selon Nasir Saeed, responsable de l’ONG Class qui s’occupe des chrétiens persécutés au Pakistan, interrogé par L’OLJ. Ces lois sont exploitées pour punir et se venger surtout contre les non-musulmans. »


(Pour mémoire : Le procès pour blasphème de la chrétienne pakistanaise Asia Bibi renvoyé)


« Ils risquent leur peau »

Depuis des années, les islamistes promettent le chaos si Asia Bibi était acquittée. Mercredi 10 octobre, un parti politique islamiste, Tehreek-e-Labaik Pakistan (TLP), a menacé les juges de la Cour suprême et a déclaré que « les musulmans pakistanais prendront les mesures adéquates face aux juges (…) et les conduiront à une fin horrible » s’ils innocentent Asia Bibi. Des milliers d’extrémistes ont défilé hier à Lahore, la deuxième ville du Pakistan, à l’appel du parti islamiste sous la devise « Pendez Asia aujourd’hui », alors qu’un autre groupe religieux, la Mosquée rouge, a présenté à la cour une pétition pour qu’elle ne puisse pas quitter le pays en cas de libération.

Selon Claire Lacroix, porte-parole de l’ONG Portes ouvertes qui défend les chrétiens persécutés dans le monde, interrogée par L’OLJ, « de violentes attaques contre les chrétiens sont à craindre de la part des extrémistes islamiques ». De telles menaces expliquent probablement le retard dans la décision des juges qui, selon M. Saeed, veulent « éviter de créer du désordre dans le pays ». Mme Tollet explique « qu’un juge qui innocente quelqu’un accusé de blasphème est, aux yeux des islamistes, un juge qui commet aussi un blasphème ». Les juges, tout comme l’avocat d’Asia Bibi, le musulman Saif ul Mulook, « risquent leur peau », ce qui a été prouvé précédemment par l’assassinat en 2011 de deux hommes politiques, le gouverneur du Penjab Salman Tasser et un ministre chrétien des minorités, Shahbaz Bhatti, qui avaient pris le parti d’Asia Bibi et remis en question les lois antiblasphème.

Anne-Isabelle Tollet est « plutôt optimiste » quant à la libération prochaine d’Asia Bibi, qui bénéficie du soutien de la communauté internationale. La journaliste a en effet porté son cas devant l’ONU et le Parlement européen, et a créé une association en son nom, le « Comité international Asia Bibi ». Ainsi, si le Pakistan souhaite continuer à bénéficier des financements de l’UE, son premier partenaire économique, le pays doit « envoyer un message d’ouverture en libérant Asia », selon la journaliste. Toutefois, pour Claire Lacroix, « il faut avoir beaucoup de foi pour croire qu’elle finira par être libérée » car le gouvernement pakistanais ne veut pas « perdre la face ».


Pour mémoire 

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Barbarie

L’azuréen

07 h 38, le 15 octobre 2018

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Commentaires (4)

  • Barbarie

    L’azuréen

    07 h 38, le 15 octobre 2018

  • Barbarie

    L’azuréen

    22 h 54, le 14 octobre 2018

  • encore des sauvages avec une religion de paix et d'amour

    Talaat Dominique

    13 h 20, le 14 octobre 2018

  • METTEZ CE PAYS BARBARE AU BANC DES NATIONS ! MAIS OU SONT LES N.U. ET LES PUISSANCES DEMOCRATIQUES POUR CHATIER DES PAYS AU TEL COMPORTEMENTS ?

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 32, le 14 octobre 2018

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