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À La Une - Religion

En Ukraine, craintes de troubles entre les deux Églises orthodoxes

La décision du Patriarcat de Constantinople de reconnaître une Eglise indépendante de la tutelle de Moscou est "un événement historique, mais qui recèle potentiellement de gros problèmes", selon un haut responsable sécuritaire ukrainien.

Le Patriarche ukrainien Filaret, lors d'une conférence de presse à Kiev, le 11 octobre 2018. AFP / Genya SAVILOV

La décision jeudi du Patriarcat de Constantinople de reconnaître en Ukraine une Eglise indépendante de la tutelle de Moscou a ravivé les craintes de troubles dans ce pays déjà meurtri par une guerre dans l'Est séparatiste. "Il s'agit d'un événement historique, mais qui recèle potentiellement de gros problèmes", résume auprès de l'AFP un haut responsable ukrainien issu du secteur de la sécurité d'Etat sous couvert de l'anonymat. Tous gardent en mémoire le souvenir douloureux de l'année 2014, quand des mouvements d'insurrection prorusse soutenus par Moscou ont éclaté dans l'est et le sud de l'Ukraine, puis se sont transformé en rébellion armée.

Le conflit entre les deux Eglises orthodoxes, l'une fidèle à Moscou et l'autre qui suit le patriarcat de Kiev, s'inscrit dans un feuilleton de tensions extrêmes entre les deux voisins. Tout a débuté avec le soulèvement du Maïdan à l'hiver 2013-2014 qui a porté des pro-occidentaux au pouvoir en Ukraine, suivi par l'annexion de la Crimée par la Russie et par une guerre avec les séparatistes qui a fait plus de 10.000 morts.

Après l'annonce de la reconnaissance d'une Eglise indépendante en Ukraine, le Patriarcat de Moscou a dénoncé un "schisme" et mis en garde contre "des conséquences extrêmement graves". L'Eglise orthodoxe russe a dit craindre des actions, de force ou en justice, visant à lui retirer le contrôle des églises et monastères qui lui sont affiliés en Ukraine. Certains prêtres ont déjà appelé leurs fidèles à se tenir prêt à défendre leurs sanctuaires.

Vendredi, le Kremlin a prévenu que Moscou n'hésiterait pas à "protéger les intérêts des orthodoxes" en Ukraine si les autorités du pays ne parvenaient pas à "maintenir la situation sous contrôle et dans le cadre de la légalité". Cette protection se fera par des moyens "exclusivement politiques et diplomatiques", a précisé Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin.


(Lire aussi : Eglise indépendante: la presse ukrainienne salue un "coup sérieux" contre Moscou)


"Sans violence"
Les propos du Kremlin n'ont rien de rassurant pour Kiev, Moscou s'étant déjà servi de l'argument de la protection des Russes et russophones à l'étranger pour annexer la péninsule ukrainienne de Crimée en mars 2014 puis pour justifier son soutien aux séparatistes de l'Est de l'Ukraine.

Les autorités ukrainiennes ont essayé de se montrer rassurantes après l'annonce de la décision de Constantinople. Le président Petro Porochenko, qui avait pourtant qualifié l'Eglise du patriarcat de Moscou de "menace pour la sécurité nationale", a promis que le gouvernement respectera le choix de ceux qui décideront de rester loyaux à l'Eglise russe. Le Patriarche ukrainien Filaret a de son côté déclaré que l'unification des Eglises en Ukraine devra se faire "sans violence".

M. Porochenko a par avance accusé le Kremlin de vouloir "lancer une guerre religieuse en Ukraine" et qualifié d'"agents de Moscou" ceux qui appellent à "saisir des monastères ou des églises". "Les Russes vont tenter de déstabiliser la situation en utilisant à cette fin l'extrême-droite ukrainienne", précise le haut responsable de la sécurité sous couvert de l'anonymat.

L'Eglise du Patriarcat de Moscou dispose en Ukraine du plus grand nombre de paroisses (plus de 12.000), mais le Patriarcat de Kiev compte le plus grand nombre de fidèles, selon les sondages.


(Lire aussi : Le patriarcat de Moscou rompt en partie ses liens avec Constantinople)


Monastères
L'une des questions les plus sensibles est désormais de savoir à quelle Eglise seront rattachés les laures, ces grands monastères orthodoxes, dont les plus symboliques sont la laure de Kievo-Petchersk dans la capitale et celle de Potchaïv (ouest), actuellement toutes les deux rattachées au patriarcat de Moscou.

Les autorités "assurent qu'il n'y aura pas de recours à la force, mais comment prévoient-elles alors de transférer nos églises et locaux à d'autres?", s'est inquiété auprès de l'AFP l'archevêque Kliment Vetcheria, porte-parole de l'Eglise loyale à Moscou. "Des groupes radicaux (...) disent ouvertement qu'ils n'hésiteront pas à mener des actions agressives", poursuit-il, en référence aux groupes d'extrême droite du pays.

Le ministère ukrainien de l'Intérieur a promis vendredi une réaction "sévère" en cas de "tentative de déstabilisation", alors que sera célébrée dimanche en Ukraine une fête à forte connotation nationaliste. Cette célébration devrait comme chaque année voir défiler à Kiev des milliers de nationalistes et certains craignent que l'événement ne tourne à la bataille rangée à la laure de Kievo-Petchersk. Le métropolite Pavlo, à la tête de la laure, a invité les fidèles à "passer toute la journée" au monastère dimanche, à l'occasion de la fête de l'Intercession.

La décision jeudi du Patriarcat de Constantinople de reconnaître en Ukraine une Eglise indépendante de la tutelle de Moscou a ravivé les craintes de troubles dans ce pays déjà meurtri par une guerre dans l'Est séparatiste. "Il s'agit d'un événement historique, mais qui recèle potentiellement de gros problèmes", résume auprès de l'AFP un haut responsable ukrainien issu du ...

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