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Moyen Orient et Monde - Entretien

MBS pourrait ne pas jouir du consensus de la famille pour devenir roi

Le prince héritier Mohammad ben Salmane (MBS) et Mohammad ben Nayef en 2016. Archives AFP

Professeure au centre pour le Moyen-Orient de la London School of Economics and Political Science (LSE), Madawi al-Rasheed développe pour L’OLJ les possibles conséquences internes et externes pour Riyad si son implication dans l’affaire Khashoggi est établie.

En admettant que la responsabilité de Riyad soit confirmée dans la disparition, à Istanbul, du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, pourquoi le royaume n’aurait-il pas cherché à l’éliminer de façon plus discrète ?

Il est extrêmement difficile de savoir ce qui s’est passé exactement à l’intérieur du consulat saoudien à Istanbul (où M. Khashoggi s’est rendu avant de disparaître). S’il y a eu effectivement un plan saoudien pour neutraliser Khashoggi, que ce plan ait été exécuté correctement ou ait mal tourné, il a envoyé un très mauvais message : le régime saoudien est disposé à aller jusqu’à créer une situation qui ne lui est pas favorable, avec la disparition d’un journaliste important et qui a été proche de certains milieux du pouvoir. Or le régime saoudien ne veut pas de ce type de mauvaise publicité, parce que cela mine l’image du nouveau prince héritier en tant que réformateur libéral qui a ouvert l’Arabie saoudite et a libéré les femmes. Khashoggi était très proche de l’ex-directeur du renseignement le prince Turki al-Fayçal, qui d’ailleurs est resté très silencieux au cours des dix derniers jours. Il est très normal, en Arabie saoudite, que des intellectuels se rapprochent d’un prince particulier, et quand celui-ci perd son pouvoir, l’individu est puni ou mis à l’écart. Il est évident qu’une nouvelle élite a émergé avec l’arrivée du roi Salmane au pouvoir en 2015. La mise à l’écart de la précédente élite est probablement en cours.

Les Saoudiens auraient-ils sous-estimé les conséquences d’une disparition de M. Khashoggi ?

Si le consulat saoudien est directement responsable de ce qui est arrivé à Jamal Khashoggi, je pense que Mohammad ben Salmane peut avoir sous-estimé l’ampleur qu’allait prendre l’affaire sur la scène internationale. Il peut aussi avoir effectivement pensé que, quoi qu’il arrive, Donald Trump continuerait à le soutenir indépendamment du bruit que ferait l’affaire.

Riyad est-il allé trop loin dans sa campagne pour faire taire les dissidents ?

Cette campagne devra s’arrêter parce que l’Arabie saoudite perd sa crédibilité et sa réputation. Si elle ne s’arrête pas, le régime deviendra un fardeau pour les alliés de l’Arabie saoudite. Il n’y a pas de quoi être fier lorsque votre allié et partenaire dans les relations internationales est un régime qui se comporte comme un État voyou.


(Lire aussi : L’affaire Khashoggi peut-elle mettre fin à l’idylle entre Trump et MBS ?)



Comment cette affaire peut-elle affecter les relations entre Riyad et les Occidentaux ?

Les Occidentaux vont exercer une forte pression sur le régime saoudien, mais cela ne signifie pas que nous saurons ce qui est arrivé à Khashoggi. Ils vont peut-être rendre difficile le transfert de technologies ou de certaines armes à Riyad. Ils peuvent aussi appeler à la libération de certains militants ou l’ouverture du système politique saoudien. Mais ils n’iront pas jusqu’à soutenir un changement de régime en Arabie saoudite, parce qu’ils se soucient de ce qui arrivera si celui-ci n’a plus le soutien des Occidentaux. Ils craignent que l’Arabie saoudite ne devienne un autre Irak, Yémen ou Syrie. Il y a néanmoins une probabilité qu’ils décident de promouvoir, en coulisses, une prise en charge du régime saoudien par un autre prince.

Dans ce cadre, que pensez-vous de la vidéo du prince Ahmad (ancien ministre de l’Intérieur et frère du roi Salmane) qui opère une distinction nette entre le clan al-Saoud et l’actuel pouvoir en place ?

Les dissidences au sein de la famille royale ont commencé lorsque le roi Salmane a annoncé, en 2017, que son fils serait le prince héritier. Ce faisant, il a complètement écarté deux princes très importants, Mohammad ben Nayef, qui était le prince héritier, et Mutaib ben Abdallah, le fils du précédent roi. Mohammad ben Salmane a lui-même humilié certains des princes durant l’épisode des purges du Ritz-Carlton, y compris al-Walid ben Talal, Mutaib ben Abdallah et de nombreux autres. Cela a créé un climat d’appréhension au sein de la famille royale et le risque sérieux que MBS ne soit jamais en mesure d’avoir le consensus de la famille pour devenir roi.

Son accession au trône n’est donc pas garantie ?

Actuellement, il est sous la protection de son père, mais nous ne savons pas ce qui va se passer après le décès du roi Salmane. Aujourd’hui, les princes sont totalement silencieux, ils sont marginalisés et certains d’entre eux sont interdits de voyage. C’est peut-être une raison pour laquelle le prince Ahmad n’est pas rentré en Arabie. Peut-être envisage-t-il de ne pas rentrer du tout.



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Professeure au centre pour le Moyen-Orient de la London School of Economics and Political Science (LSE), Madawi al-Rasheed développe pour L’OLJ les possibles conséquences internes et externes pour Riyad si son implication dans l’affaire Khashoggi est établie.En admettant que la responsabilité de Riyad soit confirmée dans la disparition, à Istanbul, du journaliste saoudien Jamal...

commentaires (3)

Quand on se penche sur les réactions des blogs et réseaux sociaux, on voit le niveau...c’est affligeant et hallucinant ! Ils ne se rendent même pas compte que la situation du « royaume «  est très très dangereuse. Il n’y aura plus de cadeaux monseigneur si les supputations sont étayées. Ça va être la débandade.

L’azuréen

22 h 07, le 12 octobre 2018

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Commentaires (3)

  • Quand on se penche sur les réactions des blogs et réseaux sociaux, on voit le niveau...c’est affligeant et hallucinant ! Ils ne se rendent même pas compte que la situation du « royaume «  est très très dangereuse. Il n’y aura plus de cadeaux monseigneur si les supputations sont étayées. Ça va être la débandade.

    L’azuréen

    22 h 07, le 12 octobre 2018

  • Je pensais ne pas voir ça de mon vivant , mais il semble que l'heure de VÉRITÉ de ce royaume est proche . Les fondamentaux de la politique pratiquée en bensaoudie depuis sa création sont tous faux , basés uniquement sur l'allégeance à une politique qui ne compte que sur l'extérieur pour survivre, avec tout l'argent et l'or du monde cela va forcément vous péter à la gueule un jour. Des pays pétroliers riches comme les pays nordiques , ou la Suisse avec des populations n'excédant pas 5 millions d'individus on voit un peuple qui bosse dur jour et nuit, créatifs , allez voir en bensaoudie, ceux qui bossent sont des étrangers, vous ne pouvez conclure aucun contrat avant minuit , le jour ils dorment et laissent la gestion de leurs affaires aux étrangers. Ce pays est factice et va sûrement péricliter encore pire de l'Irak ou la Syrie ou l'Afghanistan. Dans le récit que nous fait Madawi EL Rasheed la chose la plus importante est : ce pays devient un fardeau pour ses alliés etc...... C'est tellement vrai que ces alliés que sont les OCCIDENTAUX QUI MANIPULENT CES ROIS FENEANTS risquent d'être entraînés dans la chute de la maison saoudo.

    FRIK-A-FRAK

    10 h 14, le 12 octobre 2018

  • AVEC SES GAFFES REPETEES LE DOUTE Y PLANE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 33, le 12 octobre 2018

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