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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Affaire Khashoggi : les médias saoudiens pointent le Qatar du doigt

La chaîne al-Arabiya s’en prend, en outre, à la fiancée turque du journaliste disparu.


Devant l’ambassade saoudienne à Washington, des manifestants réclamant la vérité au sujet de la disparition de Jamal Khashoggi. Parmi eux, un homme grimé en Mohammad ben Salmane, les mains couvertes de sang factice. Jim Watson/AFP

Alors que l’affaire de la disparition, à Istanbul, du journaliste saoudien Jamal Khashoggi fait la une, à travers le monde, d’un grand nombre de médias qui posent la question d’une éventuelle responsabilité saoudienne, au sein du royaume wahhabite, la presse se démarque. Les premiers jours suivant la disparition de M. Khashoggi, un journaliste critique du pouvoir saoudien, les principaux quotidiens saoudiens se sont contentés d’exposer les faits sans faire remonter l’information en une. Ces deux derniers jours, un net changement de ton apparaît néanmoins, avec la publication d’articles pointant du doigt le Qatar : la presse en Arabie saoudite – un pays qui se classe à la 169e place sur 180 dans le dernier rapport sur la liberté de la presse de l’ONG Reporters sans frontières – accuse Doha d’être purement et simplement à l’origine de la disparition de Jamal Khashoggi. Ce pays, auquel Riyad fait subir un embargo diplomatique et socio-économique depuis juin 2017, semble donc être le bouc émissaire idéal pour éviter un affrontement diplomatique direct avec Ankara, tout en se dédouanant des accusations formulées par la communauté internationale dans cette affaire. L’Arabie et la Turquie sont certes en froid depuis juin 2017, puisque cette dernière a choisi de prendre le parti du Qatar suite à l’annonce de l’embargo par les pays du Golfe. Mais, pour l’heure, le royaume ne semble pas vouloir pousser plus loin la confrontation diplomatique avec Ankara.


(Lire aussi : L’Arabe du futur, le commentaire d'Anthony Samrani)


Fiancée inconnue

Hier, le quotidien al-Riyad a donc choisi de tirer à boulets rouges sur la chaîne satellitaire qatarie al-Jazira, l’accusant de diffuser des mensonges et des informations contradictoires. De même, la caricature du quotidien met en lumière les nombreux tweets d’al-Jazira qui ont été effacés au fur et à mesure que le mystère autour de la disparition de M. Khashoggi s’épaississait. Un point que la chaîne satellitaire saoudienne al-Arabiya met également en avant, en interviewant notamment un expert en communication de l’Université du roi Saoud de Riyad. Ce dernier estime qu’aucune information sûre et confirmée n’existe pour l’heure concernant le sort de Jamal Khashoggi. Il ajoute qu’il est aisé de reconnaître la partie qui tire profit de la situation et qui désire provoquer des troubles dans les relations saoudo-turques, et qu’en l’occurrence Doha tire les ficelles de ce tapage médiatique qu’il orchestre soigneusement par le biais d’al-Jazira. Il va également plus loin en considérant que c’est Doha qui est probablement à l’origine de la disparition du célèbre journaliste. La seule critique directe à l’égard de la Turquie que se permet le quotidien al-Riyad concerne la diffusion d’informations non vérifiées par des sources officielles. Après la disparition, mardi dernier, de M. Khashoggi, suite à un rendez-vous au consulat saoudien à Istanbul, des sources anonymes de la police turque ont affirmé qu’il n’en est jamais sorti. La chaîne al-Arabiya s’en prend, quant à elle, à la fiancée turque du journaliste, assurant que cette dernière est totalement inconnue de la famille Khashoggi dans son ensemble et insinue qu’elle a joué un rôle central dans la disparition du Saoudien. La chaîne va même jusqu’à l’accuser d’être à la solde de Doha. Le Washington Post a pourtant publié une interview de cette femme, Hatice Cengiz, qui relate les détails de sa rencontre avec Jamal Khashoggi ainsi que leur volonté de se marier.

Sur les réseaux sociaux, en temps normal, deux tendances se seraient dégagées en Arabie saoudite : les pro-Khashoggi d’un côté et ses détracteurs de l’autre. Mais ces derniers sont aujourd’hui majoritaires sur Twitter. Ils n’hésitent pas à s’exprimer très librement allant même jusqu’à user des pires insultes contre le journaliste. « S’ils le cherchent dans les bars ou la poubelle, ils le trouveront sûrement », écrit ainsi un internaute. Globalement les tweets anti-Khashoggi se caractérisent par le mépris et la raillerie à l’encontre du journaliste, comme si sa disparition n’était qu’un fait divers dénué de toute importance politique. Quant aux pro-Khashoggi, ils n’osent plus vraiment s’exprimer en Arabie et rares sont les tweets en langue arabe qui le soutiennent. La plupart des messages de soutien proviennent d’internautes qataris.


(Lire aussi : Trump demande des explications à Riyad sur le journaliste saoudien disparu à Istanbul)


Nouvelle vague de purges

Les vagues successives d’arrestations, qui ont largement décimé les rangs des opposants et activistes depuis le 4 novembre 2017, ont jeté un vrai froid sur les éventuelles velléités d’expression des uns et des autres au sein du royaume wahhabite. Le 4 novembre dernier, lors des fameuses purges du Ritz de Riyad, lancées par le puissant prince héritier Mohammad ben Salmane, les Saoudiens estimaient que ces personnalités de premier plan avaient toutes abusé de leur pouvoir et que l’heure était désormais à la reddition des comptes. Mais lorsqu’en mai 2018 les activistes arrêtés furent en grande majorité des femmes militant pour le droit de conduire depuis le milieu des années 1990, la stupeur a commencé à gagner la société saoudienne. À peine un mois plus tard, les Saoudiennes prenaient enfin le volant, le 24 juin 2018.

Le 7 septembre, l’activiste saoudien résidant au Canada Omar ben Abdelaziz écrivait sur son compte Twitter que les autorités de son pays préparent une vaste campagne d’arrestations visant ses proches et amis d’activistes. Il les appelait dès lors à quitter l’Arabie au plus vite. Selon lui, près de 4 000 personnes seraient au total concernées par cette nouvelle vague de purges. Il faut « partir, avec sa famille, ce soir plutôt que demain », avait-il écrit. Quelques jours avant ce tweet, il avait publié une vidéo sur Youtube dans laquelle il affirmait avoir reçu la visite de deux émissaires du prince héritier, venus à Montréal en compagnie de son jeune frère Ahmad. Ceux-ci lui auraient transmis une invitation de Mohammad ben Salmane à « rentrer » en Arabie, invitation assortie de garanties...


(Lire aussi : L’affaire Khashoggi peut-elle mettre fin à l’idylle entre Trump et MBS ?)


« République bananière »

La disparition de Jamal Khashoggi, pourtant un habitué des méandres et des méthodes du pouvoir saoudien, est-elle liée à cette succession d’arrestations et d’intimidations ? Dans un entretien accordé, trois jours avant sa disparition, à la BBC et dont une partie avait été effectuée en off et n’était pas destinée à être diffusée, M. Khashoggi, qui s’est exilé aux États-Unis en 2017 après être tombé en disgrâce à la cour du prince héritier, affirme qu’il craint pour sa sécurité et qu’il ne rentrera probablement pas au pays. La BBC a rendu ces propos publics mardi dernier, jour de sa disparition. M. Khashoggi aborde également, durant cette conversation informelle avec le journaliste de la chaîne britannique, l’arrestation récente d’un de ses amis, l’économiste Issam al-Zamil, « alors que celui-ci n’est même pas un dissident ». Dans ce contexte, le malaise est palpable dans les rues de Riyad. L’Arabie saoudite est désormais loin, très loin de l’euphorie qui régnait dans le pays il y a un an, le 23 septembre 2017, jour de la fête nationale et date choisie par le roi pour annoncer que les femmes allaient prochainement être autorisées à prendre le volant. Octobre 2018 s’amorce donc sous une chape de peur qui s’étend lentement mais sûrement sur l’ensemble du royaume. Seule l’enquête, si tant est qu’elle s’avère crédible et transparente, démontrera si véritablement l’Arabie saoudite n’est pas « une République bananière », pour reprendre les termes récemment utilisés par le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel Jubeir. Sauf si c’était une façon pour lui de souligner que son pays n’est tout simplement pas une « République ». Un détail qui semble d’ailleurs échapper à la plupart des grandes puissances du monde occidental.


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commentaires (7)

Papa MBS a fait un mauvais choix apparemment car depuis l’adoubement du bébé plus rien ne va ...hé oui MONSEIGNEUR ! Il faut respecter les droits humains les plus élémentaires , les droits de la presse , la souveraineté des états et des peuples et ....surtout s’ouvrir au monde ! Les femmes vont bientôt conduire . Quelle prouesse ! OUAOUUUU! ... Quant à l’auteur de la « disparition-exécution « , pourquoi le Qatar ? Non sûrement les méchants extra terrestres ...sûrement ET ou Luke skywalker ....

L’azuréen

19 h 59, le 11 octobre 2018

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Commentaires (7)

  • Papa MBS a fait un mauvais choix apparemment car depuis l’adoubement du bébé plus rien ne va ...hé oui MONSEIGNEUR ! Il faut respecter les droits humains les plus élémentaires , les droits de la presse , la souveraineté des états et des peuples et ....surtout s’ouvrir au monde ! Les femmes vont bientôt conduire . Quelle prouesse ! OUAOUUUU! ... Quant à l’auteur de la « disparition-exécution « , pourquoi le Qatar ? Non sûrement les méchants extra terrestres ...sûrement ET ou Luke skywalker ....

    L’azuréen

    19 h 59, le 11 octobre 2018

  • Ok bon, donc cet événement régional, probablement (?) très triste mais un peu banal par ailleurs, va retarder la formation du gouv.com.lb???!?!? Va t on retarder l'électricité, les ordures, l'eau, les..., Le...., La.... Toute excuse est bonne et la providence nous en lance des Truck loads tout les jours, fériés ou non. Donc peut être pas de gouvernement jusqu'à ce que le monde se figent au moins pour quelques heures... Yallah bassita...

    Wlek Sanferlou

    16 h 18, le 11 octobre 2018

  • Mmmm pas le Qatar mais le 2-3 eme bureau d’arsbie saoudite ... Et je pense que c’st un coup monter contre MBS ... revanche ou ?!?

    Bery tus

    14 h 33, le 11 octobre 2018

  • Quelle scandale !!!!!!!! On se demande qui des iraniens chiites ou des qataris sunnite wahabites est plus ennemi des bensaouds que l'autre. On dira que les bensaouds sont leurs propres ennemis à cause d'une politique D'ALIGNEMENT AVEUGLE SUR LES EXIGENCES OCCIDENTALES qui vous utilisent et vous usent à la mort . Dans le fond après ce que je vois de leur incurie gabegie et incompétence politique, je souhaiterai que l'héritier tortionnaire reste au pouvoir , il fait l'affaire de ses ennemis . Tout comme ce clown qui le manipule par procuration . Que Dieu prolonge leurs durée au pouvoir . Amen !

    FRIK-A-FRAK

    11 h 19, le 11 octobre 2018

  • UNE BLAGUE QUI FAIT RIRE !

    LA LIBRE EXPRESSION, CENSUREE PARTI PRIS/ INTERET

    09 h 42, le 11 octobre 2018

  • Les Inconditionnels nationaux et autres qui ne jurent que par leur sponsor saoudien, ont maintenant matiere a reflechir apres les accustaions internationales de brutalite et de kidnapping mortel a l’encontre d’un citoyen americain, quelques mois apres la triste experience et nationale humiliation que notre pays a subi avec l’affront subi par notre Premier Ministre. Cette nouvelle politique barbare et brutale basee sur le non respect des droits de l’homme, sur l’intimidation, la violence, la guerre sanguinaire auxquelles le monde assiste impuissant, n’est pas sans nous rappeller un voisin envahisseur dans le passe que nous continuons a critiquer et a blamer. Tous ces tristes evennements, toutes ces tensions, ces clashs diplomatiques avec des grandes puissances comme le Canada, la France, les Etats Unis, et des pays non moindres comme la Turquie et le Qatar et tant d’autres, ne font que justifier davantage devant l’opinion internationale, le spectre d’une probable prochaine mainmise americaine sur le petrole du Golfe et ce afin de limiter des degats deja assez devastateurs et pour assurer une paix et securite dans la region. ( Version Officielle bien entendu) Quant a la la campagne officielle de blame et d’accusations contre le Qatar pour le kidnapping en Turquie, c’est une insulte a l’intelligence du plus commun des mortels.

    Cadige William

    09 h 27, le 11 octobre 2018

  • On séquestre ses cousins, copains etc. dans un hôtel de luxe et on leur soutire des millions, on s'achète ensuite un yacht de luxe pour des...millions...on ne se prive d'aucun objet de luxe...mais la mentalité reste celle du temps où l'on vivait sous des tentes: "c'est moi seul qui commande ici, un point c'est tout, et si cela ne te plaît pas et que tu oses me critiquer...eh bien je d'expédie dans d'autres mondes, où tu ne pourras pas me faire de l'ombre !" Où sont donc les nombreux défenseurs des droits de l'homme, toujours prompts à faire des déclarations pour des affaires bien moins effarantes que la disparition de Jamal Khashoggi ? Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 44, le 11 octobre 2018

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