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Culture - Photographie

Vladimir Antaki, gardien des temples urbains

Alors que son exposition, « The Guardians », s’apprête à faire le tour du pays, l’artiste franco-libanais Vladimir Antaki lance une campagne de crowd-funding pour financer un recueil de ses photographies en hommage aux artisans à travers le monde.

Le portrait d’un disquaire new-yorkais, Bill Kasper, alias Birdman, qui a aujourd’hui plié boutique.

Dis-moi ce que tu fais ? Pourquoi ? Depuis quand ? Que cela soit à New York, Mexico ou Beyrouth, c’est toujours avec ces trois questions que Vladimir Antaki, 38 ans, entre en contact avec ceux qu’il nomme les « Gardiens ».

Depuis 2012, il parcourt le monde à la recherche de petites échoppes, magasins d’un autre temps et d’une autre époque, qu’il photographie avec, au centre de l’image, leur propriétaire. Des portraits de serruriers, disquaires, antiquaires, et bien d’autres, dans leurs « temples urbains ». Des œuvres visuelles surchargées d’objets, de mélancolie et d’histoires.

Une idée venue de son enfance passée à écumer inlassablement les vidéoclubs de Paris, où il a grandi après que ses parents libanais eurent fui la guerre. « Je louais des VHS puis des DVD à Courbevoie, Neuilly ou dans le 17e arrondissement, précise-t-il. Les gens qui y travaillaient avaient une réelle expertise. Ils étaient les gardiens d’un savoir. »

Se définissant lui-même comme un « obsédé du cadrage », Vladimir Antaki propose des photographies colorées, féeriques et saturées, qu’il prend sans trépied. Il revendique la spontanéité et fuit tout artifice et mise en scène. Son travail rend hommage à ce qu’il définit comme l’âme d’une ville. Il déplore un monde aseptisé et globalisé : « Comme me l’a confié Philip Mortillaro, serrurier à New York : Bleecker Street est devenu un centre commercial d’aéroport. Mon travail est un devoir de mémoire. » Ironie du sort, l’une de ses photographies les plus iconiques représente le portrait d’un disquaire new-yorkais, Bill Kasper, alias Birdman, qui a aujourd’hui plié boutique.


Les joyaux de Beyrouth

Beyrouth, où il habite une grande partie de l’année, ne fait pas exception. Vladimir Antaki constate, amèrement, la gentrification de sa ville de cœur : « A-t-on vraiment besoin d’autant de bars à Mar Mikhael ? »

Heureusement, certaines petites boutiques restent, à ses yeux, des joyaux de la ville, comme celle d’Avok, cordonnier de 84 ans, situé à la fin de Mar Mikhael. « Cet homme m’a bouleversé et je suis même retourné avec mon père pour lui tenir compagnie. Pratiquer son métier, c’est ce qui lui permet de rester en vie. »

Parmi ses coups de cœur, il évoque aussi Akram Nehme et son magasin d’antiquités Histoire-Géo, situé à Achrafieh. Un bric-à-brac constitué de vieilles télévisions, de bibelots et de flippers à haute valeur symbolique et historique. « Akram, agent de voyages, a ouvert cette boutique pour arrêter le temps avant la guerre. »

Depuis 2014, Vladimir Antaki enregistre également ses rencontres, qu’il diffuse sur son site internet. Des témoignages faits d’anecdotes incongrues et de réflexions sur les hommes, la société de consommation et le temps qui passe.


Le projet d’une vie

Vladimir Antaki a rencontré plus de 200 « Gardiens » et a dévoilé au grand public le visage d’une cinquantaine d’entre eux. « Un projet d’une vie », pour le photographe qui se sent investi d’une mission : « Donner envie aux gens d’aller discuter avec ces commerçants. Qu’ils ne soient plus des invisibles, et leur permettre d’exister encore longtemps. »

Sa série, « The Guardians », va circuler dans de nombreux Instituts français du Liban (Saïda, Deir el-Qamar…) d’ici à la mi-2019. Cette réflexion universelle séduit aussi l’étranger. Le photographe expose actuellement sa plus récente série, « Portraits de Famille », à Kaunas en Lithuanie, et « The Guardians » à Portland, dès le 2 mai prochain. Une date importante pour l’artiste qui se lance dans une campagne de crowd-funding, avec pour objectif de sortir le livre dès le printemps.

Approché par la prestigieuse maison d’édition allemande Kehrer Verlag, le jeune homme ambitieux se donne deux mois pour trouver les 20 000 euros nécessaires à la fabrication de l’ouvrage qui présentera environ 70 « Gardiens ». « Un travail à plein temps », qu’il embrasse avec excitation et confiance.

Naila Kettaneh-Kunigk, fondatrice de la Galerie Tanit, et commissaire d’une ancienne exposition de Vladimir Antaki, décrit son travail comme « personnel mais tourné vers l’extérieur, vers les autres ». Cette fois, l’artiste aura besoin qu’on se tourne vers lui pour laisser une trace de ses « Gardiens » sur papier glacé. Un livre en forme de manifeste contre l’oubli.

*Lien pour précommander un exemplaire du livre « The Guardians » et soutenir ce projet : https://zoomaal.com/projects/vantaki?ref=159823459


Pour mémoire

Dans le sillage de Vladimir Antaki, « les Gardiens du temple urbain »

Dis-moi ce que tu fais ? Pourquoi ? Depuis quand ? Que cela soit à New York, Mexico ou Beyrouth, c’est toujours avec ces trois questions que Vladimir Antaki, 38 ans, entre en contact avec ceux qu’il nomme les « Gardiens ». Depuis 2012, il parcourt le monde à la recherche de petites échoppes, magasins d’un autre temps et d’une autre époque, qu’il photographie avec, au...

commentaires (2)

Rendre hommage aux artisans du monde ... L'idée même paraît belle et raisonne avec beaucoup de poésies. Finalement l'art de photographier n'est il pas le même que l'écrivain ou le poète ? Superbe.

Sarkis Serge Tateossian

12 h 39, le 10 octobre 2018

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Commentaires (2)

  • Rendre hommage aux artisans du monde ... L'idée même paraît belle et raisonne avec beaucoup de poésies. Finalement l'art de photographier n'est il pas le même que l'écrivain ou le poète ? Superbe.

    Sarkis Serge Tateossian

    12 h 39, le 10 octobre 2018

  • TRES INTERESSANT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 50, le 10 octobre 2018

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