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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Les enjeux de la rivalité entre Paris et Rome en Libye

La France et l’Italie ont deux agendas, deux interlocuteurs et deux objectifs différents.


Les principaux acteurs du conflit libyen réunis à Paris le 29 mai dernier. Photo Reuters

La France est-elle en train de perdre son pari en Libye ? Le 30 septembre 2018, l’émissaire de l’ONU en Libye, Ghassan Salamé, a déclaré à l’AFP qu’ « il se peut qu’on ne puisse pas respecter la date du 10 décembre pour les élections nationales », malgré l’insistance de Paris pour que le scrutin ait lieu avant la fin de l’année.

L’explosion de violence, depuis le 26 août dernier, explique probablement le scepticisme de M. Salamé. Les groupes armés de la « 7e Brigade », milice du sud-est de la capitale censée dépendre du Gouvernement d’unité nationale, ont tenté d’entrer à Tripoli, déclenchant la contre-attaque des milices tripolitaines et provoquant des centaines de morts et des milliers de déplacés. Si un second cessez-le-feu est entré en vigueur le 25 septembre, les événements ont rappelé la capacité de nuisance des milices, qui ont largement gagné en influence ces dernières années et qui ont intérêt à préserver ce statu quo.

C’est lors d’une conférence à Paris le 29 mai réunissant les quatre principaux acteurs du conflit libyen que la France avait proposé la date du 10 décembre 2018 pour la tenue des élections. Le 25 septembre, à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies, le président français Emmanuel Macron a confirmé la position de Paris en faveur d’élections urgentes en Libye, présentées comme le seul moyen d’aboutir à une stabilisation à long terme. La détermination française est également motivée par la volonté d’endiguer les flux de réfugiés qui tentent de rejoindre l’Europe depuis la côte libyenne.

Outre les difficultés du terrain, la position de Paris se heurte à la réticence de Rome qui considère que les conditions propices à une expérience démocratique en Libye ne sont pas réunies. Le fossé entre les deux voisins européens n’a cessé de s’agrandir au cours de ces derniers mois, compliquant encore plus la perspective d’une sortie de crise.


(Pour mémoire : Le processus politique libyen à l'arrêt, otage des milices et des divisions)


« Solution purement militaire »
Si Paris et Rome soutiennent diplomatiquement le Gouvernement d’unité nationale de Tripoli, seul gouvernement officiel reconnu par l’ONU et présidé par Fayez al-Sarraj, la France a noué des liens particuliers avec le maréchal Khalifa Haftar, qui concurrence pourtant l’autorité de Tripoli. Pour la France, « Haftar propose une solution purement militaire et anti-islamiste à la crise libyenne », explique à L’Orient-Le Jour Brahim Oumansour, expert en géopolitique et relations internationales à l’IRIS (Institut des relations internationales et stratégiques). « Paris voit Haftar comme le vecteur pour combattre l’État islamique et réunifier le pays », confirme à L’OLJ Matthieu Cimino, professeur à Sciences Po Paris. C’est notamment grâce au soutien français que le maréchal est parvenu à devenir un acteur crédible aux yeux de la communauté internationale, et dont la présence est devenue indispensable à la table des négociations.

Rome, qui considère avoir une bien meilleure connaissance du terrain que son voisin, entretient pour sa part des relations privilégiées avec le pouvoir à Tripoli et voit le maréchal Haftar comme une possible menace pour ses intérêts dans son ancienne colonie. « Dans une période de totale désaffection envers les institutions internationales, la France voit dans les élections la possibilité de mener la crise en faveur de Haftar », soutient pour L’OLJ Arturo Varvelli, expert de la Libye au sein de l’ISPI (Institut pour les études des politiques internationales), basé à Milan.


(Pour mémoire : Après ses succès dans l'est libyen, Haftar lorgne la Tripolitaine)


Seconde manche
Si le maréchal Haftar est le principal point d’achoppement de l’entente franco-italienne en Libye, c’est avant tout une lutte d’influence qui se joue entre les deux puissances européennes, alors que Paris s’invite dans le pré carré italien. « La France souhaite aujourd’hui avoir une influence propre en Libye », résume Bertrand Badie, professeur à Science Po Paris. « Le soutien à Haftar permet à la France de se rapprocher des alliés du maréchal, à savoir l’Égypte et les Émirats arabes unis », explique pour sa part M. Varvelli.

Les divergences d’intérêts entre Rome et Paris se traduisent également sur le plan énergétique, même si cet aspect est moins pertinent du coté français qui, doté de centrales nucléaires, dépend moins du pétrole et du gaz libyen. « L’Italie a intérêt à soutenir le gouvernement tripolitain car c’est là, dans la partie ouest du pays, qu’ENI, la principale société d’hydrocarbures en Italie, a des investissements à long terme, alors que ceux présents en Cyrénaïque sont en voie d’extinction », analyse M. Varvelli. « Les intérêts énergétiques de la France, représentés en Libye par la société Total, se situent au contraire dans l’est du pays, notamment dans la région de la Cyrénaïque », ajoute le chercheur de l’ISPI.Paris avait gagné la première manche en prenant le leadership sur la question libyenne. Rome pourrait néanmoins gagner la seconde si les élections ne se tenaient pas comme prévu. L’Italie prépare en tout cas une conférence qui devrait se tenir au mois de novembre en Sicile avec le but de réunir toutes les parties en jeu.


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commentaires (1)

HEUREUSEMENT QU'ILS N'ONT PAS REUSSI A SE MELER DE FACON CONCRETE A LA GUERRE CIVILE EN SYRIE... HEUREUSEMENT POUR LE PEUPLE SYRIEN, D'AVOIR EVITE 2 AUTRES ANTAGONISTES A LES FOUTRE ENCORE + PROFONDEMENT DANS LA MERDE

Gaby SIOUFI

10 h 18, le 08 octobre 2018

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Commentaires (1)

  • HEUREUSEMENT QU'ILS N'ONT PAS REUSSI A SE MELER DE FACON CONCRETE A LA GUERRE CIVILE EN SYRIE... HEUREUSEMENT POUR LE PEUPLE SYRIEN, D'AVOIR EVITE 2 AUTRES ANTAGONISTES A LES FOUTRE ENCORE + PROFONDEMENT DANS LA MERDE

    Gaby SIOUFI

    10 h 18, le 08 octobre 2018

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