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Moyen Orient et Monde - Analyse

Quatre obstacles à la « pax poutinia » en Syrie

Le président russe Vladimir Poutine recevait hier le Premier ministre hongrois Viktor Orban au Kremlin. Alexander Zemlianichenko/Pool via Reuters

Tout ne se passe plus aussi bien que prévu pour Vladimir Poutine en Syrie. Le chef du Kremlin avait jusqu’ici coché toutes les cases de la parfaite opération militaire en atteignant tous ses objectifs sans en payer le prix fort : reconquête des territoires les plus stratégiques et symboliques, écrasement des forces rebelles, coordination renforcées avec les puissances régionales. Mais alors qu’il cherche désormais à troquer son costume de général de guerre pour celui de faiseur de paix, au moins quatre obstacles se dressent encore devant lui.

Le premier concerne la reprise de la province d’Idleb, dernière grande enclave aux mains des rebelles. Alors que l’offensive de Damas et de ses parrains russe et iranien apparaissait imminente, Moscou a été obligé de geler les opérations au risque, sinon, de perdre son partenaire turc. La Russie a en effet besoin de la Turquie, parrain des rebelles, pour maintenir en vie son processus d’Astana qui vise à décider entre puissances régionales – autrement dit sans les Occidentaux – du sort de la Syrie. Ankara s’est opposé à une offensive qui aurait provoqué un afflux de réfugiés vers sa frontière et qui lui aurait fait perdre sa carte maîtresse en Syrie. Malgré sa volonté de porter le coup fatal à la rébellion, Vladimir Poutine a dû prendre son mal en patience et passer un nouvel accord de désescalade avec la Turquie. Moscou peut considérer que le temps ne joue pas contre lui et qu’il peut se permettre de reporter l’opération de quelques semaines. Mais cette séquence a mis en exergue la fragilité du processus d’Astana et la difficulté qu’auront Moscou et Téhéran à convaincre Ankara d’apporter « sa caution rebelle » à un plan de paix dont ces mêmes rebelles seront au final exclus.

Le deuxième obstacle apparaît au moins aussi difficile à gérer puisqu’il consiste à gérer la volonté israélienne de pousser Téhéran à quitter le sol syrien. La Russie a jusqu’ici tenté de ménager la chèvre et le chou en continuant à coopérer avec l’Iran en Syrie tout en permettant à l’État hébreu de frapper les installations militaires de Téhéran ou de ses alliés sur ce même terrain. Mais cela n’est pas suffisant pour Israël, qui demande à la Russie de l’aider à mettre les Iraniens et leurs obligés à la porte. Pour ce faire, l’État hébreu n’hésite pas à frapper au sein même de la maison russe en Syrie, dans la province de Lattaquié, à quelques kilomètres de la base russe de Hmeimim. Cette suractivité israélienne a failli provoquer mardi une crise diplomatique avec la Russie, après qu’un avion russe avec 14 militaires à son bord eut été détruit par erreur par un système de défense S-200 de l’armée syrienne, à la suite de l’opération d’Israël. Les deux pays tiennent trop à leur bonne entente pour que cet incident change fondamentalement la donne. Mais celui-ci a confirmé ce que beaucoup d’experts disent déjà depuis plusieurs mois : la Russie a de plus en plus de mal à contrôler l’activité israélienne en Syrie et semble dans le même temps assez peu encline à mettre Téhéran à la porte, si tant est qu’elle puisse le faire.


(Lire aussi : Israël joue avec le feu dans la maison russe en Syrie)


Pas de réhabilitation

Le troisième obstacle est lié à la reconquête de l’Est syrien. Cette région est indispensable à la viabilité du régime en raison de ses richesses en ressources énergétiques et de ses terres agricoles. Reprendre l’Est syrien permettrait également aux forces loyalistes de contrôler toute la frontière avec l’Irak et de mettre les Kurdes et leur projet d’autonomie au pas. Ce grand dessein se heurte pour l’instant à la présence américaine qui, contrairement à ce qu’avait dit Donald Trump il y a quelques mois, devrait se prolonger dans le temps. En restant sur le sol syrien, les Américains gardent un moyen de pression sur le régime et sur les Iraniens, qui souhaitent consolider leur corridor chiite reliant Téhéran à la Méditerranée via l’Irak, la Syrie et le Liban. Les Russes ne peuvent pas imposer leur paix tant que les Kurdes, appuyés par Washington, contrôlent 30 % du territoire. Et le message américain est clair : il n’y aura pas de réhabilitation du régime dans ce contexte.

La réhabilitation du régime, justement, est le quatrième obstacle qui se trouve devant la « pax poutinia ». Si de nombreux États s’accommodent désormais du maintien au pouvoir du président syrien, les Occidentaux comme les pays du Golfe ont posé leurs conditions pour renouer les liens avec le régime et financer la reconstruction du pays. Les pays du Golfe sont prêts à tendre la main à Bachar el-Assad s’il s’éloigne des Iraniens. Les Européens, qui souhaitent également endiguer l’influence iranienne, insistent quant à eux sur la tenue d’élections démocratiques. Le régime, qui n’a jamais souhaité négocier avec l’opposition, qu’il qualifie de « terroriste », est plutôt dans une logique d’imposer sa domination par la force, bien appuyé en cela par son allié iranien. Moscou a pour l’instant épousé la même logique pour gagner la guerre. Mais alors qu’une des guerres, celle qui oppose le régime à l’insurrection, est sur le point de se terminer, l’ours russe pourrait se rendre compte des difficultés à gagner la paix avec de tels alliés.


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Tout ne se passe plus aussi bien que prévu pour Vladimir Poutine en Syrie. Le chef du Kremlin avait jusqu’ici coché toutes les cases de la parfaite opération militaire en atteignant tous ses objectifs sans en payer le prix fort : reconquête des territoires les plus stratégiques et symboliques, écrasement des forces rebelles, coordination renforcées avec les puissances régionales....

commentaires (2)

LE GUERRE COMMENCE ET N,EST PAS TERMINEE. C,EST LA GUERRE DIPLOMATIQUE QUI DECIDERAIT DE QUI A VRAIMENT GAGNE LE MATCH SYRIEN CAR DE MATCH IL EN EST MAINTENANT QUESTION. LA RECONSTRUCTION. ET LA RUSSIE ET SES ALLIES SONT EN PIETRE ETAT DANS CE DOMAINE.

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 32, le 20 septembre 2018

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Commentaires (2)

  • LE GUERRE COMMENCE ET N,EST PAS TERMINEE. C,EST LA GUERRE DIPLOMATIQUE QUI DECIDERAIT DE QUI A VRAIMENT GAGNE LE MATCH SYRIEN CAR DE MATCH IL EN EST MAINTENANT QUESTION. LA RECONSTRUCTION. ET LA RUSSIE ET SES ALLIES SONT EN PIETRE ETAT DANS CE DOMAINE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 32, le 20 septembre 2018

  • Faire la guerre, quand on dispose de moyens puissants, est plus facile que faire la paix. Les américains, d'ailleurs, en savent quelque chose, eux qui ont laissé la pagaille partout où ils sont passés: Vietnam, Afghanistan, Irak...

    Yves Prevost

    07 h 10, le 20 septembre 2018

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