Une grosse trentaine de journalistes ont été invités hier à une visite du Fatmagül Sultan et de l’Esra Sultan, deux des trois navires-centrales que la société Karpowership opère sur le site de la centrale électrique de Zouk (Kesrouan). La tournée a servi de prétexte à la filiale de l’opérateur turc Karadeniz pour défendre son bilan depuis 2013.
L’exercice a été assumé par Ralph Faysal, représentant de Karadeniz au Liban. Pour lui, l’opérateur a rempli sa part du contrat en fournissant un « service de qualité » à un prix « correct » pour compenser le déficit de production d’Électricité du Liban (EDL).
(Pour mémoire : Hausse des prix du pétrole : comment EDL aurait pu économiser des millions de dollars)
Opération et maintenance
« Avec une capacité totale de près de 400 mégawatts (MW), les navires-centrales en service au Liban depuis 2013 (NDLR : l’Orhan Bey à Jiyeh, dans le Chouf, et le Fatmagül Sultan) assurent environ 25 % de la production totale d’électricité distribuée aux abonnés d’EDL », a-t-il martelé face à ses invités. Selon lui, cette part monte à « plus de 35 % » avec le branchement, pendant trois mois cet été, de la troisième barge, Esra Sultan, d’une capacité de 235 MW, et dont la mise en service, sans frais supplémentaires, avait été négociée au printemps par le ministère de l’Énergie et de l’Eau dans le cadre de la prolongation pour trois ans du contrat de mise en service des deux premiers navires-centrales.
Karadeniz avait alors accepté de baisser son prix au kilowattheure (kWh) hors coût du carburant de 5,85 à 4,90 centimes de dollar, afin d’obtenir cette extension, la deuxième depuis 2013. Ce prix passe à 4,20 centimes de dollar pendant les trois mois de mise en service d’Esra Sultan, qui doit lever l’ancre le 18 octobre. « Karadeniz ne loue pas ses barges, mais vend l’électricité qu’elle produit. C’est donc ce prix au kWh, qui inclut la maintenance et les investissements réalisés, et permet de calculer la facture totale que l’État libanais a réglé », explique M. Faysal.
Selon une source proche de la société, le prix au kWh tient compte des frais d’opération et de maintenance – pièces de rechange et travaux sur les infrastructures maritimes inclus – la couverture des investissements réalisés pour les deux barges qui s’élèvent à environ 600 millions de dollars hors intérêts, les frais d’assurances, et enfin la marge de profit (15 %). La facture moyenne par an pour l’État hors coût du carburant sur la période d’exploitation jusqu’à début septembre est de 140 millions de dollars, pour un total cumulé qui se situe « entre 650 et 700 millions de dollars au dernier décompte », précise la source précitée.
Le prix du carburant évolue en fonction des cours du brut. Il est actuellement de 9 centimes de dollar, pour un baril qui se négocie autour de 70 dollars (80 pour le Brent de la mer du Nord). Le prix payé à Karadeniz (le carburant est payé par EDL directement à ses fournisseurs) varie en fonction du nombre de kWh produits. « Les navires ont fonctionné à 90 % de leur capacité, sauf quand il y a eu des problèmes d’approvisionnement, comme c’était le cas fin août suite à un retard administratif lors de l’ouverture des crédits. Les navires ont alors tourné à un quart de leur capacité », affirme encore M. Faysal.
Solution temporaire
« S’ils sont exacts, les prix pratiqués par Karadeniz sont effectivement raisonnables, même en tenant du fait que les capacités des barges ne sont pas utilisées à 100 % et que leur capacité totale a été augmentée à mi-parcours », juge de son côté un expert en infrastructures électriques contacté par L’Orient-Le Jour. Il rappelle toutefois que si les navires-centrales constituent une solution temporaire viable, comme ils étaient destinés à l’être avant d’être mis en service en 2013, le fait que leur mise en service soit prolongée l’est moins. « À titre de comparaison, le Sénégal a annoncé en 2013 la construction d’une centrale thermique au gaz et fuel de 610 millions de dollars. Donc on a virtuellement déjà commencé à perdre de l’argent en privilégiant une solution temporaire, sans compter le fait que le gaz est moins cher que le fuel », résume l’expert.
M. Faysal admet volontiers pour sa part que la solution des barges est temporaire mais insiste sur le fait qu’elle reste plus rentable, sur le long terme et à cette échelle, que d’autres types d’unités de production thermique, « notamment parce que la technologie qu’elles utilisent leur permet de rationaliser la consommation de carburant ». Il rappelle enfin que le départ d’Esra Sultan – qui peut comme les deux autres barges également tourner au gaz – se traduira pas une baisse d’environ 4 heures de courant dans les régions que la barge permettait d’alimenter (caza du Kesrouan, Jbeil et certains villages du Metn).
Pour mémoire
Prise de bec entre ministres CPL et FL au sujet de l’électricité
La barge Esra Sultan fonctionne normalement à Zouk, selon EDL
La barge Esra Sultan devrait quitter Jiyé lundi pour rallier Zouk
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LA LIBRE EXPRESSION
20 h 38, le 20 septembre 2018