Le vide du banc des accusés aura l'effet d'un silence assourdissant, pendant deux semaines, au tribunal des Nations unies créé pour juger les responsables de la mort en 2005 de l'ancien Premier ministre libanais, Rafic Hariri. Plus de 13 ans après l'attentat dans le centre de Beyrouth, qui ôta la vie à 21 autres personnes, le procès des suspects, tous membres présumés du Hezbollah, entre dans sa dernière phase avec la lecture mardi des déclarations de clôture. Saad Hariri, son fils et actuel Premier ministre libanais, fera le déplacement à La Haye où siège le TSL, selon une information de son cabinet.
M. Hariri, Premier ministre sunnite du Liban jusqu'à sa démission en octobre 2004, a été tué en février 2005, lorsqu'un kamikaze a détonné une camionnette bourrée d'explosifs au passage de son convoi blindé sur le front de mer de Beyrouth. Quelque 226 personnes ont également été blessées dans l'assassinat, d'abord attribué aux généraux libanais prosyriens. L'attentat a suscité ensuite de vives réactions, entraînant le retrait des troupes syriennes après près de 30 ans de présence sur le sol libanais.
Malgré les mandats d'arrêts délivrés par le TSL, le Hezbollah, qui a rejeté toute paternité de l'assassinat, a exclu de livrer les accusés. Ils seront donc jugés en leur absence, sans même avoir été en contact avec leurs avocats. Du jamais vu en droit international depuis 1945 et le procès de Nuremberg, première mise en oeuvre d'une juridiction pénale internationale, au lendemain de la Seconde guerre mondiale.
Entré en service en 2009 dans la banlieue de La Haye, le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) est devenu, par défaut, le premier tribunal pénal international qui permet l'organisation d'un procès en l'absence de l'accusé, représenté par un avocat.
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Violence sans visage
"C'est problématique car pour le grand public, c'est toujours amer quand la violence n'a pas de visage", indique Thijs Bouwknegt, juriste spécialisé en droit pénal international. "Un tribunal sans accusés, cela peut prêter à sourire", ajoute-t-il. Pire, l'absence d'accusés "remet en question la pertinence du procès, étant donné qu'aucune peine réelle ne sera infligée", analyse Dov Jacobs, professeur en droit pénal international. L'effet du jugement "sera exclusivement symbolique", ajoute-t-il.
Le principal accusé est Moustafa Badreddine, décrit comme le "cerveau" de l'attentat par les enquêteurs, mort depuis et qui ne sera donc pas jugé. Reste Salim Ayyash, 50 ans, accusé d'avoir été à la tête de l'équipe qui a mené l'attaque. Deux autres hommes, Hussein Oneissi, 44 ans, et Assad Sabra, 41 ans, sont notamment poursuivis pour avoir enregistré une fausse cassette vidéo, transmise à la chaîne de télévision Al-Jazeera, pour revendiquer le crime au nom d'un groupe fictif. Le dernier accusé, Hassan Habib Merhi, 52 ans, fait également face à plusieurs chefs d'accusation, tels que complicité de perpétration d'un acte de terrorisme et complot en vue de commettre cet acte.
"Ce tribunal est le seul qui juge un crime terroriste international. Ceci est unique, intéressant et fascinant", souligne M. Bouwknegt. Même si le TSL applique le droit libanais, le jugement à venir aura sans aucun doute un impact sur le débat actuel visant à faire du terrorisme un crime pénal international, conclut M. Jacobs, qui s'attend toutefois à une longue procédure en appel.
Si les observateurs sont impatients de découvrir ce que le jugement dira à propos du rôle du Hezbollah dans l'assassinat, le mouvement chiite a déclaré en août ne simplement pas reconnaître le TSL, qui "ne vaut absolument rien" à ses yeux. "Nous ne reconnaissons pas ce tribunal, nous ne le considérons pas pertinent et nous disons à quiconque mise sur lui: ne jouez pas avec le feu", a lâché dans un discours le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah.
Pour mémoire
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commentaires (5)
Rafic Hariri, paix à son âme, avait tendu la main à tous les libanais, sans distinction aucune, pour convertir la ferme en un Etat indépendant. Le problème c'est qu'il était un pur patriote et en face de lui, il n'y avait que de personnes qui ont peur les uns des autres, et qui cherchaient leur salut auprès des pays étrangers. De son temps, c'était lui qui disait à ses mentors étrangers quelle politique il fallait suivre au Liban et non pas le contraire. Personne ne pouvait lui dicter la marche à suivre. Son élimination rappelle celle de Bachir et d'une certaine façon celle de Pierre, de Gebran, de Samir et de pleins d'autres martyrs, qui n'avaient comme point commun que l'amour inconditionnelle de leur patrie et qui œuvraient sans cesse et sans arrières pensées pour son indépendance. Que Dieu guide les gouvernants pour qu'ils se mettent autour d'une table et pour ils arrêtent cet engrenage destructeur.
Shou fi
16 h 04, le 09 septembre 2018