Il y a environ dix jours, une camionnette relevant d’une société privée de collecte des déchets ménagers, Recycle Beitut, circulait dans le village de Kornet Chehwane pour ramasser les déchets de ses clients lorsqu’un agent de la municipalité a arrêté le chauffeur et lui a confisqué les papiers du véhicule. Recycle Beirut est une entreprise sociale qui combine le recyclage des déchets avec un programme d’emploi pour des réfugiés, mais également pour des Libanais. « Le chauffeur de la camionnette possède les papiers légaux qui l’autorisent à circuler sur l’ensemble du territoire libanais, sauf qu’à Kornet Chehwane, il a été arrêté sous prétexte qu’il lui faut une autorisation spéciale de la municipalité pour exercer son activité commerciale au sein du village », raconte Kassem Kazak, cofondateur de la compagnie, à L’Orient-Le Jour. « Après avoir récupéré les papiers, une semaine plus tard, nous nous sommes enquis de la procédure à suivre pour obtenir cette autorisation mais l’employé de la municipalité nous a clairement répondu que nous n’avions plus le droit d’exercer cette activité à Kornet Chehwane, et que c’est la camionnette elle-même qui serait confisquée la prochaine fois », ajoute-t-il avant de s’interroger : « Est-ce qu’une municipalité a le droit et les prérogatives de nous empêcher de collecter les déchets ménagers dans une région ? »
Le président de la municipalité de Kornet Chehwane, Jean-Pierre Gebara, donne sans sourciller une réponse catégorique à la question de M. Kazak. « Une entreprise privée n’a pas le droit d’empiéter sur nos droits et nos devoirs. Cela fait deux ans et demi que nous mettons en place un plan de collecte des déchets organiques et recyclables que nous vendons à des entreprises », explique-t-il à L’Orient-Le Jour. « La gestion des déchets relève de la responsabilité de la municipalité et les compagnies privées n’ont pas le droit de rendre un service » public « aux citoyens sans l’autorisation de la municipalité », insiste-t-il.
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Interrogé par L’OLJ, un expert en droit des municipalités, Hussein Hallal, assure toutefois qu’aucun texte de loi n’interdit à cette compagnie, ou à n’importe quelle autre, de rendre ce service payant aux usagers. « La municipalité n’est pas dotée de cette prérogative », insiste-t-il. Cet incident opposant une entreprise privée à des autorités municipales intervient alors que le projet de loi sur la gestion des déchets, qui attend depuis des années dans les tiroirs du Parlement, n’a pas encore été adopté. Recycle Beirut a par ailleurs annoncé hier sur son compte Facebook que la Sûreté générale a arrêté pendant quelques heures ses employés de nationalité syrienne, affirmant que leurs permis de séjour ne sont pas valides. « Ces deux incidents ne sont peut-être pas le fruit d’un pur hasard, d’autant que la SG ne renouvelle pas facilement les permis des réfugiés syriens ces derniers temps », souligne M. Kazak. M. Gebara, de son côté, nie l’existence d’un lien entre l’incident qui a eu lieu dans son village et celui qui se rapporte aux papiers des employés de Recycle Beirut.
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commentaires (7)
On dirait presque une blague ce conflit dans un pays qui croule sous les ordures (en tous genres) des gens se battent pour les ramasser! tout est compliqué au M.O.
yves kerlidou
09 h 46, le 06 septembre 2018