Rechercher
Rechercher

Culture - Musique

Gizzmo : L’esprit arabe se ressent, mais ne s’écoute plus directement

Présenté comme la relève de la scène rock indépendante, le groupe Gizzmo compte bien ensorceler la plage du Wickerpark Festival, le 8 septembre.


Gizzmo à Beirut Open Space lors d’un concert en 2017.

D’un abandon peut naître une belle aventure. Ce ne sont pas les trois compères du groupe électro/psychédélique Gizzmo qui oseraient affirmer le contraire. Il y a bientôt trois ans, Alex Chahine, Camillo el-Khoury et Joy Moughanni ont remporté un tremplin local, le Beirut Open Stage, et gagné l’opportunité d’enregistrer un album. Mais une semaine avant la grande finale, Sergio, le batteur du groupe, décide de tout arrêter. Querelle d’ego ou divergence sur la direction artistique comme bien de légendes du rock avant eux? Pas le genre de ces trois étudiants en architecture et animation. L’histoire est plus terre à terre. Leur quatrième partenaire, étudiant lui aussi, a préféré ses examens à la musique. Pas question d’abdiquer pour autant. Le groupe remplace leur ami par une « drum machine », un instrument de musique électronique qui produit des rythmes de batterie et des percussions (pour faire simple). Sur scène, leur rock transcendantal teinté de funk irradie. Ce qui devait être une solution de secours se révèle être salvateur.

La scène indépendante explose

Cette touche électro, c’est ce qui leur manquait pour se rassembler, sceller leur destin musical. « L'électro a transformé notre musique, qui est moins linéaire et plus cassante. Elle sert de pont entre nos différentes sensibilités. Ce n’est pas un coup marketing pour être dans l’air du temps, c’est une influence qui n’était pas préméditée et qui nous sert de terrain d’entente », analyse Joy.

Car tous trimballent une fibre et des goûts musicaux différents. Joy a commencé par la musique expérimentale et les bruitages à l’ALBA Music Club où il a rencontré Camillo, plutôt porté sur la funk et la musique orientale. Alex, de son côté, expérimente le piano au Conservatoire national dès ses 6 ans et apprécie la musique classique, le jazz et le blues. Il fera la rencontre de Joy lors d'une soirée entre amis où ils referont le monde toute la nuit, avec bien sûr au centre des conversations la scène musicale actuelle… Qu’en pensent-ils justement ? « À Beyrouth, la scène indie explose, il y a un réel tournant depuis quelques années, expliquent Alex et Joy avec passion. Les musiciens des années 90 qui ont dû se débrouiller seuls à leur époque ont grandi, ils poussent la nouvelle génération. » Ils citent volontiers en exemple le producteur Fadi Tabbal, propriétaire du studio Tunefork. « Grâce à des personnalités comme lui, les artistes de notre âge peuvent concevoir la musique comme un vrai métier. Ce n’est plus une folie, c’est de plus en plus respecté », ajoutent-ils. Tellement respecté que les parents de Joy lui ont récemment fait une confidence : ils apprécient la musique de leur fils depuis un an seulement. Une blague familiale qu’il aime partager.

On assume notre côté pop

Au début de 2018, Gizzmo a sorti son premier EP System Failure, via le label indépendant Fantôme de nuit. Un projet qui témoigne de son évolution musicale, comme l’explique Joy, le plus loquace des trois compères : « On nous a beaucoup critiqués à nos débuts, sur le côté trop structuré, calculé, mathématique… et c’était vrai. Aujourd’hui, notre flow est plus organique, l’expérience nous a permis d’être moins cadenassés. » Dans cet EP, le groupe évoque ses obsessions : le système éducatif, l’univers commercial dans lequel gravite la musique, la technologie et l’angoisse du futur pour sa génération. Dans les textes, c’est à travers l’histoire d’une machine à traverser le temps que ces garçons, férus de science-fiction et de 3D, parlent de leur quotidien.

« C’est parfois plus facile de s’exprimer de manière métaphorique. Concernant les thèmes, il faut avouer que ce n’est pas notre genre d’écrire des chansons d’amour, par exemple… On n’a aucune idée de ce qui va se passer politiquement, socialement au Liban. Je trouverais étrange de s’étendre sur nos histoires sentimentales, nous avons d’autres préoccupations », expliquent Alex et Joy. Mais pas question pour autant d’aller frontalement sur le terrain de la politique : « Être punk, anarchiste, insulter tout et tout le monde, scander que la politique c’est nul, ça a déjà été fait dans les années 90. On adore ça et on assume ce background, mais il faut proposer quelque chose de nouveau. » Et Joy d’enchaîner, en chantonnant de vieux airs populaires libanais, pour appuyer son propos et amuser la galerie : « L’esprit arabe, c’est quelque chose qui se ressent, mais qui ne doit plus s’entendre directement. Le cliché des notes arabes, c’est dépassé. »

Influencés par Gorillaz, Palms, Tame Impala ou encore Thom Yorke et son projet Atoms for Peace, les membres de Gizzmo affinent leur style musical qu’eux-mêmes jugent inclassable : « On dit “électro pop” quand on nous demande, mais on pense que ce n’est pas du tout ce qu’on fait », affirment en chœur les trois musiciens. Avec le temps, la maturité leur permet d’assumer leur registre « pop » souvent vécu comme une maladie honteuse. « C’est vrai qu’on assume ce côté pop s’il est sincère, teinté de psychédélisme et qu’il permet aux Libanais d’écouter de la musique moins commerciale », résument Camillo et Joy. C’est ce parti pris audacieux que tentera de défendre Gizzmo le 8 septembre sur la scène du Wickerpark Festival à Batroun.



http://www.queernarrativesbeirut.com/episodes

D’un abandon peut naître une belle aventure. Ce ne sont pas les trois compères du groupe électro/psychédélique Gizzmo qui oseraient affirmer le contraire. Il y a bientôt trois ans, Alex Chahine, Camillo el-Khoury et Joy Moughanni ont remporté un tremplin local, le Beirut Open Stage, et gagné l’opportunité d’enregistrer un album. Mais une semaine avant la grande finale, Sergio, le...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut