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Moyen Orient et Monde - Diplomatie

Macron en quête (difficile) d’un terrain d’entente entre l’UE et la Russie

Le président français a appelé hier à un « aggiornamento complet » des relations entre les deux acteurs.

Le président français, Emmanuel Macron, hier à Helsinki. Mikko Stig/Lehtikuva/AFP

Fidèle à sa ligne diplomatique à l’égard de Moscou, Emmanuel Macron cherche à amorcer un rapprochement entre l’Union européenne et le Kremlin, en dépit des nombreux différends qui les opposent. Présent hier à Helsinki pour y rencontrer son homologue finlandais, le chef de l’État français a déclaré lors d’une conférence de presse que l’intérêt pour les Européens « est d’avoir des partenariats stratégiques, y compris en matière de défense avec nos voisins les plus proches ». « Je crois qu’il nous faut faire l’aggiornamento complet de notre relation avec la Russie suite à la fin de la guerre froide », a-t-il estimé. Selon le président français, les acteurs concernés sont « restés parfois sur des réactions de part et d’autre liées à des erreurs ou des incompréhensions dans les deux dernières décennies qui ont conduit à ne pas aller au bout du raisonnement qu’on devait tirer ».

Le but est de renforcer la sécurité et la défense du Vieux continent en ne s’appuyant pas uniquement sur l’allié américain. « Cette solidarité renforcée impliquera de revisiter l’architecture européenne de défense et de sécurité », avait déjà annoncé M. Macron devant les ambassadeurs français lundi, et que cela comprend « l’ensemble des partenaires européens au sens large ».

« Cela peut plaire à Moscou car les Russes répètent depuis 25 ans que l’architecture de sécurité et politique européenne post-guerre froide, avec le double élargissement de l’OTAN et de l’UE, ne convient pas à la Russie parce qu’elle la marginalise et ne satisfait pas sa sécurité », explique à L’Orient-Le Jour Isabelle Facon, maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste des politiques de sécurité et de défense russe.

Les propos de M. Macron ne sont pas surprenants alors que son objectif sur ce dossier depuis son arrivée à l’Élysée est de tenter d’entretenir le dialogue avec son homologue russe, Vladimir Poutine, mis en avant lors de leur rencontre à Versailles en mai 2017 puis cette année à Saint-Pétersbourg. Le dirigeant français a toutefois gardé un ton ferme à l’égard du Kremlin sur les sujets sensibles tels que les droits de l’homme ou le dossier syrien dont Moscou tire les ficelles pour le moment et sur lequel les Européens ont bien du mal à s’imposer. L’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 a également creusé un fossé entre Moscou et l’UE, qui a imposé une série de sanctions au Kremlin après avoir dénoncé « l’annexion illégale » russe. En dépit de la signature par les acteurs concernés des accords de Minsk de 2015 pour restaurer la paix et menés sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, les combats n’ont pas cessé dans la région. Les tensions sont palpables entre Moscou et les Européens, accentuées par l’affaire Skripal de mars dernier (un ex-agent russe empoisonné au Royaume-Uni par un produit neurotoxique).


(Lire aussi : Pourquoi les extrêmes européens adorent Poutine)


« Vision iconoclaste »
Autant d’éléments qui peuvent constituer des obstacles à un rapprochement entre Moscou et Bruxelles et auxquels s’ajoutent « les désaccords internes à l’UE sur l’attitude à adopter » à l’égard de la Russie, note Cyrille Bret, professeur à Sciences Po Paris et spécialiste de la Russie, contacté par L’OLJ. Les Européens sont divisés entre deux camps, à savoir ceux farouchement opposés à un rapprochement avec Moscou face à ceux qui souhaitent être plus conciliants. Ainsi, « M. Macron choisit une posture d’équilibre entre ces deux tendances », poursuit M. Bret. « Le président français ne pourra vendre sa vision assez iconoclaste – en tout cas vue ainsi par un bon nombre d’autres membres de l’UE – que s’il peut faire valoir que le Kremlin bouge, et bouge vraiment – sur l’Ukraine, en apportant moins de soutien à des forces politiques anti-UE, populistes », estime pour sa part Mme Facon. Selon l’experte, « le président Macron veut relancer et consolider l’UE, pas la faire imploser sous la pression de contradictions internes ».


(Pour mémoire : Macron veut ancrer la Russie de Poutine en Europe)


En ce sens, « il y a beaucoup de travail compte tenu des péripéties que nous avons connues ces dernières années mais il faut le mener et mener cette discussion », a rappelé M. Macron hier. Ce dialogue est toutefois conditionné à « une autonomie stratégique » de l’UE, a observé le dirigeant français, avant de souligner que « quand on n’a pas une Europe de la défense et de la sécurité suffisamment forte, ce n’est pas la peine d’aller parler avec des partenaires privilégiés ». Moscou doit aussi « donner des signaux » au sujet du processus de Minsk, a-t-il précisé. Selon le président français, « il ne s’agit pas d’oublier tout ce qu’il s’est passé ces dernières années, ce ne serait pas une bonne méthode mais simplement de manière réaliste, avec les préconditions que je viens de donner, aller plus loin dans la coopération ». « C’est envisageable mais il faut qu’il y ait la volonté de part et d’autre », a-t-il expliqué.

« La Russie y a un intérêt puisque sa préoccupation principale est d’obtenir le démantèlement partiel ou complet des sanctions » et l’application de ses demandes à l’égard de l’Union européenne et de l’OTAN, souligne M. Bret. Un autre facteur à prendre en compte, qui est « peut-être favorable à un effort plus marqué et plus sincère de Moscou, est que les sondages montrent que la population russe souhaite un apaisement des relations avec l’Occident », souligne Mme Facon.

Mais si Moscou compte examiner les propos d’hier du chef de l’État français, il est peu probable que ses déclarations donnent lieu à plus que de possibles gestes symboliques alors que le Kremlin n’a pas fait de concessions envers l’UE jusqu’à maintenant. D’autant plus que « la Russie continue à jouer une autre partition » en privilégiant les relations bilatérales avec les pays européens, rappelle M. Bret.


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