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Moyen Orient et Monde - Éclairage

L’effarant remède Kushner aux problèmes des réfugiés palestiniens

Le gendre et conseiller de Donald Trump aurait proposé à Amman de retirer aux Palestiniens leur statut de réfugiés et de rediriger les fonds américains alloués à l’Unrwa vers des agences « non connotées ».

Le roi de Jordanie Abdallah II en compagnie du conseiller et gendre du président américain, Jared Kushner. Youssef Allan/Jordanian Royal Palace via AFP/Getty Images

« Était-ce le messie, ou le vice-président des États-Unis ? » Un cameraman du Parlement israélien profite d’un croisement de regard avec le rabbin américain Meir Soloveichick, membre de l’équipe de Mike Pence, pour placer son bon mot. L’anecdote est racontée par M. Soloveichik lui-même dans le Wall Street Journal du 23 janvier dernier, au lendemain de l’allocution donnée par Mike Pence aux parlementaires israéliens. C’était plus d’un mois après la reconnaissance par Donald Trump de Jérusalem comme capitale de l’État hébreu. Il s’agissait, expliquait l’administration américaine, de dérouiller la machine diplomatique en « classant » une bonne fois pour toutes ce dossier difficile.

Un autre « miracle » couverait dans l’équipe mandatée par le président américain pour réaliser l’« accord ultime » entre Israéliens et Palestiniens : dissiper le problème des 5 millions de réfugiés palestiniens. Leur sort dans un hypothétique plan de paix figure aux rangs des désaccords quasi-insurmontables, aux côtés de Jérusalem et de l’énigme territoriale posée par l’adjonction de la bande de Gaza à un futur État palestinien. Le magazine Foreign Policy a révélé samedi dernier des échanges de courriels entre Jared Kushner, conseiller et gendre du président américain Donald Trump, Jason Greenblatt, représentant spécial du président américain pour les relations internationales, et plusieurs autres diplomates américains actifs sur les dossiers liés au Proche-Orient. « Il est important de poursuivre un effort sincère et honnête pour interrompre les activités de l’Unrwa », écrit le gendre du président dans un e-mail daté du 11 janvier à propos de l’agence de l’ONU supervisant l’assistance humanitaire aux réfugiés palestiniens dans la bande de Gaza, en Cisjordanie, en Jordanie, au Liban et en Syrie. « Cette agence perpétue le statu quo, elle est corrompue, inefficace et n’aide pas à la paix », poursuit-il, avant de poursuivre plus loin : « Notre but ne peut pas être de conserver les choses stables et comme elles sont (…). Parfois vous devez prendre le risque stratégique de casser les choses. » L’argument qui ressort des courriels de Kushner est du type « l’assistanat crée les assistés », ou « soigner un malade le complaît dans sa maladie » : l’Unrwa perpétue le problème des réfugiés en les traitant comme tels.


(Pour mémoire : L'UNRWA licencie 250 employés après le gel de l'aide américaine)


Novlangue diplomatique
La doctrine Kushner pourrait être résumée par « l’ennemi de la diplomatie est l’immobilisme ». Dans le corpus des e-mails fournis par Foreign Policy, l’adjectif « disruptive », « perturbateur » au sens innovant du terme, est couramment utilisé pour décrire l’attitude à adopter au cours du processus diplomatique. Pour Nathan Stock, ancien directeur du Carter Center’s Israel-Palestine Field Office, interrogé par L’Orient-Le Jour, Washington fait tout le contraire. « L’administration Trump prétend briser des tabous. En réalité, elle ne fait que geler le rapport de forces actuel, et écraser un peu plus les Palestiniens », remarque M. Stock. Si l’on en croit des rapports d’officiels palestiniens, la révolution diplomatique de Jared Kushner consisterait en une sorte de novlangue : supprimer le mot qui désigne le problème pour faire disparaître le problème. Lors de sa visite en Jordanie, l’émissaire de Donald Trump aurait incité Amman à retirer aux plus de deux millions de Palestiniens habitant sur son sol leur statut de réfugiés. La majorité d’entre eux sont des citoyens jordaniens naturalisés, la Jordanie ayant annexé la Cisjordanie en 1950. Mais environ 140 000, la plupart originaires de Gaza, sont apatrides. Le statut de réfugié est leur seule identité administrative. « Kushner fait une confusion considérable. Le registre tenu par l’Unrwa comprend les Palestiniens de 1948 et leurs descendants. Il sert au règlement final du conflit : qui indemniser matériellement à défaut de retour. Être recensé comme réfugié palestinien n’empêche pas d’être citoyen jordanien, français, etc. », explique Henri Laurens, professeur d’histoire contemporaine du monde arabe au Collège de France, interrogé par L’OLJ. « Kushner reproche à l’Unrwa d’entretenir une identité palestinienne spécifique. Mais ça n’est pas quelque chose qu’on supprime sur le papier. Les Palestiniens, quand bien même citoyens des pays où ils se trouvent, continuent d’être perçus comme Palestiniens et eux-mêmes se conçoivent comme tels. »


(Pour mémoire : "Combien les pays arabes ont-ils donné aux Palestiniens ? Sûrement pas autant que les Etats-Unis")


« C’est comme tirer une balle dans le pied d’Israël »
En juin dernier, le négociateur en chef pour l’Autorité palestinienne (AP), Saëb Erakat, déclarait au quotidien israélien Yediot Aharonot que les États-Unis étaient prêts à stopper complètement leur contribution à l’Unrwa, pour rediriger les 300 millions de dollars annuels directement aux gouvernements jordaniens et aux autres « pays hôtes ». « Tout cela pour liquider le problème des réfugiés palestiniens », fustigeait M. Erakat. Deux projets de loi portés par des élus républicains du Congrès consistent à « régler » le problème des réfugiés par un jeu d’écriture. Le républicain Doug Lamborn du Colorado a présenté un projet de loi proposant d’allouer tous les fonds américains actuellement destinés à l’Unrwa à l’Agence américaine pour le développement international (USaid), un organisme actuellement régi par le Taylor Force Act. Cette disposition réduit drastiquement l’assistance humanitaire à l’Autorité palestinienne jusqu’à que cette dernière renonce à verser des pensions aux familles des terroristes tombés. Un projet similaire du sénateur James Langford suggère un transfert de fonds de l’Unrwa à d’autres agences locales et internationales traitant indistinctement tous les réfugiés. Les deux textes s’en prennent au caractère héréditaire du statut de réfugiés palestiniens et suggère de reconnaître comme tels uniquement la première génération de 1948. Sur les 700 000 réfugiés originels, seulement quelques dizaines de milliers sont encore en vie. « Les Nations unies devraient fournir une assistance aux Palestiniens de façon qu’il soit clair que l’ONU ne reconnaît pas la grande majorité des Palestiniens actuellement enregistrés par l’Unrwa comme des réfugiés », affirme une première ébauche du projet législatif porté par James Langford. « Ce pour quoi certains idéologues américains ou israéliens sont très enthousiastes, les militaires israéliens le sont beaucoup moins, pour la simple raison que ce serait une catastrophe sécuritaire. Stopper les activités de l’Unrwa, c’est potentiellement fermer des écoles et jeter des milliers de personnes supplémentaires dans la mouvance jihadiste et islamiste », remarque M. Laurens. « C’est comme tirer une balle dans le pied d’Israël », affirme le professeur.



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« Était-ce le messie, ou le vice-président des États-Unis ? » Un cameraman du Parlement israélien profite d’un croisement de regard avec le rabbin américain Meir Soloveichick, membre de l’équipe de Mike Pence, pour placer son bon mot. L’anecdote est racontée par M. Soloveichik lui-même dans le Wall Street Journal du 23 janvier dernier, au lendemain de l’allocution...

commentaires (4)

Les réfugiés palestiniens resteront donc dans les pays d 'acceuil et ici réside le danger pour la Jordanie et le Liban que ces personnes soient un jour naturalisés.

Antoine Sabbagha

19 h 40, le 06 août 2018

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Commentaires (4)

  • Les réfugiés palestiniens resteront donc dans les pays d 'acceuil et ici réside le danger pour la Jordanie et le Liban que ces personnes soient un jour naturalisés.

    Antoine Sabbagha

    19 h 40, le 06 août 2018

  • Le roi de Jordanie Abdallah II, personne que nous respectons tous, ne devrait pas s'abaisser à écouter les balivernes idiotes venant d'un homme qui n'a aucune réelle connaissance du problème palestinien...ni de la mentalité arabe. Et encore plus si cet homme est le gendre du guignol Trump, soi-disant président des USA ! Irène Saïd

    Irene Said

    12 h 21, le 06 août 2018

  • Je croyais que les sionistes étaient plus intelligents que ça. Enfin un jour ou l'autre Israel sera puni je ne serais pas là pour voir sa destruction

    Eleni Caridopoulou

    12 h 19, le 06 août 2018

  • PLUS DE PALESTINIENS REFUGIES... PLUS DE RETOUR... L,AMERIQUE ENLEVE JERUSALEM EN LA QUALIFIANT DE CAPITALE JUIVE ET LE RETOUR DES PALESTINIENS DES FUTURES NEGOCIATIONS PALESTINO-ISRAELIENNES ! QU,EN RESTE-T-IL ? ON SE SERT DE LA MENACE IRANIENNE SUR LES ARABES POUR LEUR FAIRE AVALER LA COULEUVRE DE KUSHNER !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 45, le 06 août 2018

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