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À La Une - Sécurité

Menace terroriste : le Liban est-il plus sûr aujourd'hui ?

Groupes jihadistes, camps palestiniens, conflits régionaux... La Sûreté générale libanaise et un expert du Carnegie Middle East Center font le point de la situation pour L'Orient-Le Jour.

Des membres des forces spéciales de l'armée libanaise lors d'un show des forces armées le 20 avril 2009 à Beyrouth. Photo ANWAR AMRO/AFP/Getty Images

Le 19 août, le Liban marquait le premier anniversaire de l'opération "Aube des Jurds". Dix jours plus tard, l'armée libanaise avait chassé les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) qui sévissaient sur les hauteurs des villages chrétiens de Ras Baalbeck et Qaa, deux localités endeuillées en 2016 par une attaque menée par huit kamikazes jihadistes. Un mois plus tôt, les combattants du Hezbollah avaient, de leur côté, lancé la bataille contre les jihadistes du Front Fateh el-Cham sur les hauteurs de Ersal, d'où ils étaient parvenus à les chasser, avant de conclure un accord pour qu'ils soient évacués du Liban.

Le 28 août prochain, c'est le procès des auteurs d'une autre attaque, le double attentat suicide perpétré par l'EI à Bourj el-Brajneh dans la banlieue sud de Beyrouth, le 12 novembre 2015, qui reprendra devant le tribunal militaire. Le président du tribunal, le général Hussein Abdallah, avait déclaré en juillet qu'il s'agissait de "l'une des plus grandes attaques terroristes qui ont frappé le Liban". Le double attentat avait fait 43 morts et plus de 200 blessés.

Avec le début de la guerre en Syrie, l'engagement du Hezbollah aux côtés des troupes du régime de Assad et la montée en puissance de l'EI, le Liban a été le théâtre de plusieurs attaques terroristes. En 2014 et 2015, une série d'attentats meurtriers à la voiture piégée avait ainsi ensanglanté la banlieue sud de la Beyrouth, fief du Hezbollah. En janvier 2017, le pire était évité lorsqu'un attentant-suicide que devait commettre un partisan du cheikh salafiste jihadiste Ahmad el-Assir contre le café Costa situé dans le quartier beyrouthin de Hamra, était déjoué. Six mois plus tard, le ministre de l'Intérieur, Nohad Machnouk, annonçait qu'un autre attentat-suicide visant la banlieue-sud de Beyrouth avait été déjoué. Depuis l'attentat manqué contre un responsable du parti islamiste palestinien Hamas à Saïda, le 14 janvier 2018, le Liban n'a plus connu ce genre d'attaque sur son territoire, et le 7 juin, le commandant en chef de l'armée libanaise, Joseph Aoun, affirmait que le pays était aujourd'hui plus stable que jamais, grâce à l'armée. 

Avec les débâcles des jihadistes en Syrie et en Irak et la sécurisation de sa frontière orientale, le Liban est-il désormais plus sûr? Des attentats ont-ils été déjoués ces derniers temps? S'agit-il d'une stabilité en trompe-l’œil?


"Pas de risque immédiat"
"La situation sécuritaire au Liban est actuellement sous contrôle et ne présente pas de risque immédiat de détérioration", souligne à l'OLJ Raphaël Lefèvre. Ce chercheur au Carnegie Middle East Center à Beyrouth identifie toutefois, dans son rapport daté de mars 2018, des "facteurs qui intensifient le risque d'un dérapage sécuritaire à moyen et long termes". Il fait référence "à la marginalisation croissante de certaines populations sunnites dans les grands centres urbains libanais, à la quasi-absence des institutions étatiques dans ces localités, à la situation explosive dans les prisons et à la façon dont des organisations islamistes, souvent salafistes, font usage de ces thématiques pour recruter".


Les menaces israéliennes "dangereuses"
Contacté par L'Orient-Le Jour, le bureau de presse de la Sûreté générale libanaise commence par rappeler qu'Israël constitue toujours une menace sécuritaire pour le Liban : "(...) Une nouvelle attaque contre le Liban, ou l’activation ou l’incitation de cellules présentes sur le territoire libanais à commettre des opérations sécuritaires restent une priorité pour Israël", affirme la Sûreté générale, en rappelant "les menaces dangereuses proférées dernièrement par le chef d’état-major israélien adjoint (le général Aviv Kochavi Golan) et certains ministres israéliens contre le Liban".

La SG rejoint néanmoins Raphaël Lefèvre en identifiant les groupes terroristes islamistes comme menace actuelle. "(...) Les groupes fondamentalistes tels que le groupe Etat islamique ainsi que d’autres formations extrémistes similaires constituent une menace terroriste permanente, et les développements régionaux peuvent se répercuter contre le Liban, surtout à l’ombre de l’instabilité persistante en Syrie, en Irak et au Yémen (…). Le Liban pourrait ainsi constituer un terrain fertile pour les idées extrémistes dans les environnements propices à cela, surtout à l’intérieur des camps de réfugiés palestiniens où il est facile de recruter des jeunes qui pourraient éventuellement être impliqués dans des opérations terroristes au Liban", estime le service de sécurité libanais.

Toutefois, la SG constate que "les défaites subies par les organisations jihadistes au Liban, en Syrie et en Irak, couplées aux efforts sécuritaires et de renseignement déployés par les services libanais en coopération avec d’autres services sécuritaires (étrangers) à travers l’échange rapide d’informations (…) ont naturellement eu pour effet de réduire le champ d’action des organisations terroristes sur la scène libanaise".

Un avis partagé par Raphaël Lefèvre pour qui "ce n'est pas une coïncidence si les attentats au Liban ont globalement cessé depuis que l'EI et le Font al-Nosra (l’ex-branche syrienne d’el-Qaëda) ont perdu leurs derniers bastions à la frontière libano-syrienne l'été dernier. Cela a renforcé la capacité de l'armée à mieux contrôler les frontières et donc à empêcher ces groupes terroristes d'opérer sur le territoire libanais, comme ils pouvaient le faire jusqu'alors. Cela a considérablement réduit la menace terroriste au Liban".

Par ailleurs, la SG explique que "la baisse du soutien logistique et matériel aux formations jihadistes présentes au Liban (…) est un facteur positif qui a contribué à isoler ces formations et réduire leur efficacité. Cet aspect-là fait l’objet d’une surveillance constante de la part des services libanais". "Tous ces facteurs, ainsi que la volonté présumée des décideurs de garder le Liban à l’écart des conflits régionaux, ont empêché les actes terroristes au Liban dernièrement”, poursuit la SG, qui ne précise toutefois pas s’il s’agit de décideurs libanais, régionaux ou internationaux. Le service de sécurité ne confirme pas non plus si des attaques terroristes spécifiques ont récemment été déjouées.


Le retour des combattants du Hezbollah
Raphaël Lefèvre identifie toutefois un autre facteur qui pourrait peser à l'avenir sur la sécurité du pays du Cèdre. "Le retour au Liban des combattants du Hezbollah (qui se battent officiellement depuis 2013 au côté du régime syrien) va poser la question du "deux poids deux mesures" vis à vis des sunnites libanais qui ont tenté de combattre ou ont combattu aux côtés de l'opposition syrienne et qui languissent depuis plusieurs années désormais dans les prisons libanaises. Cela va remettre sur le tapis la question de l'influence du Hezbollah sur la décision de l'Etat libanais et cela pourrait accroître un certain malaise politique sunnite qui fait le lit des groupes terroristes", prévient le chercheur.

L'OLJ a tenté à plusieurs reprises de joindre les Forces de sécurité intérieure (FSI), également en charge de la lutte anti-terroriste au Liban, mais sans succès. L'armée libanaise a, quant à elle, fait savoir qu'elle ne commentait pas ces questions dans la presse, mais uniquement par le biais de ses communiqués publiés sur son site internet.

Dans son rapport daté de 2016, le Bureau américain de lutte contre le terrorisme et l'extrémisme violent, après avoir noté que le Hezbollah reste " le +groupe terroriste+ le plus compétent au Liban", mentionne le risque posé par "l'infiltration et l'éventuel recrutement de militants parmi les réfugiés syriens" présents au Liban. Le rapport souligne également que "des terroristes opèrent à partir des 12 camps de réfugiés palestiniens, particulièrement celui de Aïn el-Héloué, le plus grand de ces camps".

Un avis partagé par la Sûreté générale. "Mettre un terme définitif au terrorisme religieux extrémiste reste une question très compliquée car cela est un processus relativement long, surtout en présence du terrorisme issu des camps palestiniens, notamment celui de Aïn el-Héloué (au Liban-Sud) où des groupes affiliés au Front al-Nosra et Daech (acronyme arabe du groupe Etat islamique) sont présents", prévient la SG.


Une menace "toujours probable"
"Pour contrer de manière définitive la menace terroriste, il faut une stratégie qui ne se base pas seulement sur les efforts sécuritaires, mais qui inclut également des mesures à long terme basées sur des approches politiques, sociales et économiques (…)", explique le service de sécurité. "C’est pour cela que des actes terroristes pourraient être commis au Liban par des groupes ou des individus, mais il semble que les circonstances régionales actuelles et le niveau d’alerte des services de sécurité libanais prémunissent le Liban contre ces menaces, mais cela n’empêche pas la possibilité d’une menace quelconque à l’avenir à la lumière des développements internes et régionaux" met en garde la SG.


Pour mémoire

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commentaires (6)

Le plus grand danger vient de nous même, de nos peurs et de nos suspicions, de nos angoisses, de notre égo et nos faiblesses. Hélas !

Sarkis Serge Tateossian

23 h 12, le 23 août 2018

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Commentaires (6)

  • Le plus grand danger vient de nous même, de nos peurs et de nos suspicions, de nos angoisses, de notre égo et nos faiblesses. Hélas !

    Sarkis Serge Tateossian

    23 h 12, le 23 août 2018

  • L,INTERNE EST LE PLUS DANGEREUX !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 25, le 23 août 2018

  • l'une des plus grandes attaques terroristes qui ont frappé le Liban". Le double attentat avait fait 43 morts et plus de 200 blessés. si on oublie l'attentat contre les marines americains et les francais puis les israeliens en 1982 mais ca c'etait la guerre direz vous

    LA VERITE

    18 h 54, le 22 août 2018

  • Liban plus sûr??? Sûrement pas: n'est plus sûr de son avenir, ni de son identité, ni de qui le gouverne, ni jusqu'à quand il pourra survivre, ni vers quel Dieu se tourner, ni...ni.... ni... Finalement sûr de rien sauf qu'il ne peut compter sur aucun de ses politiciens...

    Wlek Sanferlou

    15 h 54, le 22 août 2018

  • Allah ma yerham, Mikhaïl Kalachnikov, Lieutenant-Général de l'armée soviétique, inventeur du fusil d'assaut qui porte son nom et produit à plusieurs millions d'exemplaires à travers le monde qui ont tué plusieurs millions de personnes et en tuera encore. Hélas.

    Un Libanais

    12 h 18, le 22 août 2018

  • NULLE PART IL N,Y A DE SURETE CONTRE LE TERRORISME !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 11, le 22 août 2018

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