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Liban - Environnement

Les écologistes montent au créneau après une décision d’allonger la saison de chasse

Le Conseil supérieur de la chasse a ajouté des espèces à la liste des proies qui peuvent être chassées, mais le ministre promet de revoir cette décision si les contestataires lui remettent des arguments « scientifiques convaincants ».

Le Conseil supérieur de la chasse, présidée par le ministre sortant de l’Environnement, Tarek el-Khatib, a avancé en catimini la date d’ouverture de la chasse à la mi-août 2018 au lieu de la fin septembre, et a retardé la date de fermeture à la fin février 2019 au lieu de la fin janvier 2019.

Les associations de défense de l’environnement sont en colère, alors que sur les réseaux sociaux, les chasseurs se congratulent. Et pour cause : le Conseil supérieur de la chasse, placé sous la tutelle du Conseil des ministres, a allongé en catimini la saison de la chasse, révèlent les écologistes. Jeudi, lors d’une réunion de ce conseil présidée par le ministre sortant de l’Environnement, Tarek el-Khatib, la décision a été prise d’avancer la date d’ouverture de la chasse à la mi-août 2018 au lieu de fin septembre, et de retarder la date de fermeture à fin février 2019 au lieu de fin janvier 2019. « La saison de la chasse sera donc prolongée de 60 jours », constate un communiqué publié par les écologistes. Cette décision est d’autant plus désolante que le ministère de l’Environnement n’a même « pas pris la peine de l’annoncer » et de consulter au préalable les scientifiques et les experts en la matière. Le communiqué souligne « que le ministre sortant avait présidé la réunion du Conseil supérieur de la chasse et que la date d’ouverture de la chasse avait été discutée, de même que l’identification des proies autorisées ». En dépit du mutisme de l’organisme en question, les mesures prises ont été confirmées de différentes sources. 


Un document signé par 120 associations
« Le Conseil supérieur de la chasse a effectivement approuvé, en l’absence des experts environnementaux, un ensemble de décisions qui ramèneront le Liban vingt ans en arrière, alors qu’il devrait évoluer dans le sens de l’instauration d’une chasse responsable et de la bonne application de la loi 580 adoptée en 2004 », déplore le communiqué, signé par non moins de 120 associations de défense de l’environnement au Liban, parmi lesquelles trois associations majeures, le Forum libanais de l’environnement (LEF), la Société de protection de la nature au Liban (SPNL)-Birdlife Liban, et Lebanon Eco Movement.

Le Conseil ne s’est pas contenté de prolonger la saison de la chasse, mais il a « modifié de plus la liste des proies, gibier à plumes et mammifères, qu’il est permis de chasser ». La tourterelle des bois a ainsi été ajoutée à cette liste, alors qu’elle figure parmi les espèces menacées d’extinction. De même, il sera permis de chasser la fauvette à tête noire, un petit oiseau insectivore utile pour la protection de la biodiversité et indispensable aux agriculteurs, mais aussi le pinson des arbres, durant sa période de reproduction. 

Invitant le ministère de l’Environnement « à tirer la leçon du manquement des forces de l’ordre à faire respecter la loi qui réglemente la chasse », les écologistes énumèrent les différentes formes de chasse illégale toujours pratiquées au Liban, de même que les braconnages en tout genre. Ils condamnent surtout « la légalisation de l’extermination des oiseaux » et précisent que « 2,6 millions d’oiseaux sont tués au Liban chaque année, par près de 40 million de tirs d’armes de chasse ».


(Lire aussi : Les abus de la chasse, inégalement réprimés sur le territoire libanais)


« De toute façon, la loi n’est pas appliquée »
Joint au téléphone par L’Orient-Le Jour, Tarek el-Khatib défend la décision du Conseil supérieur de la chasse, en affirmant que les chasseurs « réclamaient depuis longtemps une rallonge de la saison de la chasse au Liban » et en soulignant que la loi « n’était pas de toute façon appliquée au Liban ». « Tout le monde sait que la chasse est pratiquée en dehors de la saison réglementaire », insiste-t-il. À la question de savoir pourquoi les contrevenants n’étaient pas sanctionnés, il insiste sur le fait que son département – démuni de pouvoirs exécutifs – n’avait pas les moyens de faire en sorte que la loi soit rigoureusement respectée. « Il appartient aux médias et aux associations écologiques d’user de pressions pour qu’elle le soit », estime le ministre qui défend également l’ajout de nouvelles espèces à la liste des proies autorisées. « Il s’agit d’oiseaux passagers et non pas faisant partie des espèces qui ont leur habitat au Liban », explique Tarek el-Khatib qui indique que la perdrix a été remplacée par la fauvette à tête noire. Le ministre insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’espèces menacées. Il se dit disposé à convoquer de nouveau le Conseil supérieur de la chasse si les associations qui protestent contre sa décision lui présentent « des arguments scientifiques convaincants ».


(Lire aussi : Les buses, victimes inutiles d’une barbarie injustifiée)


Des conséquences catastrophiques
Or les experts ont beaucoup à dire sur les conséquences de la décision de ce conseil. Contacté par L’Orient-Le Jour, l’expert en ornithologie Ghassan Jaradi, membre du conseil de la chasse, mais qui se trouve à l’étranger, regrette que « le Conseil supérieur de la chasse n’ait pas pris en considération les avis scientifiques, alors que ces avis doivent guider sa décision ». Le professeur ajoute que « cette décision comporte des violations à la législation. Des violations dont le ministre de l’Environnement n’a visiblement pas été informé », note-t-il. 

Quant aux conséquences d’une telle décision, elle est tout bonnement « catastrophique, dans tous les sens du terme », souligne-t-il. Et d’expliquer qu’en autorisant la chasse de la fauvette à tête noire, « il sera impossible aux forces de l’ordre et aux juges de faire appliquer la loi », vu la grande difficulté d’identifier cette espèce non seulement au sein de sa famille, mais parmi d’autres familles du même calibre. Rappelant que cette espèce est insectivore, l’expert note que « les chasseurs extermineront les oiseaux insectivores, alors que les agriculteurs dépensent des millions de dollars pour les attirer vers les champs agricoles ». Par ailleurs, ajoute le professeur Jaradi, « le mois d’août est la période de nidification du pinson des arbres. Ce qui ne peut que se répercuter négativement sur l’espèce, à l’instar d’autres espèces ».Également contacté par L’OLJ, le directeur de l’Association SPNL, Assaad Serhal, insiste sur le fait que « le Liban est tenu par les conventions internationales qu’il a signées et par la loi 580 ». « Il doit donc se conformer aux directives internationales concernant les espèces menacées d’extinction, comme la tourterelle des bois, et les espèces nécessaires à la biodiversité, notamment les oiseaux insectivores, comme la fauvette à tête noire. » Dénonçant la décision du Conseil supérieur de la chasse, M. Serhal ne mâche pas ses mots. « Il est clair que cette décision a pour objectif de satisfaire outre les chasseurs eux-mêmes, tous les commerçants, vendeurs d’armes et de munitions de chasse ». D’autant « qu’elle a été prise en l’absence d’experts, qu’elle n’a pas été annoncée et qu’elle a été prise par un ministre sortant dans un gouvernement qui expédie les affaires courantes ». « Cette décision risque d’instaurer la loi de la jungle, alors que nous avons mis 20 ans à réglementer la chasse », déplore-t-il. 

Face au fait accompli, les écologistes entendent bien ne pas se taire et pousser le Conseil supérieur de la chasse et le ministre de l’Environnement à faire marche arrière. Pour ce faire, ils entendent bien jouer leur carte maîtresse, le soutien du chef de l’État à leur cause. Michel Aoun avait en effet appelé à promulguer un traité de paix entre l’homme et la nature, à préserver les oiseaux résidents et migrateurs. Un appel qui a eu des échos positifs sans précédent, à l’échelle régionale et internationale.


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commentaires (13)

A QUEL homme politique ou à quelle mafia profite la vente des cartouches? les propos du soit disant ministre c est honteux : ignorance et incompétence... ce ministre est dangereux

CBG

14 h 35, le 18 juillet 2018

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Commentaires (13)

  • A QUEL homme politique ou à quelle mafia profite la vente des cartouches? les propos du soit disant ministre c est honteux : ignorance et incompétence... ce ministre est dangereux

    CBG

    14 h 35, le 18 juillet 2018

  • Sans doute que Tarek El-Khatib serait un grand orateur même un tribun comme son nom l'indique, mais en matière d'environnement c'est un piètre ministre de l'Environnement. Moi-même j'étais un Nemrod robuste chasseur devant l'Eternel, viandard assassin d'oiseaux. Depuis 45 ans, je me suis converti en protecteur acharné des oiseaux, fleurs volantes de la Dame Nature. Je me permets de conseiller "maali el-wazir" Tarek el-Khatib de changer de métier, l'environnement ne fait pas partie de ses compétences.

    Un Libanais

    15 h 23, le 16 juillet 2018

  • DANS LA PHOTO : CARABINE DE CHASSE TRANSFORMEE EN MITRAILLETTE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 20, le 16 juillet 2018

  • Au Liban on chasse toute l'année quant il deviendra le désert des oiseaux ils comprendront

    Eleni Caridopoulou

    13 h 05, le 16 juillet 2018

  • DEJA LA CARABINE DANS LA PHOTO EST ILLEGALE CAR LE MAGASIN FOIT ETRE EQUIPE D,UN RACCOURCI POUR 3 COUPS DE FEU AU LIEU DE CINQ OR ICI IL Y A EXTENSION DU MAGASIN A 7 OU PEUT-ETRE 11 COUPS ! VISIBLE SUR LA PHOTO...

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 57, le 16 juillet 2018

  • L'Israélien est-il plus civilisé que le Libanais ? Apparemment oui. J'ai appris qu'en Israél, non seulement la chasse est interdite mais aussi tout le commerce d'armes de chasse et de munitions est définitivement interdit. Chez "l'ennemi" israélien, la fauvette chante à tue-tête, la perdrix cacabe, la tourterelle roucoule, la cigogne craquette à son retour d'Afrique orientale, l'alouette grisolle en faisant le Saint-Esprit, le moineau, le piaf pépie sous nos fenêtres... Malheur à un rapace ou à une perdrix qui s'aventure en traversant notre frontière-sud, une "jabakhéna" (arsenal) d'armes l'accueille pour passer aussitôt de vie à trépas.

    Un Libanais

    12 h 31, le 16 juillet 2018

  • Au Liban plus que partout ailleurs la chasse doit être interdite une fois pour toutes. Si les Libanais veulent se suicider, libre à eux de le faire mais qu'ils ne suicident pas les autres espèces animales !

    Remy Martin

    11 h 55, le 16 juillet 2018

  • FAUVETTE A TETE NOIRE : MONTRE-MOI TA TETE AVANT DE TE TIRER... VRAIMENT ON SE RIT DE LA GUEUELE DES GENS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 43, le 16 juillet 2018

  • CAS DE CORRUPTION DOUBLE DE CRIME : a l'attention du President de la Republique Libanaise mr. Michel Aoun : concernant le ministre de l'environnement mr. Khatib, cas de corruption morale, sociale,environnementale , crime contre la nature . PS. AU CAS OU ce qui est rapporte par les medias s'averait etre vrai- que ce ministre a bien racourci de 45 jrs l'interdication de chasse SANS en referer a qui de droit ET AU CAS ou ses explications aux medias etaient telles que rapportees par celle- ci.

    Gaby SIOUFI

    09 h 55, le 16 juillet 2018

  • Ca fait vraiment plaisir de constater, au quotidien, que plus on avance, plus on recule... Un sens de la responsabilité civique ou autre poussé à l'extrême... Honte à tous nos responsables.... Mais, quand bien même, cela ne suffira pas à améliorer la situation...

    NAUFAL SORAYA

    09 h 05, le 16 juillet 2018

  • Voici une des conséquences typiques et prévisibles de donner un ministère à une personne non en raison de son expérience dans le domaine, mais uniquement pour satisfaire au quota de confessions, appartenance à tel parti etc. Notre environnement déjà bien détruit à cause de la négligence de nos responsables continue de l'être encore plus ! Alors que dans tous les autres pays on fait tout pour le préserver... Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 57, le 16 juillet 2018

  • Monsieur Tarek el-Khatib, que faites-vous encore dans ce ministère de l'environnement, et savez-vous seulement ce que ce mot signifie ? Une autre question: pouvez-vous nous citer une seule action correcte et favorable à notre environnement durant votre présence dans ce ministère ? Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 24, le 16 juillet 2018

  • AU LIBAN OU TOUT CE QUI VOLE EST ABATTU IL FAUT INTERDIRE LA CHASSE POUR AU MOINS CINQ ANS ET Y VEILLER A SON RESPECT POUR DONNER LA CHANCE AUX GIBIERS DE SE REPRODUIRE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 01, le 16 juillet 2018

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