Sur une magnifique terrasse surplombant la vallée de la Qadicha, berceau de l’Église maronite, le patriarche Béchara Raï a longuement reçu hier à Dimane, siège d’été du patriarche au Liban-Nord, les deux parrains de l’accord de Meerab, Ibrahim Kanaan, député du Courant patriotique libre, et le ministre sortant de l’Information, Melhem Riachi, responsable au sein des Forces libanaises.
Au cours d’une rencontre marathon entrecoupée d’un déjeuner, le chef spirituel de la communauté maronite a adjuré les deux hommes, pour le bien des chrétiens et celui du Liban, de protéger la « réconciliation historique » entre leurs deux partis.
Le patriarche a exhorté le CPL et les FL à cesser d’étaler leur linge sale en public et à mettre un terme aux joutes verbales dans les médias et sur les réseaux sociaux. Ces joutes sont une source de profonde inquiétude et de désarroi pour l’opinion, et de consternation pour la majorité silencieuse des Libanais résidents, a-t-il fait valoir. L’accord de Meerab avait scellé la réconciliation chrétienne en janvier 2016, permettant à la fin de la même année l’élection du chef du CPL à l’époque, Michel Aoun, à la tête de l’État.
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À l’issue d’une rencontre de trois heures, symptomatique du caractère exhaustif des discussions et de la complexité des sujets abordés, le chef de l’Église maronite a remis aux deux responsables, arrivés à bord de la même voiture, un message en quatre points (voir par ailleurs) adressé à leurs chefs respectifs, dans lequel il leur demande de persévérer dans « la réconciliation historique qui a eu lieu entre les FL et le CPL et ne pas transformer un désaccord politique entre eux en conflit ».
Dans une déclaration faite à l’issue de la rencontre, M. Riachi a reconnu que le désaccord avait atteint des proportions inacceptables : « D’innombrables appels inquiets pour la réconciliation nous sont parvenus ainsi qu’au CPL et à Bkerké. Que tout le monde soit rassuré, le désaccord entre les FL et le CPL n’aura pas de répercussions sur le terrain. C’est totalement exclu. »
M. Riachi s’est attardé à décrire la rencontre comme étant à la fois « profondément existentielle », « totalement politique » et même, par certains côtés, « théologique ». On sait en effet que le patriarche est soucieux de préserver la tension positive entre diversité et unité au sein de la vie nationale, et à empêcher que la diversité ne dégénère en anarchie, ou l’unité en uniformité ou en paralysie.
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À cette déclaration, le député Kanaan devait faire écho en affirmant : « La réconciliation est sacrée pour le CPL. C’est un fait accompli que nul ne songe à remettre en question. » « Mais, a-t-il ajouté, nous ne sommes pas un seul parti. Et, comme vous le savez, même à l’intérieur d’un même parti, de grandes divergences peuvent se manifester. Que serait-ce quand il s’agit de deux formations distinctes ? »
Mais « tout en préservant la diversité, le gouvernement sera formé et la réconciliation restera », a-t-il conclu.
Selon des sources bien informées, aussi bien M. Riachi que M. Kanaan devaient rendre compte de leur journée à leurs chefs respectifs. Ils doivent en faire de même au chef de l’État, incessamment. La LBCI croit savoir que le patriarche pourrait éventuellement recevoir le chef des FL, Samir Geagea, et celui du CPL, Gebran Bassil, une fois aplanies certaines ambiguïtés.
La polémique s’était envenimée, au fil des semaines, entre les FL et le CPL au sujet de leurs quotes-parts respectives dans le futur gouvernement, sachant que le CPL et le président Michel Aoun cherchent à totaliser, à eux deux, onze portefeuilles, à charge d’en réserver quatre aux Forces libanaises, ce que ce dernier parti considère comme tout à fait disproportionné, compte tenu de la représentativité respective des deux formations, telle qu’elle s’est concrétisée dans les urnes, en mai dernier.
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commentaires (5)
On va voir ce que le Hezbollah va dicter au CPL... En regardant tout le monde se quereller, le Hezb prolifère deeper and deeper...
Jack Gardner
10 h 33, le 13 juillet 2018