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Culture

Artiste, archiviste, activiste, même combat ?

Dans « En mal d’archive », huit artistes internationaux présentent leurs œuvres à Station Beyrouth, toutes imaginées à partir de témoignages de réfugiés syriens.

Fadi Aljabour, « Untitled », 2018.

« Qui sait qui, demain, témoignera le plus sûrement de notre civilisation? » C’est la question que posait le cinéaste français Alain Resnais dans son court-métrage Toute la mémoire du monde, en 1956. Et c’est ce film qu’a choisi le curateur, artiste et exilé syrien, Khaled Berakeh, pour introduire l’exposition « En mal d’archive ».
Son idée ? Collaborer avec l’association Dawlaty et son projet « Syrian Oral History Archive », qui récolte des témoignages oraux de réfugiés et les transmet à des artistes. Ces derniers se sont approprié ces fragments de vie, toujours dramatiques et tristement banals en temps de guerre. Des confessions et des voix d’inconnus sont donc ici matière première à l’art. Les œuvres qui en résultent, comme nos Mémoires, sont collectives. Transformant et déformant les souvenirs de ces réfugiés pour ne jamais les oublier.

Une longue bataille contre la mort
Si elle parle du drame de la guerre, cette exposition questionne aussi le rôle et la place des archives dans l’art et dans notre société. Souffrant d’une image quelque peu poussiéreuse et ennuyeuse, l’idée qu’on s’en fait déshumanise complètement leur contenu. Alors qu’Alain Resnais en parlait comme « d’une longue bataille contre la mort ».
Cette bataille, les artistes libanais l’ont menée à partir de 1990, après la guerre civile. « Ce sont eux qui ont permis de questionner la sauvagerie à laquelle tout le pays s’était livré », affirme Nabil Canaan. Pour le propriétaire de l’espace culturel Station, ce travail fut salutaire. « Le Liban avait connu l’amnistie et, en même temps, l’amnésie. »
Mais quand le drame n’est pas terminé, ne faut-il pas continuer? Beaucoup d’artistes s’emparent depuis quelques années déjà de la guerre en Syrie. Alors comment exprimer le présent, la réalité ? L’exposition « En mal d’archive » cherche à éviter « le commerce de la guerre ». Ici, pas de choc visuel et pas une goutte de sang. Les œuvres sont à l’image de Still Life d’Anna Bannout. L’artiste syrienne exilée à Berlin présente une série de cinq photographies donnant à voir des natures mortes, basées sur des témoignages de réfugiées compatriotes au Liban. Des clichés drôles, colorés et sensuels où les récits sont présentés comme des affiches publicitaires. Mohammad Omran expose pour sa part une Black Box, d’où surgissent des images apocalyptiques, silhouettes dessinées à l’encre, laissant imaginer des scènes de vie dramatiques. Fadi Aljabour s’inspire dans ses dessins de l’attaque chimique sur la Ghouta en 2013. L’exposition donne également à voir un court-métrage coréalisé par l’artiste vidéo libano-canadienne Joyce Salloum et le cinéaste palestinien Élia Suleiman, Introduction à la fin d’un argument. À partir de séquences de films documentaires hollywoodiens, européens et israéliens, et d’extraits de journaux télévises américains sur le Moyen-Orient, ce film fait l’inventaire des stéréotypes du monde occidental vis-a-vis du monde arabe dans les médias.
Des récits imagés, à voir pour mieux voir, écouter et comprendre. Et ne pas oublier...

Station Beyrouth
« En mal d’archive », de Behjat Omer Abdulla, Heba Y. Amin, Anna Bannout, Adam Broomberg et Olivier Chanarin, Fadi Aljabour, Randa Maddah, Mohammad Omran. Jusqu’au 8 juillet 2018, Jisr el-Wati, Beyrouth. Tel. : 71-684218

« Qui sait qui, demain, témoignera le plus sûrement de notre civilisation? » C’est la question que posait le cinéaste français Alain Resnais dans son court-métrage Toute la mémoire du monde, en 1956. Et c’est ce film qu’a choisi le curateur, artiste et exilé syrien, Khaled Berakeh, pour introduire l’exposition « En mal d’archive ».Son idée ? Collaborer...

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