Dans une volonté affichée de faciliter le processus de formation du gouvernement, mais aussi et surtout de consolider l’accalmie entre les Forces libanaises et le Courant patriotique libre, le chef des FL, Samir Geagea, a dépêché hier le ministre sortant de l’Information, Melhem Riachi, au siège du CPL à Sin el-Fil, pour un entretien avec le chef de ce parti, Gebran Bassil.
Si les deux hommes n’ont pas évoqué la question de leurs quotes-parts respectives au sein de la future équipe ministérielle, il reste que la rencontre revêt une importance certaine, dans la mesure où elle est intervenue au lendemain de l’entretien, lundi au palais de Baabda, entre le président de la République, Michel Aoun, et le leader des FL. À l’issue de cette rencontre, M. Geagea avait fait savoir qu’il s’est entendu avec le chef de l’État sur une « feuille de route » pour la prochaine phase, insistant sur l’importance de calmer le jeu entre son parti et celui de Gebran Bassil.
C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’une source bien informée indique à L’Orient-Le Jour que MM. Bassil et Riachi se sont entendus sur la consolidation de la trêve médiatique initiée par la rencontre entre Samir Geagea et le Premier ministre désigné, Saad Hariri, le 25 juin dernier, en attendant le retour du chef du courant aouniste de ses vacances. Dans la prochaine phase, les deux formations chrétiennes majoritaires discuteront de tous les problèmes qui ont impacté leurs rapports récemment, ainsi que de la formation du cabinet, ajoute-t-on dans les mêmes milieux.
Un cadre FL interrogé par L’OLJ explique que la réunion Riachi-Bassil est le premier pas sur la voie de la mise en application de la feuille de route établie lundi à Baabda. Il s’agit donc d’une réunion préparatoire à la rencontre attendue entre les deux chefs de partis. « Cette atmosphère positive ne signifie pas pour autant que le nœud sera défait rapidement », nuance le proche de Samir Geagea, avant d’assurer que son parti est toujours attaché à une représentation gouvernementale conforme aux résultats des législatives du 6 mai, et ne compte aucunement faire un pas en arrière concernant ses demandes gouvernementales, insistant sur l’importance du respect de la parité dans le partage des portefeuilles ministériels entre CPL et FL.
De même, Fadi Saad, député FL de Batroun, déclare à L’OLJ que sa formation ne mène pas une guerre d’influence contre qui que ce soit. « Nous ne demandons qu’une représentation conforme aux résultats des élections et aux ententes politiques en vigueur », dit-il. Une allusion à l’accord de Meerab qui lie les FL au CPL depuis le 18 janvier 2016.
Les aounistes, de leur côté, continuent d’afficher leur attachement à la réconciliation interchrétienne de 2016, même s’ils insistent sur le respect des poids issus des législatives de mai dernier, comme l’indique le communiqué publié à l’issue de leur réunion hebdomadaire. Contactée par L’OLJ, une source proche de M. Bassil confie que ce dernier a profité de sa rencontre « rapide » avec Melhem Riachi pour assurer le maintien de la réconciliation et mettre l’accent sur l’importance de rétablir la confiance entre les deux partis, afin de pouvoir normaliser leurs rapports. Des rencontres auront également lieu ultérieurement entre Melhem Riachi et Ibrahim Kanaan, député aouniste du Metn, pour préparer l’entretien Geagea-Bassil, ajoute-t-on de même source.
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Les sunnites du 8 Mars
S’il va sans dire que ces efforts initiés par Samir Geagea visent à permettre à Saad Hariri de franchir l’obstacle chrétien l’empêchant encore de former son équipe ministérielle, il reste que le nœud sunnite généré par la représentation gouvernementale des députés sunnites ne gravitant pas dans son orbite semble loin d’être défait. Six des députés en question se réuniront demain au domicile de Fayçal Karamé. Il s’agit, outre M. Karamé, de Abdel Rahim Mrad (Békaa-Ouest), Jihad Samad (Denniyé), Adnane Traboulsi (Beyrouth), Walid Succarié (Baalbeck-Hermel) et Kassem Hachem (Marjeyoun-Hasbaya). Même si le Premier ministre désigné a fait barrage, depuis Baabda, à toute représentation de ces députés au sein de son troisième cabinet, dans la mesure où ils ne forment pas un bloc parlementaire unifié autour d’objectifs politiques bien déterminés, ces parlementaires (qui se réunissent en l’absence de plusieurs députés sunnites non haririens, dont notamment Nagib Mikati et Oussama Saad) tiennent à prendre part au prochain gouvernement. « Cela relève de notre droit dans un gouvernement dit d’union nationale, qui respecterait les résultats des législatives », déclare ainsi à L’OLJ un proche de Fayçal Karamé, indiquant que ce groupe demande deux ministres, alors même qu’il ne forme pas un bloc cohérent.
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Joumblatt à Baabda
Pour ce qui est du nœud druze, il sera au centre d’une réunion prévue aujourd’hui entre Michel Aoun et le chef du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt, qui veut monopoliser la représentation de sa communauté dans un cabinet de trente. Selon un observateur politique, cette rencontre devrait faciliter la mise sur pied du nouveau cabinet, dans la mesure où tout le monde est conscient du fait qu’un cabinet qui n’inclurait pas le PSP ne pourra pas voir le jour. En attendant, Taymour Joumblatt, député du Chouf, s’est félicité du fait que sa formation avait présenté la meilleure solution à même d’accélérer la naissance du cabinet : le respect des résultats de la consultation populaire de mai dernier.
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LA LIBRE EXPRESSION
08 h 34, le 04 juillet 2018