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Moyen Orient et Monde - Humanitaire

Le Yémen au cœur d’une conférence coprésidée par Paris et Riyad

Des organisations internationales et des États concernés par le conflit se réunissent aujourd’hui dans la capitale française pour faire le point sur la situation.

Une femme déplacée de Hodeida et sa fille à Sanaa, le 22 juin. Mohammad al-Sayaghi/Reuters

« Guerre oubliée », « Pire crise humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale »... Les qualificatifs ne manquent pas pour dénoncer la gravité de la situation au Yémen. Les chiffres se suffisent à eux-mêmes : 20 millions de personnes dépendent de l’aide humanitaire ; 17,8 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire ; 16,4 millions de personnes n’ont pas accès aux soins de santé nécessaires, rapporte le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA). Depuis 2015, le conflit a déjà fait près de 10 000 morts et 55 000 blessés, selon un décompte de l’Organisation mondiale de la santé.

C’est dans ce contexte que la conférence humanitaire sur le Yémen coprésidée par la France et l’Arabie saoudite doit se tenir aujourd’hui à Paris. L’événement a été annoncé en avril dernier après le passage à l’Élysée du prince héritier saoudien, Mohammad ben Salmane. Cette réunion a pour objectifs « de faire la clarté sur ce qui est fait et ce qui doit être fait, et permettra de prendre de nouvelles initiatives humanitaires pour les populations civiles », avait déclaré à cette occasion le président français, Emmanuel Macron.

Si bien peu de détails ont filtré au sujet de l’agenda de la conférence, plusieurs thèmes devraient être discutés dans la journée, selon une note de concept obtenue par L’Orient-Le Jour : l’aide humanitaire, les besoins et les engagements des parties, les questions économiques et financières, et les principes humanitaires. Selon le document, le but est de « discuter des réponses concrètes aux difficultés qui ont déjà été identifiées par tous les acteurs institutionnels, gouvernementaux et non gouvernementaux entre autres ».
La conférence, qui devait à l’origine avoir lieu au niveau ministériel, doit finalement se tenir au niveau des experts, a confié à l’AFP une source diplomatique jeudi dernier. Les organisations internationales et les États concernés doivent y participer, mais les rebelles houthis n’y ont pas été invités. Les ONG n’ont pas non plus été conviées, mais « seront consultées », a indiqué cette même source. Une réunion de préparation avec des responsables humanitaires devait par ailleurs avoir lieu hier, mais a finalement été annulée face au faible taux de participation annoncé. « La majorité des associations avait décidé de ne pas s’y rendre, car nous donnons des informations depuis plusieurs mois » depuis le terrain et sur les difficultés à réaliser les missions, « sans avoir la conviction de voir quelque chose changer dans la diplomatie française », confie à L’OLJ Jean-François Corty, directeur des opérations internationales à Médecins du monde France.

« S’étonner de la méthode et du casting »
L’initiative de Paris soulève de nombreuses questions chez les humanitaires et les observateurs, alors que Riyad appuie directement les forces loyalistes et dirige une coalition depuis 2015 contre les rebelles houthis, soutenus quant à eux par Téhéran. Accusée de nombreuses violations du droit humanitaire international, la coalition menée par le royaume wahhabite serait responsable des « inacceptables » 51 % des décès et des blessures d’enfants au Yémen en 2016, selon un projet de rapport de l’ONU révélé par Reuters en août dernier.

La situation sur le terrain s’est un peu plus détériorée depuis le lancement de l’offensive sur la ville de Hodeida par les troupes progouvernementales et la coalition le 13 juin. La cité portuaire, située à l’ouest du Yémen et dont l’accès est limité par les forces de la coalition en mer depuis novembre, est un point-clé stratégique sur la mer Rouge et par lequel transite 70 % de l’aide humanitaire. Les ONG n’ont cessé d’alerter la communauté internationale ces derniers mois sur les dangers d’une escalade du conflit à Hodeida pour les 600 000 civils sur place, sans succès.
Le 13 juin, 14 ONG ont envoyé une lettre conjointe à la présidence française dans laquelle elles rappellent que « la situation actuelle au Yémen est intenable ». « Nous écrivons pour vous faire part de notre alarme face à la rapide détérioration de la crise yéménite et vous implorer de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour faire pression sur les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite afin d’éviter une attaque sur le port de Hodeida », ont-elles insisté. « Si une attaque contre Hodeida est lancée, il serait inconcevable de maintenir la conférence comme prévu », ont-elles prévenu. Les ONG ont été contactées par Paris à ce sujet lundi dernier, mais « les réponses que nous avons reçues ne nous ont pas complètement rassurés », rapporte à L’OLJ Lucile Grosjean, référente plaidoyer pour les crises humanitaires et les conflits à Action contre la faim.
Les organisations humanitaires craignent que la conférence permette d’éviter des sujets-clés tels que le rôle de Riyad dans le conflit ou encore ne mettent de côté le fait que Paris continue de vendre des armes au royaume saoudien, ce qui lui vaut d’être sous le feu des critiques. « Il y a un fort risque de récupération politique », note Mme Grosjean. « Certains points peuvent permettre de petites avancées, il faudra voir aussi à quel point la conférence s’inscrit dans le cadre du plan de paix de l’envoyé spécial de l’ONU pour le Yémen, Martin Griffiths », ajoute-t-elle. Les organisations « ne sont pas dupes du fait que la France est dans un exercice de communication », souligne pour sa part M. Corty. Selon lui, « si la conférence a un impact réel sur les civils, tant mieux, mais on peut s’étonner de la méthode et du casting ».


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