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Culture - L’artiste de la semaine

Waël Koudaih, vecteur d’ondes

Être musicien et faire une musique sans frontières, qui voyage, c’est ce à quoi Waël Koudaih a toujours œuvré. Aujourd’hui, son rêve se réalise avec le projet « Dabaka » qui prendra forme avec un concert et un album en novembre.

Depuis quelques années, la question des émigrés agite le monde. Elle chamboule les perspectives et pousse parfois des peuples contre d’autres. Pour le musicien libanais Waël Koudaih, le problème des émigrés n’en est pas un. « Au contraire, affirme-t-il. Ils apportent une richesse différente au pays d’accueil. » Du moins les artistes. Ainsi, depuis leur arrivée, les musiciens syriens ont apporté un souffle nouveau à la scène indépendante libanaise, avec une vision du monde arabe très différente de celle des Libanais. C’est à partir de ce constat que l’ex-rappeur a concocté un projet intitulé Dabaka réunissant Libanais et Syriens afin de mettre leurs univers en commun. Avec le soutien du Haut-Commissariat de l’ONU aux réfugiés et la prise en charge par l’association Red Oak de l’organisation, Waël Koudaih, initiateur du projet, en est devenu le directeur artistique. Il a appelé à le rejoindre dans cette aventure Samer Saem el-Dahr, de Hello Psychaleppo (Alep), Khaled Omran, du groupe Tangaret Daghet de Damas, et Wassim Abou Malham, de Who Killed Bruce Lee de Beyrouth. Avec les vidéos de Joan Baz, ils jouent avec l’électro et loin du cliché orientaliste, mettent la musique arabe en haut de l’affiche. Aucun d’eux ne jouera d’un instrument traditionnel. Bien au contraire, car Koudaih va essayer d’emmener la dabké au-delà de son côté désuet et de dépoussiérer cette musique quasi rigidifiée.

Qu’est-ce que la dabké sinon cette réunion des villageois pour battre la terre qui se fissurait après les pluies ? Devenue plus tard une danse du terroir, elle concerne plusieurs pays comme le Liban, la Syrie, la Palestine ou encore la Jordanie. « C’est un projet avec une vision politique et poétique », souligne Waël Koudaih, qui insiste pour que le message ne soit pas pesant, mais simplement rassembleur et enrichissant. Si les Libanais sont plutôt tournés vers l’Occident dans leur musique, les Syriens apportent, eux, leurs saveurs traditionnelles trempées dans les maqamats et la connaissance de cette musique savante que sont les tonalités arabes. « C’est pourquoi, avoue Koudaih, j’ai plongé moi aussi à la recherche de cette musique afin de la sonder, l’exploiter et la remodeler. »

De Rayess à Waël
« La musique est un univers parallèle qui ne touche pas l’autre, mais prend naissance dans notre univers. Une fois que j’y pénètre, je n’ai plus de problèmes, dit l’artiste. Il n’y a plus d’émigrés, plus d’exil, plus de problèmes économiques, plus de maladie. Je suis dans un monde d’ondes qui se propagent et qui émettent des vibrations qui font bouger les corps et leur transmettent des émotions telles la joie, la tristesse, la solitude et la compassion ». Pour Waël Koudaih, qui a su au fil des années jongler avec les genres, la musique vit actuellement une ère fantastique. Elle a rompu toute frontière économique, sociale et géographique. Elle a mêlé les genres pour devenir simplement « transgenre ». Un musicien sur scène est simplement un musicien, dit-il encore. Un musicien sans nationalité aucune. L’artiste qui s’est délesté de son surnom Rayess Bek, qui lui a trop longtemps collé à la peau, témoigne de ce tournant entrepris dans sa vie musicale.
À l’âge de 15 ans, Koudaih avait formé un groupe de rap français surnommé QPA (Quand la prose assassine). Mais bien qu’habitant en France, le jeune Libanais avait ressenti un réel besoin de créer une formation rappant en arabe. Dans les années 90, ils sont donc trois à faire du rap au Moyen-Orient : DAM en Palestine, MBS (le micro brise le silence) en Algérie et Aks el-Seir, le groupe auquel est rattaché Rayess Bek, au Liban. À contre-courant comme leur nom l’indique, les jeunes musiciens libanais tentent un coup de maître. En mettant leur musique sur cassette, ils deviennent un groupe populaire, écouté par le peuple. Surmontant toutes les difficultés et conservatismes, leur musique est « consciente » d’une réalité sociale. Elle instruit. Ils deviennent surtout les pionniers d’une musique jeune, inexistante jusqu’à ce jour. Mais le groupe finit par se séparer en 2006. Waël Koudaih (encore connu sous le nom de Rayess Bek) quitte le Liban, mais continue son travail en France. « Je me suis refait un début et un réseau en même temps. Je n’avais plus envie d’écrire des textes de manière conventionnelle sur des instruments de rap, mais seulement de composer. » Son projet Goodbye Schlöndorff en 2013 est un tournant dans sa carrière. À 32 ans, saturé de ce genre qu’il n’arrive pas à renouveler même en essayant d’introduire du violoncelle ou du oud au rap – « je ne le voulais pas purement électronique, mais organique » –, il s’ouvre à d’autres matières et à d’autres horizons, collabore sur des projets très variés tels que Love and revenge avec la vidéaste Randa Mirza, These shoes are made for walking avec la chorégraphe Nancy Naous ou Ce qui nous regarde, théâtre documentaire de Myriam Marzouki et Nathan le sage mise en scène par Nicolas Stemann.

Dabaka est aujourd’hui dans la continuité de son travail qui réunit des artistes sur un sujet très actuel, mais qui poussera, il l’espère, les nouvelles générations à renouer d’une manière, certes moderne, avec le riche passé de leur musique.

1979
Naissance à Nabatieh
(Liban-Sud).

2003
Master professionnel en arts appliqués de l’ALBA.

2007
Postdiplôme de l’Ensad (École nationale supérieure
des Arts-déco de Paris).

2000-2012
Sous le pseudonyme de Rayess
Bek, il devient l’un des pionniers
de la musique urbaine
du monde arabe.

2006
Départ pour la France.

2012
Musique performative
avec incursion dans les vidéos,
le théâtre ou la chorégraphie.

2016
Jusqu’à nos jours, il fait la navette entre la France et le Liban, et lance le projet « Dabaka ».


http://galeriecherifftabet.com/fr/alterner-home/



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