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Sport - Football / Mondial – Repères

Comment se faire passer pour un expert du foot

Manan Vatsyayana/AFP

Vous ne comprenez rien au football? Vous avez peur de paraître idiot à chaque fois que vous regardez un match avec vos amis, tous plus passionnés et loquaces les uns que les autres ? Vous avez l’impression d’entendre une langue étrangère à chaque fois que vos collègues débattent sur le positionnement d’un joueur ou sur la cohérence collective d’une équipe ? Ce petit manuel de survie footballistique, indispensable en période de Coupe du monde, est fait pour vous : pour vous permettre de placer dans les conversations mondaines des phrases bateau qui ne veulent souvent rien dire mais qui ont vocation à impressionner la galerie, ou du moins, à vous faire participer à « l’expertise » collective.
Le plus important pour commencer : réfrénez tout sentiment de timidité ou d’humilité. L’expert foot est persuadé qu’il a toujours raison et ne se cache pas pour le faire savoir. Une hésitation dans la voix ou un soupçon de nuance dans les propos pourraient vous faire perdre toute crédibilité.
Ne parlez jamais de tactique, ou bien en des termes très vagues. Personne n’y comprend rien et vos interlocuteurs risquent de décrocher très rapidement. Contentez-vous de dire que vous préférez le 4-3-3 au 4-2-3-1, ou inversement, et concluez la discussion par une phrase banale à laquelle votre ton affirmatif doit donner une valeur de maxime, du style : « Le plus important, c’est l’animation offensive. » Employez des expressions techniques pour qualifier les différents styles de jeu. Parlez de « tiki-taka » lorsqu’une équipe enchaîne trois passes d’affilée, de « catenaccio » quand tous les joueurs se retrouvent à défendre, ou de « joga bonito » quand un milieu de terrain fait un jongle après un contrôle de la poitrine.


(Lire aussi : Mondial de foot– 1er tour : les tops et flops de « L’OLJ »)


Vous pensiez que le football était un sport collectif ? Oubliez vos certitudes. Commentez la performance de chacun des joueurs comme si celle-ci ne dépendait pas de celles de ses coéquipiers et de ses adversaires. Multipliez les jugements grossiers et définitifs sans toutefois hésiter à retourner votre veste au premier revirement de situation. Dites d’un joueur qu’« il n’est pas dans son match » au premier contrôle manqué, qu’« il se prend pour Messi » à chaque fois qu’il tente un dribble, ou qu’il est « monstrueux » dès lors qu’il marque un but, même s’il a multiplié les mauvais choix pendant 90 minutes. Attribuez systématiquement la défaite de votre équipe au manque d’envie des joueurs ou à la médiocrité de l’arbitre.
En parlant d’arbitrage, faite preuve d’une mauvaise foi sans bornes dès lors que celui-ci prend une décision qui va à l’encontre de votre équipe. Ne craignez pas de le traiter d’« âne » ou de « bigleux », et même de soupçonner certaines équipes de l’avoir fortement influencé.
Le match est serré et paraît tendu? Dites que vous pensez que les deux équipes peuvent « craquer à tout moment » et prenez l’air mi-satisfait, mi-blasé de celui qui avait tout vu venir si un but est marqué dans les 80 minutes qu’il reste à jouer.

Regrettez l’époque des matchs rugueux où les défenseurs « savaient défendre » et où les milieux de terrain étaient de véritables « meneurs de jeu ». Comparez systématiquement les joueurs les uns aux autres sans vous soucier des différences d’époques, de contextes, d’équipes ou de tactiques. Placez Pelé, Maradona, Beckenbauer, Cruyff ou Zidane toutes les cinq minutes dans la conversation.
Dites qu’un attaquant amène un « brin de folie » dès lors qu’il réussit à enchaîner un dribble, un débordement et un centre, et qu’« il est faible techniquement » si vous le ne voyez pas faire vingt-sept passements de jambes avant une passe hasardeuse à son coéquipier. Ayez des footballeurs préférés à qui vous attribuez une caractéristique spécifique qui a vocation à résumer tout son talent. Au choix: « Il est dur sur l’homme », il « ferme les espaces », il « oriente le jeu », il est un « redoutable finisseur » ou encore « il est le facteur X de l’équipe ».

Remettez sans cesse en question les choix du sélectionneur. Il a une grande expérience professionnelle ? Il se lève, mange et dort en pensant au football depuis ses six ans ? Il voit les joueurs au quotidien à l’entraînement et connaît sur le bout des doigts les forces et les faiblesses de chacun d’entre eux ? Peu importe ! Depuis votre canapé, vous êtes tout aussi légitime que lui pour savoir qu’il fallait « faire jouer Lemar » plutôt que « Dembele », mettre Muller en 9 et demi et Reus sur le côté droit, ou encore faire monter le bloc équipe pour presser l’adversaire. Là encore, changez d’opinion dès que les faits ne confortent pas votre analyse. Vous militiez pour que Giroud soit sur le banc ? Martelez que l’attaquant a manqué à son équipe à la première contre-performance de son remplaçant.

Un moment de silence devant un match ennuyeux au possible. Profitez-en pour sortir les quelques statistiques que vous avez apprises par cœur en amont sur le nombre de kilomètres parcourus par l’équipe ou sur le record de buts marqués entre la 33e et la 34e minute d’un deuxième match de Coupe du monde. Ces quelques données devraient vous permettre d’impressionner votre auditoire et de vous consacrer comme la référence en la matière.
Vous avez des scrupules ? Vous pensez que ce petit manuel de survie ressemble à une conversation de comptoir entre deux beaufs ? Vous avez parfaitement raison, mais au moins, vous n’avez désormais plus grand-chose à envier aux millions de commentateurs (professionnels ou amateurs) qui sévissent lors de cette Coupe du monde. Bienvenue au club !


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