À Tannourine, la polémique autour du projet de carrières qui menace le jurd du village se poursuit. Ce projet porte sur l’extraction de pierres dans les hauteurs de la localité au profit de la construction du barrage de Balaa. Il y a deux semaines, un projet similaire qui menaçait le jurd de Aqoura avait finalement été écarté grâce à la mobilisation des habitants du village.Hier matin, les équipes relevant de la compagnie Moawad-Eddé, qui réalise le barrage de Balaa, s’apprêtaient à relancer les travaux de percement de routes, déjà entamés et qui s’étaient arrêtés vendredi, au lendemain du rassemblement des habitants opposés à ce projet. Mais, à la surprise de tous, les ouvriers ont reçu un message de la part d’un membre du conseil municipal de Tannourine leur demandant d’arrêter tous les travaux, de se retirer des hauteurs et de garer leurs véhicules sur le bord de la route.
Dans l’après-midi, le président du conseil municipal de Tannourine, Baha’ Harb, a publié un communiqué dans lequel il a démenti « les rumeurs selon lesquelles les travaux d’extraction de pierres du jurd commenceront demain (aujourd’hui) ». Il a également assuré qu’il n’y avait jusqu’à présent aucun document signé concernant la réalisation du projet d’extraction des pierres du jurd.
Youssef-Rami Fadel, porte-parole du groupe d’habitants opposés à la réalisation de ce projet, affirme à L’Orient-Le Jour que le comité de suivi né dans le sillage du rassemblement du jeudi 14 juin s’est félicité de la dernière déclaration du président de la municipalité dans laquelle il précise qu’aucun contrat n’a été approuvé ou signé par la municipalité en ce qui concerne ce projet. « Nous considérons que la déclaration de M. Harb est positive et qu’elle constitue un pas en avant vers la résolution de cette affaire et vers la préservation de notre jurd », estime M. Fadel qui renouvelle son appel à la municipalité à rejeter ce projet et chercher des ressources financières alternatives qui ne nuisent pas au jurd. « Nous demandons également, et avec insistance, le retrait immédiat des machines de nos jurds pour dissiper les appréhensions et mettre un terme aux rumeurs », ajoute-t-il avant de poursuivre : « Nous ne pouvons négocier avec aucune partie en ayant le revolver à la tempe, et dans ce cas-là, les machines sont le revolver. »
« S’il s’avère que la décision d’approuver ou non ce projet dépasse les prérogatives du conseil municipal et que le projet sera imposé au village par des parties extérieures, quelles qu’elles soient, le comité est prêt à œuvrer main dans la main avec la municipalité pour faire face à tous ceux qui tentent d’outrepasser la volonté des gens de Tannourine », poursuit-il avant de conclure : « Il est vrai que nous saluons les intentions positives, mais nous sommes vigilants et nous mettons en garde contre toute manœuvre ou tentative de contourner la volonté des habitants en vue de gagner du temps et de travailler dans l’ombre. »
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Les déclarations de Baha’ Harb
Selon une source bien informée, le ministère de l’Intérieur aurait confié à des policiers la mission d’accompagner le déroulement des travaux dans le jurd. Une note en ce sens aurait été envoyée par le ministère au président de la municipalité. En réponse à cette note, ce dernier aurait choisi de suspendre les travaux pour le moment parce que « la moindre activité risque de susciter un grand tollé dans le village ».
Joint au téléphone par L’OLJ, M. Harb assure cependant n’avoir reçu aucune note de la part du ministère de l’Intérieur. « Des responsables sécuritaires ont voulu examiner les jurds et se sont donc rendus sur les lieux, mais c’est tout », insiste-t-il. « Le projet est suspendu pour le moment, le temps d’effectuer les études nécessaires parce que nous ne nous sommes pas encore mis d’accord sur les détails administratifs et sur les projets qui remédieront à l’extraction des pierres de nos jurds », explique M. Harb.
« Il y aura demain (aujourd’hui) une réunion entre les trois municipalités de Tannourine el-Fawqa, Chatine et Aqoura avec le ministre de l’Énergie, César Abi Khalil, le directeur général du ministère, Fady Comair, et la compagnie Khatib & Alami qui effectuera les études nécessaires », poursuit-il. Prié de dire si le fait d’annoncer que Khatib & Alami commence aujourd’hui à mener des études ne serait pas, en soi, un aveu qu’il n’y a jamais eu d’études d’impact sur l’environnement alors que les travaux de percement de routes avaient déjà commencé, M. Harb répond : « Il y a eu une étude d’impact sur l’environnement, mais elle était trop générale et insuffisante, c’est pour cela que Khatib & Alami effectuera une nouvelle étude plus spécifique. »
« Nous mettrons, dorénavant, les habitants de Tannourine au courant de tous les développements à ce niveau parce qu’ils ont le droit d’être bien informés, promet-il. Quant aux protestataires, ils n’étaient pas plus de quarante personnes rassemblées jeudi devant la municipalité, et un bon nombre d’entre eux n’y était pas pour des motifs relatifs à l’environnement. »
Un responsable de la localité hostile au projet assure qu’il n’y a jamais eu d’études d’impact sur l’environnement. « Toutes les décisions prises sont illégales, et n’était-ce le tollé suscité par les opposants au projet, personne n’aurait pensé à prendre l’avis des habitants en considération », martèle-t-il. « Je pense que la déclaration de M. Harb est positive et qu’il essaie, à travers ce communiqué, de calmer la tension le temps de trouver une issue à cette affaire », ajoute le responsable avant de conclure : « Nous sommes sur nos gardes, nous sommes très vigilants et nous assurons encore une fois qu’aucune pierre du jurd de Tannourine ne sera déplacée d’un centimètre. »
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commentaires (5)
Le peuple libanais doit s'organiser, apprendre à militer, revendiquer ses droits légitimes, pacifiquement. La pression populaire, est le meilleur levier pour faire éradiquer la corruption généralisée, quand elle est menée intelligemment, Bravo, il ne faut jamais baisser les bras!
Sarkis Serge Tateossian
01 h 25, le 21 juin 2018