Dans l’attente de la formation du gouvernement, les Libanais se demandent s’il pourra réellement lutter contre la corruption devenue l’un des plus graves maux économiques du pays. Le président de la République en avait fait son fer de lance pour la seconde partie de son mandat qui commence avec la naissance du second gouvernement. Le Hezbollah a placé, à son tour, ce thème en tête de ses priorités pour l’étape à venir. Il a même créé une cellule chargée de la lutte contre la corruption dirigée par le député Hassan Fadlallah qui, selon le parti chiite, a fait ses preuves dans le dossier des télécoms en sa qualité de président de la commission parlementaire de l’Information et des Télécommunications.
D’ailleurs, le sujet de la lutte contre la corruption a occupé une partie importante de la rencontre prolongée entre Hassan Nasrallah et le ministre Gebran Bassil. Aussi bien le CPL que le Hezbollah se considèrent en tête des parties déterminées à combattre sérieusement la corruption dans les institutions publiques. Des sources concordantes des deux parties révèlent que ce thème est devenu une priorité pour le CPL et pour le Hezbollah en raison de la situation économique et financière grave du pays. Les milieux des deux camps estiment que la corruption quasi généralisée a atteint un tel niveau qu’il faut à tout prix la réduire, d’une part pour diminuer le déficit public et ensuite pour gagner de la crédibilité aux yeux des bailleurs de fonds internationaux. De même, la réduction de la corruption devrait aussi avoir un impact positif sur la productivité des différentes institutions publiques du pays. Ce qui aura forcément des répercussions au niveau des citoyens.
La lutte contre la corruption n’est donc plus un luxe ou un thème à la mode. Il s’agit désormais d’une priorité pour le Liban. C’est donc sur la base de ces considérations que le Hezbollah a rejoint le président de la République dans sa volonté de placer ce thème en tête du carnet de route du prochain gouvernement.
La question qui se pose est toutefois la suivante : comment, avec toute leur bonne volonté, ces parties et d’autres, qui déclarent aussi d’ailleurs leur détermination à combattre la corruption, comptent-elles s’y prendre pour obtenir des résultats ?
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Dans les milieux politiques, en dépit des intentions affichées, plusieurs parties restent sceptiques, assurant que la corruption est trop ancrée depuis des années dans les pratiques des fonctionnaires et de leurs parrains communautaires pour pouvoir être combattues efficacement.
Mais selon les sources proches du CPL et du Hezbollah, s’il y a une volonté véritable d’agir, la mission n’est pas impossible. Il s’agit en tout cas de faire un travail de fond, même s’il n’est pas spectaculaire. D’autant qu’il n’y a pas une seule personnalité ou groupe qui pratique la corruption. C’est tout un système qui s’est installé et qui s’est banalisé. Ceux qui s’attendent à des mesures coups de poing ou à des arrestations médiatisées à outrance risquent donc d’être déçus. L’optique actuelle prévoit plutôt d’appliquer les lois en vigueur sur la transparence et sur l’accès à l’information, ainsi que la décision d’informatiser tous les ministères et toutes les formalités. Cela commence d’ailleurs à se faire, mais il faut du temps pour que les formalités informatisées soient effectuées avec efficacité. Ce n’est pas encore le cas, même si la bonne volonté commence à apparaître, notamment au niveau de la Sûreté générale et du service mécanique des véhicules. Mais, à ce stade, les citoyens se plaignent que l’informatisation encore élémentaire complique les démarches au lieu de les faciliter. Toutefois, si cette pratique devait se généraliser, elle devrait réduire considérablement les pots-de-vin au niveau des citoyens. Ces mesures peuvent paraître élémentaires, mais si elles sont strictement et intelligemment appliquées elles pourront modifier la perception qu’ont les citoyens de l’administration et rendre celle-ci plus efficace.
Pour le reste, dans les grands dossiers où une corruption est soupçonnée, il s’agit de mener des enquêtes pointues et sérieuses. Dès qu’il y aura suffisamment d’éléments sur un dossier précis, il sera déféré devant la justice qui fera le nécessaire. Autrement dit, la lutte contre la corruption suppose le développement du pouvoir judiciaire à la fois en nombre et en compétence, pour que les dossiers soient traités rapidement et équitablement. Il faut aussi mettre les magistrats à l’abri des influences politiques. Ce qui n’est pas impossible, car, au Liban, il y a de grands magistrats qui ne demandent qu’à faire leur travail. Il faut juste leur laisser le champ libre. C’est un peu ce qui s’est passé avec l’armée qui, il y a quelques années encore, était soumise aux interventions politiques et qui aujourd’hui a relativement réduit l’impact des influences politiques sur ses décisions internes. Il faut aussi développer les services de sécurité qui exécutent les décisions de justice, ainsi que la police judiciaire chargée des enquêtes préliminaires. Le plan d’action est donc pratiquement au point et il est réalisable. Il n’attend qu’une décision qui doit venir du nouveau gouvernement. En principe, toutes les parties politiques sont d’accord pour lutter contre la corruption. Il y a même une rivalité positive entre les différents pôles sur ce sujet. Mais le risque reste que le Liban soit contraint de modifier l’échelle de ses priorités, dans une région en ébullition.
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commentaires (14)
""cellule chargée de la lutte contre la corruption dirigée par le député Hassan Fadlallah qui, selon le parti chiite, a fait ses preuves dans le dossier des télécoms"" . C evident, mais qui peut elle, l'ecrivaine a honte de mentionner le beau boulot effectue par ce meme depute en faisant blocage - AVEC les FL et Amal contre le projet des navires fantomes... ou etait ce un oubli innocent ? SINON oui bien sur.... combat a mort contre la corruption, devolus a ces memes CORROMPUS/CORRUPTEURS . sacre programme hein ?
Gaby SIOUFI
16 h 31, le 20 juin 2018