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Liban - Décryptage

Les polémiques, entre manœuvres internes et souhaits régionaux

Il y a quelque chose de désespérant dans la vie politique au Liban, qui passe d’une polémique à l’autre, avec, à chaque fois, le sentiment que la guerre civile est sur le point d’éclater de nouveau. Le moindre conflit entre deux parties politiques relance immédiatement les barricades des années de guerre et la violence verbale rappelle l’impact des coups de canon, qui se sont peut-être tus concrètement, mais résonnent encore dans les esprits et les cœurs. Il y a quelques jours, les réseaux sociaux se faisaient l’écho d’un violent échange d’accusations entre le CPL et les FL, et depuis deux jours, ce sont les partisans du CPL et ceux du PSP qui se livrent à une véritable bataille orale. Tout a commencé par un tweet du chef du PSP dans lequel il affirme que « le régime actuel est un fiasco depuis le premier instant ». Les partisans du CPL se sont immédiatement soulevés contre cette affirmation, diffusant des déclarations de M. Joumblatt datant des années 80 sur sa préférence pour « la botte syrienne » au lieu de la « botte maronite » et sur le fait que son camp a été effectivement entraîné pendant la guerre à tuer des innocents.

Indépendamment du fait qu’il est clair que la nouvelle tactique du CPL est de ne plus se taire face aux attaques, cette nouvelle polémique montre que les méthodes miliciennes continuent d’être utilisées, sans les armes toutefois, à chaque fois qu’un conflit surgit entre les parties. C’est probablement un moyen efficace de faire de la politique au Liban, puisque les conflits se terminent généralement par un compromis au niveau des responsables, selon le principe du partage des parts si cher aux leaders libanais. Tout au long de sa carrière politique, Walid Joumblatt a d’ailleurs souvent utilisé le procédé de lancer des attaques pour obtenir des acquis dans un dossier spécifique, et son tweet pourrait être donc être interprété dans ce contexte, à la veille en principe de la formation du nouveau gouvernement, sachant qu’il s’oppose radicalement à la volonté du CPL de nommer un des trois ministres druzes dans une équipe de 30. Si c’était le cas, les ripostes des partisans du CPL pourraient être un nouvel épisode du même scénario et finir par un accord.


(Lire aussi : Le fossé n’en finit pas de se creuser entre Baabda et Moukhtara)


Mais le problème, selon des sources proches du CPL, c’est que le leader druze a directement attaqué le chef de l’État au lieu de se contenter d’attaquer le CPL et son président, Gebran Bassil. De plus, en une phrase lapidaire, il a estimé que ce régime est un fiasco depuis le premier instant. Dans ces conditions, toujours selon les mêmes sources, pourquoi Walid Joumblatt a-t-il voté pour Michel Aoun à la présidence et pourquoi a-t-il tenu à participer au gouvernement sortant et tient-il à participer à celui qui est en gestation, s’il savait depuis le début que sous cette présidence le Liban va d’échec en échec ? Derrière cette argumentation, se profile une inquiétude d’un autre genre.

Walid Joumblatt a en effet publié ce tweet après une visite qualifiée de « très réussie » en Arabie saoudite à la suite de laquelle ses proches ont déclaré que les relations entre le leader druze et les dirigeants saoudiens se sont normalisées après une période de troubles à la suite de certaines de ses prises de position. Or, dans ce contexte, nul n’ignore la volonté affichée des dirigeants saoudiens de combattre les Iraniens et ceux qu’ils considèrent comme leurs instruments, partout où c’est possible. Le Liban fait incontestablement partie des champs de confrontation éventuels, surtout à cause du Hezbollah et de l’alliance qui le lie au chef de l’État et au CPL. Après le fameux épisode de « la démission de Riyad », au cours duquel les dirigeants saoudiens ont compris que leurs alliés libanais habituels n’étaient pas suffisamment forts pour renverser les rapports de force au Liban, ils auraient donc décidé de changer de méthode et de resserrer les liens avec les différentes parties susceptibles d’être de leur côté pour tenter une opération, soit d’encerclement du régime libanais, soit destinée à le pousser à défaire son alliance avec le Hezbollah.

Selon les sources proches du CPL, la déclaration de M. Joumblatt s’inscrirait donc dans ce cadre. Comme le chef druze a conclu une sorte de « pacte de non-belligérance » avec le Hezbollah, il s’en est donc pris au chef de l’État et au régime dans son ensemble. Mais les autres forces politiques ne sont pas nécessairement de cet avis. Pour les sources proches de Aïn el-Tiné par exemple, il ne faudrait pas accorder trop d’importance au tweet de Joumblatt, car il exprime essentiellement le mécontentement de ce dernier à l’égard du régime, après plusieurs tentatives de rapprochement qui se sont heurtées à un manque d’enthousiasme évident de la part du camp adverse. Cela a commencé avec la nouvelle loi électorale et se poursuit dans les décisions prises au sein du gouvernement et désormais dans les concertations pour la formation du nouveau gouvernement. Toujours selon les sources proches de Aïn el-Tiné, Joumblatt se sentirait visé et il réagit ainsi à sa manière. Il ne faudrait donc pas chercher d’autres explications.
Quelle que soit la version retenue, ces polémiques montrent en tout cas qu’il ne faut pas attendre une naissance rapide du nouveau gouvernement.



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commentaires (1)

Les polémiques, cela pourrait dégénérer. Walid Joumblatt en disant qu'il préfère vivre sous la botte syrienne plutôt que sous la botte maronite, sous entendue la botte du gendre et du beau-père. Il a craché le galet. Je suis maronite, fils de maronites et d'ancêtres maronites, je comprends parfaitement l'exaspération de Walid Joumblaa et de Marwan Hamadé. Je n'ai rien à leur reprocher. Les temps du sultan Salim el-Khoury et du 2ème Bureau sont révolus à jamais. Attention !

Un Libanais

16 h 10, le 18 juin 2018

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Commentaires (1)

  • Les polémiques, cela pourrait dégénérer. Walid Joumblatt en disant qu'il préfère vivre sous la botte syrienne plutôt que sous la botte maronite, sous entendue la botte du gendre et du beau-père. Il a craché le galet. Je suis maronite, fils de maronites et d'ancêtres maronites, je comprends parfaitement l'exaspération de Walid Joumblaa et de Marwan Hamadé. Je n'ai rien à leur reprocher. Les temps du sultan Salim el-Khoury et du 2ème Bureau sont révolus à jamais. Attention !

    Un Libanais

    16 h 10, le 18 juin 2018

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