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Ces initiatives qui changent le monde - Nigeria

Des maisons écolos contre la crise du logement au Nigeria

Chinwe Ohajuruka, fondatrice de l’entreprise Comprehensive Design Services (CDS), à l'Eco-Village de de Port Harcourt, au Nigeria. Photo CDS

Au Nigeria, en raison d’une vague d’urbanisation rapide, des millions de personnes ont été contraintes d’habiter dans des bidonvilles et des squats. Une situation qui va s’aggravant, la population du pays continuant de croître plus vite que la capacité de construire de nouveaux logements. Résultat : aujourd’hui, plus de 80 % des Nigérians vivent dans des conditions insalubres, souvent sans même l’électricité.
Mais pour certains d’entre eux, la situation pourrait s’améliorer grâce à l’entreprise Comprehensive Design Services (CDS), qui vise à proposer des logements à ceux qui n’y auraient autrement pas accès. Pour améliorer les conditions de vie de ceux qui en ont le plus besoin, l’entreprise propose des maisons abordables, alimentées par des sources d’énergie renouvelable fiables, dotées d’une alimentation en eau propre et d’installations favorisant le recyclage. Des maisons écolos en somme.

CDS a été fondée par l’architecte et entrepreneuse sociale Chinwe Ohajuruka, lauréate pour l’Afrique subsaharienne du prix Cartier Women’s Initiative en 2015. « Comprehensive Design Services cherche à transformer les défis de l’industrie du bâtiment nigériane en opportunités de développement », explique-t-elle.
En 2012, CDS fut aussi l’un des 17 vainqueurs (sur 495 candidatures) de l’African Diaspora Marketplace (ADM II) Business Plan, un concours s’adressant aux entrepreneurs, basé aux États-Unis. Entre 2013 et 2015, elle a construit 12 unités d’habitation écologiques et abordables, réparties dans deux quartiers de Port Harcourt. Quatre d’entre elles appartiennent au gouvernement nigérian. « La vie des huit familles (38 personnes) qui y vivent s’est améliorée. Elles vivent dignement, et c’est ça le plus important », souligne Chinwe Ohajuruka. Aujourd’hui, l’entreprise travaille à la construction d’un nouveau lotissement résidentiel, comprenant près de 40 logements, dont des studios et des maisons d’une ou deux chambres.

L’année dernière, le ministre nigérian du Logement, Babatunde Fashola, regrettait que de nombreux facteurs limitent l’accès à la propriété dans le pays. Parmi eux, le prix élevé des terrains à bâtir, le manque de financements, les taux d’intérêt exorbitants, les coûts importants des matériaux et de la construction ainsi que les délais d’attente pour l’obtention de titres fonciers.

Selon Chinwe Ohajuruka, peu de promoteurs immobiliers souhaitent investir dans des logements abordables, à cause des marges bénéficiaires serrées. « Nous avons remarqué qu’il y avait un besoin spécifique et avons trouvé un moyen de construire des logements de bonne qualité rapidement, à moindre coût et respectueux de l’environnement », assure-t-elle.


Avancer une maison à la fois
« Nous essayons de montrer l’exemple et d’améliorer les conditions de vie des Nigérians, avec des logements simples et durables. Nous nous attaquons à des problèmes structuraux très complexes et proposons des solutions simples. Il faut avancer une maison à la fois, ajoute Mme Ohajuruka. C’est pourquoi nous dessinons, concevons et construisons des habitations compactes, autoréfrigérantes, avec l’eau courante et qui fonctionnent à l’énergie solaire. C’est une façon naturelle et novatrice de lutter contre le réchauffement climatique. »

Pour ce faire, l’entrepreneuse s’est lancée dans l’architecture bioclimatique. « Cela consiste à concevoir des logements adaptés au climat en revenant aux principes de construction anciens tels que rester à l’écart du soleil, de la pluie et des insectes, maximiser la ventilation et la lumière naturelles, surélever l’habitation pour être à l’abri des inondations et, si possible, récupérer l’eau de pluie », détaille-t-elle. L’eau provient aussi des nappes phréatiques, grâce à une pompe alimentée par de l’énergie solaire. « On a le meilleur climat au monde, mais nos bâtiments sont devenus surchauffés, renfermés et sombres, nous forçant à utiliser des ventilateurs et des climatiseurs, précise l’entrepreneuse. Il faut que nous construisions des édifices adaptés au climat et non le contraire. »
CDS n’a pas inventé la technique bioclimatique, souligne-t-elle, mais s’est basée sur l’architecture traditionnelle au Nigeria, qui était mieux adaptée au climat que les bâtiments récents. « Nous avons simplement adapté et modernisé certains principes-clés de l’architecture traditionnelle. Nous ne sommes pas les seuls à le faire au Nigeria », note-t-elle.

Financée au début par l’USaid et la Fondation Western Union, CDS cherche désormais à lever des fonds dans le secteur privé. Chinwe Ohajuruka explique que les bâtiments de CDS coûtent 25 à 50 % de moins à construire que d’autres habitations similaires, et consomment 50 à 75 % moins d’énergie. « C’est pour cela que nous disons qu’ils sont abordables et écologiques. Et plus nous construisons, plus nos logements sont abordables grâce aux économies d’échelle réalisées », ajoute-t-elle.
Il n’en demeure pas moins que l’effort à réaliser pour résoudre la crise du logement qui plombe le Nigeria est colossal, souligne l’entrepreneuse. « Je suis convaincue qu’il nous reste encore beaucoup à faire si l’on veut combler le déficit de 17 millions de logements dans le pays. Il faut penser au développement durable à grande échelle », martèle-t-elle.
« Aujourd’hui, nous avons compris pourquoi offrir des logements abordables est un problème d’envergure mondiale. Grâce à Dieu, nous sommes sur le bon chemin, et il est hors de question de revenir en arrière, peu importent les défis que nous devrons relever », ajoute-t-elle.

Sur le long terme, Chinwe Ohajuruka espère reproduire cette initiative à travers l’Afrique subsaharienne. Le défi est de taille, mais elle reste optimiste : « Nous y allons doucement, mais sûrement. »



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