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Culture - Performance

Comment, de simple cellule dans l’eau, nous devenons monstres informes...

À travers son spectacle au théâtre al-Madina (les 14 et 15 juin), Yara Boustany donne une nouvelle vision de l’évolution humaine, à la fois plus métaphorique et plus matérielle que celle à laquelle Darwin nous avait habitués.

Photo Aymane Baalbacki

Avec ēvolvō, Yara Boustany propose une allégorie de l’évolution humaine. Elle commencerait à l’état cellulaire, dans un univers aquatique, presque placentaire, et aboutirait non pas à l’Homo sapiens, bien droit sur ses deux jambes, paré de toute sa science quoique nu, mais à un monstre, recouvert d’oripeaux étranges, informe, inassignable.

 « Je voulais montrer comment, dans notre monde qui évolue, où les informations et la technologie prennent une place démesurée et où les objets qui nous entourent finissent par nous avaler, les humains deviennent victimes de leur propre système », raconte Yara Boustany. Le motif est éculé, mais l’artiste parvient à lui redonner un semblant de nouveauté en l’exploitant à travers une performance qui flirte avec le mystique, croisant les esthétiques de la danse et de la vidéo.

Formée à l’Académie des beaux-arts (Alba) à Beyrouth, la jeune fille étudie d’abord les arts visuels, avant d’aller poursuivre des études en Espagne qui la mènent à se tourner vers le théâtre et le cirque : des influences que l’on retrouve dans sa pratique de la danse, qui mêle différents médiums. Pas de texte ni de paroles ici, mais du rythme. Il passe à travers un environnement sonore élaboré par William Llewellyn, et par le corps même de Boustany, qui semble évoluer au fil du spectacle, pris dans une dynamique de métamorphose. À cela se superposent des images, où se succèdent des vues du Liban, du Maroc et de l’Inde, se répondant dans des jeux de fondus enchaînés : tel désert à la verticale se transforme en immeuble, jusqu’au brouillage complet, ouvrant vers l’abstraction.

« La performance se présente comme une ligne. Au début, on ne voit pas mon visage ; c’est petit à petit qu’apparaît un devenir humain. J’utilise un miroir, qui permet de représenter cette première cellule vivante qui se serait dupliquée, jusqu’à former un être vivant. Cela montre aussi que tout a changé quand l’homme a commencé à se voir et à être conscient, et s’est différencié des animaux. Or le monde moderne commence à changer l’évolution, qui ne se joue plus tellement aujourd’hui à partir de la sélection naturelle : si un homme est physiquement faible mais qu’il a de l’argent, il pourra survivre sans problème. J’essaye pour ma part de montrer un retour vers l’animalité, par lequel l’humain serait plus connecté à la terre », explique Yara Boustany, qui insiste par ailleurs sur le fait qu’il n’est surtout pas question de livrer une morale, mais d’ouvrir une réflexion sur notre manière d’être au monde.

C’est de fait ce que pointe le nom du spectacle, en latin – avec les accents longs marqués, qui le rendent encore un peu plus étrange : ēvolvō, comme « rouler hors de », « dérouler ». Il s’agirait alors de s’inventer un nouveau corps, en glissant hors des cadres déterminés par la société moderne aussi bien que par notre propre anatomie. Cette étrangeté à soi, qui serait peut-être paradoxalement un moyen de se retrouver, Yara Boustany la trouve dans la figure du chaman : le chaman, c’est avant tout celui qui danse. Mais celui-ci porte ici un costume fait de rubans de signalisation et autres plastiques : le corps demeure un chantier à se réapproprier.

Théâtre al-Madina
Hamra, les 14 et 15 juin 2018
Réservation chez Antoine.


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