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Liban - Liban

Projet de carrière ? La polémique s’envenime à Akoura...

Alors que le président du conseil municipal réaffirme qu’il ne veut pas exploiter de carrière, ses détracteurs assurent qu’aucun rocher ne sera extrait du jurd.

Une photo de Aïn el-Debb, postée par un habitant de Akoura sur Facebook. On y voit les genévriers dans ce haut-jurd.

Que s’est-il passé à la municipalité de Akoura, dans les hauteurs du caza de Jbeil, suite à la campagne médiatique contre un projet de carrière dans le magnifique jurd naturel de la localité – révélé notamment dans nos colonnes dans l’objectif de servir aux travaux du barrage de Balaa (Batroun) ? Comme prévu, une réunion a été tenue par le conseil municipal hier pour discuter du projet en question, et n’a apparemment pas suffi à dissiper les craintes.

Interrogé par L’Orient-Le Jour sur ce qui s’est déroulé durant cette réunion, le président du conseil municipal de Akoura, Mansour Wehbé, se défend une nouvelle fois de vouloir exploiter des carrières à Akoura et dénonce « un procès d’intention » fait contre lui. « Le projet qui portait sur Aïn el-Debb avait été proposé il y a un an, par les mêmes promoteurs, raconte-t-il. Il s’est avéré que la roche est trop dure et qu’elle était impropre à l’utilisation. Nous avons alors consulté des géologues, des hydrologues et des urbanistes, qui ont tous estimé qu’il s’agissait d’une zone où il y a de l’eau. Nous avons donc laissé tomber ce projet il y a un an. »
Accusant ses détracteurs de vouloir lancer une campagne « politisée » contre lui, il souligne « avoir mis à l’ordre du jour un point dont la teneur est de demander aux membres du conseil de s’enquérir au sujet de terrains qui ne sont pas à Aïn el-Debb, et qui seraient en tous points propices à une extraction de roches ». « Si nous trouvons de tels terrains, j’enverrai des ingénieurs effectuer une étude là-dessus, a-t-il poursuivi. Et si nous n’en trouvons pas, nous abandonnerons tout le projet. »


(Lire aussi : À Akoura, un « suicide » environnemental de plus...)


Comment appeler l’extraction de roches sinon une exploitation de carrière ? « Une carrière est une exploitation qui n’en finit plus, dit-il. Moi, je veux profiter d’un projet en cours actuellement pour vendre des roches et générer des ressources pour la municipalité, qui n’en a pas. Et l’endroit en question sera entièrement réhabilité en un projet bénéfique pour la région, comme un lac artificiel ou un terrain de sport. Le jurd de Akoura, c’est 1,5 million de mètres carrés. Croyez-vous que nous comptons transformer tout cela en carrières ? Ce sera un projet limité qui n’aura aucun impact sur la nature ou la population. »
Si le projet en question n’est pas une carrière, quel permis cherchera à décrocher la municipalité ? M. Wehbé parle d’un permis qui passera par les ministères de l’Environnement, de l’Intérieur et des Travaux. Comme les permis sollicités pour les carrières en somme… Et il assure, en réponse à une question de L’OLJ, qu’il n’y a encore aucun accord signé avec Moawad-Eddé, les promoteurs qui réalisent le barrage de Balaa.


« Quoi qu’il nous en coûte ! »
Un jeune militant de Akoura, qui a tenu à conserver l’anonymat, donne une tout autre version de ce qui s’est passé durant cette réunion du conseil municipal, hier. Selon lui, la campagne médiatique a forcé le président du conseil municipal à changer de discours, et à « prétendre que l’objectif premier n’était pas Aïn el-Debb, et qu’il recherche d’autres terrains propices, ce qui n’est absolument pas le cas, selon nos informations ».
« De quoi parle le président du conseil municipal quand il évoque une extraction superficielle de rochers ? se demande-t-il. N’est-ce pas ainsi que commencent toutes les carrières ? Et qui veut-il duper en parlant de lacs artificiels et de terrains de sport ? Les lacs artificiels n’ont aucune utilité à cette altitude, et personne n’a jamais vu de terrain de sport à 1 700 mètres ! »
Selon ce militant, n’était-ce le bruit autour du projet, celui-ci serait passé comme une lettre à la poste. « Nous sommes des habitants de cette terre, bien ancrés dans notre région, affirme-t-il. Aucun habitant du village n’acceptera qu’un seul rocher soit extrait du jurd de Akoura, l’une des seules régions du Liban à ne pas encore être affectée par les carrières. »
Il réfute catégoriquement toute accusation de procès d’intention et de politisation de l’affaire et assure que, contrairement à ce que semble penser M. Wehbé, les détracteurs du projet sont très nombreux dans le village. « Nous lancerons bientôt une pétition, dont le texte est actuellement peaufiné par des juristes, dit-il. Notre seul objectif est de préserver l’environnement de notre localité et de garder le jurd intouché. Nous ne permettrons aucune extraction de rochers, quoi qu’il nous en coûte ! »

Les défenseurs du jurd de Akoura restent donc sur le qui-vive, ainsi que les environnementalistes. L’association Terre-Liban s’est étonnée hier « du choix du site de Aïn el-Debb dans le jurd de Akoura, où se trouvent nombre de genévriers uniques et protégés par la loi de protection des forêts, pour en faire une carrière qui vise à assurer un million de mètres cubes de roches afin de construire le barrage de Balaa à Batroun ». Carte à l’appui, l’association explique qu’il s’agit « d’un vrai réservoir naturel d’eau souterraine alimentant une source du même nom » et de nombreuses autres sources. « Ces sources sont menacées d’assèchement si les agressions se poursuivent », poursuit le communiqué de Terre-Liban, qui appelle « le conseil municipal à rejeter ce projet ».


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Que s’est-il passé à la municipalité de Akoura, dans les hauteurs du caza de Jbeil, suite à la campagne médiatique contre un projet de carrière dans le magnifique jurd naturel de la localité – révélé notamment dans nos colonnes dans l’objectif de servir aux travaux du barrage de Balaa (Batroun) ? Comme prévu, une réunion a été tenue par le conseil municipal hier pour discuter...

commentaires (5)

Pays super tribal , on dirait qu 'on vit toujours en 1920 .

Antoine Sabbagha

19 h 54, le 08 juin 2018

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Commentaires (5)

  • Pays super tribal , on dirait qu 'on vit toujours en 1920 .

    Antoine Sabbagha

    19 h 54, le 08 juin 2018

  • Comme on écrivait "toute terre couverte de genévriers ... est de facto protégée". Je ne savais pas qu'il y avait des genévriers; je sais qu'il y a encore quelques cèdres ( mais vraiment très peu ). Il s'agit du "Juniperus phoenicea" ou Genévrier de Lycie ou Genévrier rouge, sa longévité est supérieure à 500 ans ...

    Stes David

    17 h 44, le 08 juin 2018

  • La vue de la photo ci-dessus a remué mon coeur et m'a incité à raconter cette mini-histoire. En 1985, au cours d'une visite guidée aux îles Lavezzi au sud de la Corse, en marchant entre les rochers, j'aperçois une herbe qui ne pousse qu'au bord de la mer et qui ressemble à une herbe que l'on cueillait en famille au bas des rochers de la chapelle Mar-Zakhia à Fidar en 1939-40. Herbe au goût citronné-salé. Je me penche pour cueillir une feuille pour la goûter. Aussitôt, le guide m'interpelle : "Interdit. On ne touche à rien même pas à une graine de sable." Cela m'avait vexé, si ce guide savait que dans mon pays, il n'y a plus ni sable, ni galets, ni rochers, ni littoral vierge, ni herbe citronné-salé à Fidar.

    Un Libanais

    17 h 24, le 08 juin 2018

  • POUR LES CARRIERES IL FAUT CHOISIR DES PLACES OU CA N,AFFECTERAIT PAS LA BEAUTE NATURELLE DES LIEUX ET PROVOQUERAIT L,OEIL QUI LES CONTEMPLE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 23, le 08 juin 2018

  • Extraire des pierres et les vendre, bien sûr, est très différent d'exploiter une carrière! C'est comme le père de Mr Jourdain qui n'était pas marchand de drap: il se contentait de donner à ses amis du drap contre de l'argent!

    Yves Prevost

    07 h 18, le 08 juin 2018

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