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Liban - Naturalisations

Naturalisations : Les Libanaises mariées à des étrangers dénoncent une « trahison »

« La transmission de la nationalité est notre droit », insistent les femmes. La campagne « Ma nationalité, un droit pour ma famille et pour moi » affirme ne pas baisser les bras.

Logo de la campagne « Ma nationalité, un droit pour ma famille et pour moi ». Photo tirée de la page Facebook de la campagne

« Je me sens trahie par le chef de l’État qui a accordé la nationalité libanaise à des étrangers qui possèdent déjà une autre nationalité, alors que nous, mères libanaises, qui sommes nées et avons grandi au Liban, sommes incapables de transmettre la nationalité à nos enfants. » 

May Elian est indignée. Depuis que le scandale du décret de naturalisation de plus de 300 personnes, dont la majorité sont syriennes ou palestiniennes, a éclaté jeudi dernier, elle a du mal à contenir sa colère. Mariée depuis seize ans à un Égyptien et mère de deux filles âgées de 13 et de 10 ans, cette femme « ne nie pas le droit des personnes étrangères qui ont vraiment servi le Liban et méritent la nationalité à l’avoir, mais c’est mon droit aussi en tant que Libanaise de pouvoir la transmettre à mes enfants ». « Il est temps qu’on nous accorde ce droit », poursuit-elle. 

« Pourquoi l’homme peut-il transmettre la nationalité à son épouse au bout d’un an de mariage, même si elle est palestinienne ou syrienne, alors que je ne peux pas le faire ? L’implantation se fait uniquement par le biais des femmes ? » s’interroge May Elian. Et de noter : « Je suis rentrée au pays parce que je voulais que mes filles apprennent le libanais et qu’elles soient proches de leur famille maternelle. J’attends qu’elles terminent l’école pour partir de nouveau. » 


(Lire aussi : Décret de naturalisation : face au tollé, Aoun demande à Ibrahim une enquête sur les noms)


L’humiliation
La colère est également palpable chez C., mariée à un Français et mère d’une fille de 7 ans et d’un garçon de 4 ans. « Je suis révoltée, confie-t-elle. C’est injuste. Je suis née au Liban. Mes enfants y habitent et y vont à l’école. Ils parlent aussi la langue. J’ai un parent qui est marié à une Roumaine. Elle a obtenu la nationalité au bout d’un an. Son fils, qui ne parle pas un mot de libanais, l’a aussi. Et tous les deux ne vivent pas au Liban, alors que mes enfants ne sont pas reconnus par l’État. Personnellement, je figure toujours sur l’extrait d’état civil familial de mes parents. Le seul document officiel libanais qui prouve que j’ai des enfants, c’est le certificat de naissance délivré par l’hôpital. Comment l’expliquer à mes enfants ? » 

Le périple de C. à la Sûreté générale ne diffère pas des autres femmes mariées à des étrangers. Elle doit obtenir un permis de séjour pour ses enfants qu’elle renouvelle tous les trois ans, « mais parfois même au bout d’un an, parce que le passeport français des enfants est valable pour cinq ans ». « Comme je ne peux pas le renouveler avant qu’il n’expire, le permis de séjour leur est délivré pour un an seulement, explique-t-elle. Donc il reste une année durant laquelle les enfants n’ont pas de permis de séjour. Lorsque j’ai demandé pourquoi on ne leur donnait pas le permis de séjour jusqu’à la date d’expiration du passeport, on m’a répondu que mes enfants n’avaient pas encore 13 ans et qu’ils n’ont pas besoin de toutes ces formalités. » 

Il s’en est avéré autrement. « Tous les ans, nous voyageons en France pour visiter la famille de mon mari. En rentrant de l’un de nos voyages, la SG ne voulait pas laisser ma fille entrer dans le pays, parce qu’elle n’avait pas de permis de séjour. Son passeport allait expirer dans quelques mois. Finalement, au terme de négociations, on lui a accordé à l’aéroport un mois de séjour. À chaque voyage, c’est une pure humiliation. » 

C., qui a dans sa famille une proche mariée à un Néerlandais, raconte que la fille de ce couple a obtenu son diplôme d’ingénieur mais n’a pas pu s’inscrire à l’ordre, « parce qu’elle n’est pas libanaise ». « En gros, ils nous incitent à partir, avance-t-elle. Ils ne veulent pas de nous. Ils nous remplacent, nous les Libanaises, par des Syriens et des Palestiniens friqués. » 


(Lire aussi : Aoun : Ceux qui ont des preuves d’attributions non méritées de la nationalité libanaise doivent les présenter)



Abus de prérogatives
Pourtant, la Constitution consacre dans son préambule « l’égalité dans les droits et les obligations entre tous les citoyens, sans distinction ni préférence ». Un droit qu’ont réclamé plusieurs candidats aux dernières législatives, comme Fouad Makhzoumi, qui a d’ailleurs, dans le cadre de la controverse créée par ce décret, réitéré sa position en faveur de ce droit, appelant à œuvrer dans ce sens au sein du Parlement. Idem pour Paula Yaacoubian, qui a estimé dans une interview accordée à la Voix du Liban 93.3 que « les enfants d’une mère libanaise ont plus de droit à la nationalité que quiconque ».

« Lors de ces dernières législatives, la question de la transmission de la nationalité par la femme est devenue une cause politique, ce qui est positif », constate Lina Abou Habib, directrice exécutive de l’ONG Women’s Learning Partnership, qui milite pour les droits de la femme. 

Commentant ce décret, elle relève deux contradictions. « D’une part, le Conseil national de la femme libanaise, présidé par Claudine Aoun, se prononce en faveur de la transmission de la nationalité, sans exception, mais avec des garde-fous, alors que le ministre des Affaires étrangères, Gebran Bassil, se dit contre ce droit au cas où la femme est mariée à un Palestinien ou un Syrien. Nous ne comprenons pas ces deux positions divergentes issues d’un même milieu politique », explique-t-elle.

Lina Abou Habib souligne que « ce décret est une réplique de ce qui s’est passé lors du mandat de l’ancien chef de l’État, Michel Sleiman ». « Nous constatons un double discours, avance-t-elle. Sur le plan confessionnel, on n’a plus de problème concernant le nombre des musulmans englobés par le décret. Concernant les hommes de nationalité syrienne et palestinienne, il semble qu’on a dépassé ce problème. Ce décret est une atteinte à la crédibilité et au sérieux de l’État. » 

Le plus choquant reste cependant, selon Lina Abou Habib, les réactions et les explications avancées dans les milieux du Courant patriotique libre et de ses alliés qui « défendent » cette démarche et qui disent qu’il s’agit d’une « prérogative » du président de la République. « Il est très facile d’abuser de ses prérogatives, insiste Lina Abou Habib. Or ce qui est important, c’est d’assumer ses responsabilités vis-à-vis des citoyennes. Après tout, n’est-il pas le père de la nation ? » 

La militante pour les droits de la femme réitère : « Il y a eu un abus des prérogatives et une ignorance totale des droits de la citoyenne libanaise. De plus, nous ne savons pas quels sont les critères adoptés pour octroyer à ces personnes la nationalité libanaise, sans oublier le manque de transparence. Il y a une ignorance totale du concept de la démocratie qui sous-entend, entre autres, la transparence. » 

Même son de cloche chez Karima Chebbo, coordinatrice de la campagne « Ma nationalité, un droit pour ma famille et pour moi », qui dénonce « des marchés sous la table ». « Le scandale de ce décret a éclaté au grand jour, mais qu’est-ce qui nous garantit, en tant que citoyennes libanaises, que d’autres décrets de naturalisation n’ont pas été signés en catimini », se demande-t-elle. Et de marteler : « Notre nationalité n’est pas à vendre ni ne fait l’objet de compromis ! Il ne manquait plus que de réclamer l’égalité entre la femme, l’homme et les naturalisés, qui ont désormais plus de droits que la citoyenne libanaise ! » 

Constatant qu’en signant ce décret les responsables ont ouvert une voie qui n’est pas en leur faveur, Karima Chebbo affirme que la campagne « Ma nationalité, un droit pour ma famille et pour moi » ne baissera pas les bras, « tant que le droit de la femme à transmettre sa nationalité lui est arraché et qu’il fait l’objet de compromis ».




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commentaires (6)

halte la ! cessons de nous accuser l'un l'autre ( accuser les uns et les autres hommes politiques) , reflechissons un peu svp. voyons voir d'abord SI nous pouvons definir NOTRE CITOYENNETE et NOTRE NATION ! non, NS NE LE POUVONS PAS , PAS ENCORE. ALORS, en attendant que nous y parvenions, annulons et gelons ts decrets et autres lois y relatifs .

Gaby SIOUFI

12 h 41, le 05 juin 2018

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Commentaires (6)

  • halte la ! cessons de nous accuser l'un l'autre ( accuser les uns et les autres hommes politiques) , reflechissons un peu svp. voyons voir d'abord SI nous pouvons definir NOTRE CITOYENNETE et NOTRE NATION ! non, NS NE LE POUVONS PAS , PAS ENCORE. ALORS, en attendant que nous y parvenions, annulons et gelons ts decrets et autres lois y relatifs .

    Gaby SIOUFI

    12 h 41, le 05 juin 2018

  • La nationalité est le droit pour les femmes libanaises , ni plus ni moins .

    Antoine Sabbagha

    20 h 22, le 04 juin 2018

  • Je pense qu'il y a un quota , tant de chrétiens , musulmans ( sunnites et chiite ) c'est une salade russe

    Eleni Caridopoulou

    11 h 49, le 04 juin 2018

  • et des Français maris de Libanaise n'ont pas non plus de considération ?En fait on préfère des gens au passé douteux qui ont détruit le Liban que des français issus d'un pays qui apporte aides et soutien ???

    yves kerlidou

    09 h 30, le 04 juin 2018

  • Un combat juste qui ne devrait même pas avoir lieu, au vu de sa justesse.

    Sarkis Serge Tateossian

    08 h 10, le 04 juin 2018

  • SI ON NATURALISE FUT-CE UN SYRIEN OU PALESTINIEN AVANT LES ENFANTS DES MERES LIBANAISES CE SERAIT UNE VENTE LOUCHE ET UNE TRAITRISE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 38, le 04 juin 2018

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