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Liban - Parlement

Formation du gouvernement Hariri : Hausse des enchères... mais pas de blocage en vue

Le bras de fer FL-CPL pourrait aboutir à donner quatre portefeuilles aux FL en contrepartie d’une part globale de neuf au chef de l’État et au CPL.

Le sourire optimiste du Premier ministre désigné à sa sortie du Parlement, hier, en compagnie de Hani Hammoud et Ghattas Khoury. Mohammad Azakir/Reuters

Les consultations parlementaires non contraignantes menées hier par le Premier ministre désigné Saad Hariri au Parlement ont eu pour spécificité, outre leur rapidité, de démontrer l’usage sélectif de la notion d’opposition, encore qu’elle n’ait pas été neutralisée par l’usage abusif de la notion de consensus, qui se poursuit sous le label « d’unité nationale » accolé au gouvernement en gestation. Le premier à avoir invoqué la nécessité démocratique d’avoir une opposition est le vice-président de la Chambre, Élie Ferzli, qui est revenu à la charge hier à l’issue de son entretien avec M. Hariri. S’il l’a fait, c’est pour soutenir implicitement la tendance du président de la République, Michel Aoun, et du bloc du Courant patriotique libre (CPL) de limiter au minimum le nombre de portefeuilles réservé aux Forces libanaises (FL).

Le ratio de Aoun
Sans qu’il n’y ait forcément de volonté de « mettre à l’écart » ce parti, comme il l’a dit, sa position laisse entendre que si les FL s’estiment lésées par leur part au gouvernement, elles pourront toujours se rallier à l’opposition, sans que ceci ne pose de problème de conscience au régime. Le minimum de départ est de trois portefeuilles aux FL, selon des sources parlementaires concordantes. Un chiffre que retient un député du CPL pour expliquer à L’Orient-Le Jour que son bloc (28 députés) devrait avoir le double des portefeuilles du bloc des FL (15 députés) : si c’est trois pour le second, ce sera donc six pour le premier. Cette source confirme en outre que la part réservée au président de la République serait de cinq portefeuilles, ce qui accorde en somme onze portefeuilles au camp aouniste contre trois aux FL, à prendre ou à laisser.
C’est pourquoi la position commune des députés du CPL hier a consisté en un déni de la polémique avec les FL : « Les modalités de leur participation au cabinet sont du ressort du Premier ministre », a affirmé Alain Aoun à L’OLJ.
En effet, selon nos informations, le chef de l’État aurait fixé un ratio de départ qui consiste à compter un portefeuille par cinq parlementaires : le nombre de députés divisé par cinq donne un nombre de 25, soit le nombre de portefeuilles réservés aux blocs parlementaires, les décimales étant comptabilisées dans la part du président Aoun.

Les Kataëb
Concrètement, cette part inclurait les groupes parlementaires qui comptent moins de quatre membres, avec toutefois une exception faite aux Kataëb. Bien que leur groupe soit restreint à trois députés, un portefeuille leur aurait été promis comme gage de « bonne volonté » de la part du régime, si bien sûr ils le souhaitent, selon une source du bloc du CPL. Le groupe parlementaire des Kataëb emmené par le député Samy Gemayel n’a toutefois pas évoqué la question du portefeuille avec le Premier ministre, selon nos informations.
Il va sans dire que le critère adopté par le chef de l’État ne correspond pas aux aspirations des FL, puisqu’il ne prend pas en compte l’évolution numérique de leur bloc.


(Repère : Qui convoite quel ministère : le point sur la formation du gouvernement Hariri )


« Nul n’a intérêt à écarter les FL »
Sans en référer au Premier ministre – qui semble pour l’instant au stade de l’écoute passive, à en croire ses visiteurs – les députés FL ont multiplié les références au « peuple », qui serait leur soutien : c’est par rapport aux votes obtenus, notamment préférentiels, que se mesure leur représentation au sein du gouvernement. Le député Georges Adwan, qui se prononçait au nom du groupe FL à l’issue d’un entretien avec Saad Hariri, a repris l’analogie du leader des FL, Samir Geagea, entre le duopole chiite Amal-Hezbollah et le duopole chrétien souhaité CPL-FL. « Les législatives ont produit deux blocs représentatifs des chrétiens : les FL et le CPL. Par conséquent, les deux groupes doivent avoir une représentation égale au sein du cabinet, à l’instar d’autres forces, comme le Hezbollah et Amal pour la communauté chiite », a déclaré M. Adwan.

Quatre portefeuilles pour Meerab ?
Et d’ajouter : « C’est ce critère que doit aussi prendre en compte le Premier ministre désigné Saad Hariri en sa qualité de représentant réel de la communauté sunnite. » Une manière de signaler à à ce dernier que les tentatives de députés sunnites du 8 Mars de lui ôter une part de ses portefeuilles ressemblent aux tentatives des députés du CPL de circonscrire la représentation des FL. Encore faut-il que M. Hariri assimile le CPL au 8 Mars, si les FL souhaitent qu’il soit plus réceptif à leur demande.
M. Adwan s’est vu contraint d’ailleurs d’invoquer l’accord de Meerab, en vertu duquel les FL avaient appuyé la candidature de Michel Aoun à la présidence de la République : « Nous sommes inclus dans la part du chef de l’État, au vu du rôle que nous avons joué pour son accession à Baabda », a-t-il dit, en réponse à une question sur la part réservée à M. Aoun, qui réduit d’entrée les parts laissées aux autres blocs. Et de conclure sur un dernier argument – sans doute le plus porteur : « Nul n’a intérêt à former un gouvernement qui exclut une force principale et pesante. Qui plus est, s’agissant des FL, refuser leur représentation, c’est refuser la souveraineté et la lutte contre la corruption (les deux rouages de la campagne électorale des FL, NDLR). »
Il s’avère que le régime préfère effectivement avoir les FL près de lui plutôt que dans l’opposition. Selon nos informations, les chiffres qui circulaient hier à l’hémicycle ont été avancés comme base de négociations. Celles-ci pourraient aboutir à donner quatre portefeuilles aux FL, et à revoir à la baisse la part commune du président de la République et du CPL, qui pourrait passer de onze à neuf.


(Lire aussi : Trois nœuds pour la formation du gouvernement, mais des tractations rapides, le décryptage de Scarlett HADDAD)


Deux portefeuilles pour les Marada ? 
Pour leur part, les Marada auraient des chances d’obtenir les deux portefeuilles que leur groupe parlementaire a demandés hier : le premier au parti stricto sensu, le second à un député membre du groupe, qui pourrait être Fayçal Karamé, député sunnite de Tripoli.
Des dix députés sunnites qui ne font pas partie du groupe parlementaire du Futur – et dont les profils s’inscrivent dans la mouvance du 8 Mars – certains ont choisi de rester indépendants, comme Abdel Rahim Mrad, Fouad Makhzoumi, Oussama Saad (qui n’a pas appuyé la désignation de Saad Hariri) et Adnane Traboulsi. D’autres ont fait le choix d’intégrer des blocs réduits (Nagib Mikati s’est rallié trois députés du Nord, Fayçal Karamé et Jihad el-Samad (qui n’a pas appuyé M. Hariri). De ceux qui ont appuyé M. Hariri, la plupart convoitent un portefeuille ministériel, au nom de « la spécificité sunnite » qu’ils représentent en dehors du courant du Futur, pour reprendre par exemple les termes de M. Karamé à L’OLJ. Et cela, quand bien même ils n’auraient pas formé un seul groupe à même de légitimer cette « spécificité ».
Leurs convoitises serait à situer dans le cadre des pressions exercées par le 8 Mars – précisément ses figures prosyriennes – contre Saad Hariri. L’entretien avec le Premier ministre qu’a choisi d’effectuer Jamil Sayyed à titre individuel plutôt que dans le cadre du groupe parlementaire du Hezbollah est significatif du fait que M. Hariri ne saurait plus ignorer la présence de ces figures. C’est d’ailleurs une entrée fracassante en scène qu’a effectuée l’ancien directeur de la Sûreté générale en prônant, sans le citer, la « peine capitale par balles » contre l’ancien ministre et patron des Forces de sécurité intérieure, Achraf Rifi.


(Lire aussi : Litige FL-CPL : entre « isolement » et guerre des portefeuilles)


La réponse de Joumblatt à Aoun
Quant à la part du président de la République devant inclure des portefeuilles non chrétiens, elle semble devoir servir d’issue de secours éventuelle pour certains, ou de prétexte à imposer d’autres, lorsque les critères de représentativité manquent, comme pour le député druze Talal Arslane que Michel Aoun tient à nommer ministre.
Doté d’un « sous-groupe » que lui a créé le « Liban fort » avec trois députés chrétiens du CPL (César Abi Khalil, Farid Boustany et Mario Aoun), M. Arslane tire désormais sa légitimité du chef de l’État, alors qu’il le faisait de son partenariat tacite avec Walid Joumblatt, dicté par un souci de cohésion au sein de la communauté druze. En réaction aux « pressions de Michel Aoun sur le Parti socialiste progressiste, par l’intermédiaire de M. Arslane », le groupe parlementaire du PSP, le Rassemblement démocratique, emmené par Teymour Joumblatt, s’est basé sur les résultats des législatives pour demander au Premier ministre l’intégralité des trois portefeuilles druzes. En s’abstenant de se limiter à deux ministères et de réserver le troisième à M. Arslane, comme il l’avait fait pour le cabinet sortant, le groupe joumblattiste a rendu la nomination de M. Arslane impossible sans passer par le chef du PSP, c’est-à-dire sans un compromis entre le chef du PSP et le chef de l’État qui pourrait prendre la forme d’un troc (un portefeuille « druze » contre un portefeuille « chrétien »).

Formule de 32
La part du président de la République pourrait aussi inclure un ministre alaouite, le bloc du CPL comptant dans ses rangs le député alaouite de Akkar, Moustapha Hussein. C’est d’ailleurs pour une représentation des minorités au sein du cabinet qu’a plaidé le député Gebran Bassil, au nom de son bloc. Un cabinet de 32 serait donc plausible, le groupe du CPL ayant exprimé le souhait de réserver deux sièges supplémentaires respectifs aux minorités musulmanes (alaouite) et chrétiennes (syriaque). La formule de 32 a été défendue par les trois députés du Tachnag, en ce qu’elle permet de gonfler à deux la part des Arméniens, en gardant toutefois à un seul portefeuille la part du Tachnag.

Michel Moawad
Toujours au sein du groupe du CPL, le seul indépendant de ce bloc à se rendre individuellement au Parlement a été Michel Moawad, en sa qualité d’indépendant et chef de parti (Mouvement de l’Indépendance) plébiscité par Zghorta. Il entendrait examiner avec le groupe parlementaire de Gebran Bassil la possibilité que son parti obtienne un portefeuille. On notera enfin que le bloc du Hezbollah a demandé trois portefeuilles, sans exigence de contenu, selon une source de ce groupe. Il semble que la velléité, exprimée par le secrétaire général du parti chiite, de mettre sur pied un ministère de la Planification ne s’applique pas au nouveau gouvernement.



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Les doléances des différentes parties ne devraient pas retarder la formation du gouvernement

Les consultations parlementaires non contraignantes menées hier par le Premier ministre désigné Saad Hariri au Parlement ont eu pour spécificité, outre leur rapidité, de démontrer l’usage sélectif de la notion d’opposition, encore qu’elle n’ait pas été neutralisée par l’usage abusif de la notion de consensus, qui se poursuit sous le label « d’unité nationale »...

commentaires (6)

Quelle tour de Babel!!mama mia..

Eleni Caridopoulou

00 h 56, le 30 mai 2018

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Commentaires (6)

  • Quelle tour de Babel!!mama mia..

    Eleni Caridopoulou

    00 h 56, le 30 mai 2018

  • C,EST LE TEMPS DU PARTAGE DU GATEAU !

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    12 h 41, le 29 mai 2018

  • - On peut répéter un mensonge mille fois, il restera un mensonge. Le bloc CPL est 19 députés, celui des FL est 16 députés, tout autre chiffre est un mensonge de premier avril. - Une part (hossa) pour le chef de l'Etat ? Dans quel pays du monde cela existe ? Peut-être au Vénézuéla de Nicolas Maduro, ex-chauffeur de bus. Cela n'a aucune raison d'être au Liban. - Le pro-syrien Elie Ferzli, sa mission au sein du CPL est de réduire au minimum la part des FL et des Kataeb au lieu d'oeuvrer pour le retour rapide des déplacés syriens chez eux en Syrie. - L'atmosphère des marchandages me rappelle, le souk des fruits et légumes qui était à proximité de la rue de L'Uruguay aux cris "sabii el-boubbou ya khyar" (concombres comme les doigts du bébé). - Aucun mot sur l'arsenal du Hezbollah qui a renoncé à combattre Israel.

    Un Libanais

    12 h 08, le 29 mai 2018

  • 32 ministres et plus une vraie misère pour un pays en faillite . Triste .

    Antoine Sabbagha

    11 h 23, le 29 mai 2018

  • “Nous avons besoin d’hommes qui sachent rêver à des choses inédites.” de John Fitzgerald Kennedy Extrait de Dublin - 28 Juin 1963

    FAKHOURI

    11 h 06, le 29 mai 2018

  • 30 ministères pour le Liban me paraît juste. 2 autres encore Pour faire représenter des minorités alaouites et syriaques, pourquoi pas et ce sera pour la bonne cause. Mais alors on oublie aussi les kurdes comme minorité. Pourquoi pas un chiffre symbolique de 33 ? Enfin le plus important ce n'est pas le nombre des ministères mais leur efficacité et leur service rendu à la patrie. Un peu d'audace....

    Sarkis Serge Tateossian

    09 h 49, le 29 mai 2018

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