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Liban - Décryptage

Pour le courant du Futur, une restructuration...et des changements

De toutes les formations politiques libanaises, le courant du Futur est actuellement celui qui connaît le plus de remous internes. Officiellement, ce serait dû au revers qu’il aurait subi dans le cadre des élections législatives du 6 mai et qui aurait exigé une opération de restructuration sur la base de l’application du principe de la reddition de comptes des responsables des résultats.

Il s’agit donc d’une démarche tout à fait louable qui devrait être généralisée à toutes les formations, et même à tout l’appareil de l’État. Mais concernant le courant du Futur, les choses ne sont pas toujours aussi claires. D’abord, l’estimation des résultats enregistrés par cette formation est relative. Il faut préciser à cet égard que bien avant la tenue des élections et lors de l’adoption de la nouvelle loi basée sur une forme de scrutin proportionnel, tous les analystes et autres instituts de sondage avaient estimé que le courant haririen ne pourrait en aucune manière conserver un groupe parlementaire de 35 membres, comme cela avait été le cas dans le Parlement de 2009. Ce bloc était gonflé à la fois grâce à l’ancienne loi basée sur le scrutin majoritaire et sur les découpages des circonscriptions, qui permettaient à des voix musulmanes d’élire des députés chrétiens, et grâce au vaste réseau d’alliances du courant du Futur. Ce n’était donc un secret pour personne que le courant du Futur aurait, à la suite des élections du 6 mai, un groupe plus réduit. De fait, il a désormais un bloc de 20 ou 21 membres (les groupes parlementaires ne sont pas encore définitivement établis), parmi lesquels il dispose de 16 sièges sunnites (sur 27). On est donc loin de la cuisante défaite annoncée et développée par certains médias, surtout arabes. Le courant du Futur a donc certes un bloc parlementaire plus modeste, mais il reste le second en termes de nombre de membres (après celui du Liban fort qui compte jusqu’à nouvel ordre 29 députés), et surtout, il reste, et de loin, le premier représentant de la communauté sunnite au Parlement. Par conséquent, le terme de défaite paraît excessif pour ne pas dire inapproprié. Il serait plus juste de parler de recul, d’autant qu’au final, le courant du Futur s’est maintenu dans les circonscriptions où on le disait perdant, notamment à Tripoli, au Akkar et dans la seconde circonscription de Beyrouth.

Dans ce cas, pourquoi procéder à une opération de restructuration du courant, avec des limogeages spectaculaires ? Selon une source proche du Futur, le Premier ministre songeait depuis quelque temps déjà à effectuer des changements au sein de sa formation, mais il guettait le moment propice pour cela. De plus, en contact direct avec les électeurs dans le cadre de sa campagne électorale, Saad Hariri a constaté de nombreuses lacunes dans la machine électorale du parti. D’une part, de nombreux électeurs lui ont confié qu’ils formulaient des demandes qui n’étaient jamais prises en compte, et d’autre part, de nombreuses plaintes lui sont parvenues le jour des élections sur l’absence de délégués de la part du Futur dans les bureaux de vote, ainsi que sur une désorganisation totale de la machine électorale sur le plan du transport des électeurs et de toute la logistique électorale traditionnelle. Sans parler des estimations vagues et non vérifiées sur un apport de voix qui n’est jamais arrivé, notamment dans certaines localités de la circonscription de la Békaa-Ouest, qui ont abouti par exemple à l’échec du candidat Ziad Kadri, pourtant porté favori. Pour toutes ces raisons, et pour d’autres détails du même genre, Saad Hariri a estimé qu’il était urgent de prendre des mesures contre les responsables de ces lacunes et de ces failles. C’est donc ce qu’il a fait, dans un message fort qui consiste à dire qu’il reprend les rênes du courant qu’il préside, après une période de laisser-aller due d’une part à sa longue présence hors du pays, et ensuite aux nombreux dossiers qu’il avait à gérer dans le cadre de la présidence du Conseil.

Toujours selon la source proche du courant du Futur, la démission de son chef de cabinet Nader Hariri n’entre pas toutefois dans ce cadre, même s’il a voulu l’englober dans les nouvelles mesures pour la faire passer plus discrètement.

Selon cette source, Nader Hariri a un rôle beaucoup trop important auprès de Saad Hariri pour que son départ fasse partie d’une simple restructuration interne. De plus, il n’a jamais eu un rôle dans l’organisation de la machine électorale du courant du Futur, étant simplement intervenu dans la conclusion des alliances et, dans certains cas, dans le choix des candidatures. Toujours selon la source précitée, la démission de Nader Hariri s’inscrit dans le cadre d’un conseil saoudien adressé au Premier ministre, car les autorités de Riyad sont convaincues que Nader Hariri a joué un rôle négatif lors de la crise dite de la démission. Il fallait simplement trouver un scénario acceptable pour l’annoncer. C’est ce qui aurait été fait dans la foulée des changements internes postélectoraux. La même idée est reprise pour la nouvelle annonce de Saad Hariri sur sa volonté de renoncer à nommer des ministres dans le prochain gouvernement qui seraient aussi des députés. Cette règle du non-cumul des mandats qu’il compte adopter ne s’applique pas à lui, car le poste de Premier ministre reste hautement symbolique, mais elle concerne le ministre de l’Intérieur Nouhad Machnouk, qui ne serait pas non plus dans les bonnes grâces saoudiennes. Là aussi, le scénario adopté ménage les susceptibilités.

Selon la source proche du courant du Futur, Saad Hariri serait donc en train de restructurer son courant tout en faisant passer dans la foulée des concessions politiques. Jusqu’où ira-t-il dans ce domaine ? La source précitée affirme qu’il a déjà rétabli les relations avec les Forces libanaises, mais il ne peut pas refuser la participation du Hezbollah au prochain gouvernement, puisqu’il a une légitimité populaire incontestable. La période postélectorale s’annonce donc compliquée pour le Liban... et pour le courant du Futur en particulier.

De toutes les formations politiques libanaises, le courant du Futur est actuellement celui qui connaît le plus de remous internes. Officiellement, ce serait dû au revers qu’il aurait subi dans le cadre des élections législatives du 6 mai et qui aurait exigé une opération de restructuration sur la base de l’application du principe de la reddition de comptes des responsables des...

commentaires (4)

Manifestement on s'attend à de la pluie...d'où viendra-t-elle ? Irène Saïd

Irene Said

21 h 19, le 24 mai 2018

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Commentaires (4)

  • Manifestement on s'attend à de la pluie...d'où viendra-t-elle ? Irène Saïd

    Irene Said

    21 h 19, le 24 mai 2018

  • Saad n'est plus seul à bord, il est obligé de tenir compte des forces nouvelles du pays , dans le fond c'est pas plus mal que ça, au moins on pourra dire que les libanais toutes confessions confondues avancent la main dans la main , sous couverture d'une ombrelle résistante. Telle est le nouveauté qu'il faudra ingérer.

    FRIK-A-FRAK

    19 h 23, le 24 mai 2018

  • Très vrai! Hariri a surtout constaté qu'il a fait fausse route dans sa façon de gérer sa politique a cause justement de ceux qui l'ont poussé dans les bras du Hezbollah et de Aoun. A présent, il doit faire avec puisque le "14 Mars", ou ce qu'il en reste, n'a plus la majorité et il va lui falloir gérer ce gouvernement jusqu’à renverser la tendance dans 4 ans ou 5 ans. Les conditions géopolitiques qui s'annoncent sont graves et le Liban passeras surement par de graves moments. Trump ne rigole pas a l’égard de l'Iran et encore moins Poutine ou Israël... Les nuages de guerre qui s'amoncellent sont très sérieux et malheureusement en raison du Hezbollah et des pro-syriens nous sommes une fois de plus dans l’œil du cyclone.

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 56, le 24 mai 2018

  • OBJECTIVE L,ANALYSE DE LA TRES CHERE MADAME SCARLETT HADDAD ? JE DIRAIS A 90PCT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 49, le 24 mai 2018

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