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Moyen Orient et Monde - Entretien express

« À Gaza, il faut faire de la place pour la prochaine vague de blessés »

La répression israélienne des manifestations organisées le 14 mai dans la bande de Gaza, pour protester contre l’inauguration de l’ambassade américaine à Jérusalem le même jour, a coûté la vie à près de 60 Palestiniens et fait plus de 1 300 blessés. Mathilde Berthelot, responsable de la Palestine chez Médecins sans frontières, répond aux questions de « L’Orient-Le Jour » sur la gestion de ces événements par l’ONG.

Des chirurgiens de Médecins sans frontières opérant, le 15 mai 2018 à Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, un Palestinien blessé par balle à la jambe dans le cadre de la répression israélienne des manifestations palestiniennes contre l’inauguration, le 14 mai, de l’ambassade américaine à Jérusalem. Thomas Coex/AFP

Quels types de blessures ont subi les manifestants gazaouis ?
Les blessés que nous avons reçus l’ont été par des tirs à balles réelles. La plupart des blessures proviennent de tirs dans les membres inférieurs, comme les jambes, les genoux ou les chevilles. Ces tirs proviennent de fusils militaires employés par des tireurs de précision et des snipers. Il y a eu également des blessés au thorax et au niveau des organes vitaux. On peut dire que ce lundi a été un point culminant (depuis le début des manifestations palestiniennes, le 30 mars, dans le cadre de La grande marche du retour, NDLR) vu le nombre de morts et blessés graves.

Quelle est la situation dans les hôpitaux ?
Les témoignages de nos équipes sur place lundi à l’hôpital al-Aqsa (à Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, NDLR) sont désastreux. Les patients arrivaient toutes les deux minutes aux urgences. Des médecins les ont opérés dans les couloirs, parfois en installant deux tables d’opération dans le même bloc. Les hôpitaux étaient surchargés en quelques heures. Certains patients qui avaient besoin de soins moins urgents mais tout de même conséquents ont dû être renvoyés chez eux.

Comment Médecins sans frontières gère-t-il la situation sur place ?
MSF n’est pas sur la zone à proximité de la barrière de séparation entre Gaza et Israël, mais nous sommes dans les blocs opératoires et dans des cliniques de suivi postopératoire où on récupère les patients une fois qu’ils sont sortis de l’hôpital. Il existe également des postes médicaux avancés, qui permettent de traiter dans des tentes les victimes d’intoxication au gaz lacrymogène, entre autres.
Le problème à Gaza, c’est qu’il n’y a pas assez de place dans les hôpitaux. Chaque vendredi (depuis le début de la grande marche du retour, NDLR), des patients victimes de tirs arrivent et doivent être opérés. En France, une personne victime d’un tir de balle dans la jambe resterait plusieurs semaines à l’hôpital. À Gaza, il faut faire de la place pour la prochaine vague de blessés. C’est pourquoi le mercredi, de nombreux patients quittent les hôpitaux pour se faire soigner dans les cliniques MSF.

Pourquoi l’armée israélienne fait-elle usage d’armes lourdes contre ces manifestants ?
Quand bien même les manifestants auraient pu montrer des signes de violence, il n’y a eu aucun blessé du côté des soldats israéliens. Mais une règle a été donnée aux soldats, celle de tirer à balles réelles sur les personnes qui s’approchent trop près de la frontière, qu’elles soient armées ou non. Cette règle a été appliquée, ce qui est inexplicable et inacceptable.

Quel est, aujourd’hui, l’état d’esprit des Gazaouis que MSF a rencontrés ?
La population est très affectée par les événements de lundi dernier. On s’attendait tous à de grosses manifestations mardi pour le jour de commémoration de la Nakba, mais il y a eu très peu de mouvement. Les gens étaient occupés à enterrer leurs morts et sont sous le choc. Les Gazaouis ont le sentiment de n’avoir plus rien à perdre. Que ce soit la situation économique, le taux de chômage, le fait de ne pouvoir quitter Gaza… Cette situation d’enfermement et de restriction imposée par l’État israélien affecte les habitants. Psychologiquement, les gens sont majoritairement sans espoir. Quant à la suite des manifestations, il est difficile de prévoir ce qu’il va se passer au cours des prochains jours, il n’y a pas eu de mot d’ordre pour le moment.

Quels types de blessures ont subi les manifestants gazaouis ?Les blessés que nous avons reçus l’ont été par des tirs à balles réelles. La plupart des blessures proviennent de tirs dans les membres inférieurs, comme les jambes, les genoux ou les chevilles. Ces tirs proviennent de fusils militaires employés par des tireurs de précision et des snipers. Il y a eu également des blessés au...

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