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La complainte des urnes

Plus d’un enseignement peut être tiré du scrutin législatif de dimanche dernier, même si les changements de cap, repositionnements et autres cabrioles inhérentes à la politique politicienne interdisent toute conclusion hâtive.


Pour commencer, il faut bien constater que cette consultation populaire n’a guère suscité l’affluence aux urnes que l’on pouvait raisonnablement escompter après neuf longues années de sevrage électoral. Bourrée qu’elle est de contradictions – et venant s’ajouter à une bonne dose de désenchantement général frappant la classe politique –, la nouvelle loi électorale n’est certes pas pour peu dans ce manque évident d’enthousiasme, surtout évident dans la capitale. Entre autres pénalisés figure la société civile, qui n’envoie en effet qu’une seule représentante au Parlement.


S’il est vrai que l’institution du mode de scrutin à la proportionnelle n’a pas été d’un égal bénéfice pour tout le monde, cette innovation a autorisé des percées jadis impensables dans certaines circonscriptions, offrant au passage le singulier spectacle de députés élus à quelques dizaines de suffrages seulement. Au chapitre des pertes et profits, c’est avec prudence qu’il faut considérer les bruyants cocoricos poussés par certaines grandes formations libanaises. Les effectifs parlementaires dont se prévaut, par exemple, le Courant patriotique libre ne sont encore, en effet, qu’un assemblage hétéroclite d’alliances électorales parfois scabreuses, et donc sujet à changement.


En revanche, c’est en deuxième force chrétienne du pays que s’affirme le parti des Forces libanaises, qui réussit l’exploit de rafler un siège dans la circonscription de Baalbeck-Hermel. Et qui, voyant augmenter de moitié ses représentants, se hisse au rang des groupes de poids, sinon tout à fait des poids lourds : belle revanche en vérité, après toutes les déconvenues et frustrations endurées par les FL depuis leur fameux arrangement avec le CPL, qui pavait la voie à l’accession de Michel Aoun à la présidence de la République.


Ayant contracté un marché bien plus vaste, Saad Hariri est assuré de conserver son poste de Premier ministre, mais la formation du nouveau gouvernement s’annonce laborieuse. Bien que dessaisi d’un bon tiers de ses troupes et devant tenir compte de notables rivalités au sein de sa propre communauté, le chef du gouvernement Saad Hariri conserve sa stature de premier leader des sunnites à l’échelle nationale, ses poulains ayant affronté l’échéance électorale dans quasiment toutes les circonscriptions du pays.


C’est finalement sans grande surprise que seul le tandem chiite Hezbollah-Amal est en droit (?) de clamer victoire… à cette nuance près que ce ne sont pas, à vrai dire, des élections qu’il a remportées. En effet, le duo a seulement confirmé l’emprise musclée (abondamment armée, même) qu’il exerce sur la population chiite et qui ne souffre aucune sorte de contestation, comme l’ont illustré les anathèmes et agressions visant de courageux candidats indépendants. Dès lundi, le président de l’Assemblée invoquait fort inexactement l’accord de Taëf pour exiger l’attribution permanente, codifiée, institutionnalisée, du ministère des Finances à un chiite, revendication aussitôt infirmée par Saad Hariri. La riposte ne tardait pas à se manifester dans la rue, sous la forme d’escouades de motards arborant les fanions des deux partis et se livrant à des actes de vandalisme et de provocation sectaire en divers quartiers de Beyrouth. Ce genre de célébrations est devenu la marque de fabrique d’une milice acharnée à la conquête du pouvoir et qui, comme tous les fascismes, ne consent à user – et même abuser – des voies démocratiques qu’à titre accessoire, en complément du fait accompli et du chantage aux armes.


Alors c’est désormais Liban égale Hezbollah, comme le prétendait l’autre soir un ministre israélien ? Le suspect, le révoltant amalgame est dans la droite ligne d’un État raciste qui ne s’est jamais accommodé du modèle de diversité que s’obstine à vouloir être le Liban. Mais n’est-ce pas le cas aussi d’un Iran théocratique œuvrant ouvertement à remodeler à son goût notre pays ? La question revêt un surcroît d’acuité à l’heure où Donald Trump se retire de l’accord sur le nucléaire iranien et rétablit les sanctions frappant Téhéran, augurant ainsi d’un regain des tensions internationales et régionales.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Plus d’un enseignement peut être tiré du scrutin législatif de dimanche dernier, même si les changements de cap, repositionnements et autres cabrioles inhérentes à la politique politicienne interdisent toute conclusion hâtive. Pour commencer, il faut bien constater que cette consultation populaire n’a guère suscité l’affluence aux urnes que l’on pouvait raisonnablement escompter...