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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Élections en Irak : quel pouvoir de nuisance pour l’État islamique ?

L’EI a annoncé vouloir prendre pour cible tous ceux désirant participer aux législatives du 12 mai, électeurs et candidats confondus.

Des affiches de campagne de candidats irakiens à Bagdad, en Irak, le 14 avril 2018. Khalid al-Mousily/Reuters

La déclaration de la victoire contre l’État islamique, en décembre 2017, semble loin. Ces derniers mois, les forces de sécurité irakiennes et l’armée de l’air ont multiplié les opérations contre le groupe, pourtant officiellement annoncé défait. Hier encore, pour la seconde fois en deux semaines, l’aviation irakienne a annoncé avoir frappé des positions de l’EI près d’al-Douchaicha, dans la province de Hassaké dans le Nord-Est syrien, à la frontière avec l’Irak. Plusieurs commandants du groupe auraient été tués. Selon le général Mohammad al-Askari, conseiller au ministère de la Défense, de telles opérations, en Irak comme en Syrie, ne sont pas inhabituelles et devraient se poursuivre. En quelques mois, près de 20 000 membres présumés de l’EI auraient été arrêtés et 3 000 condamnés à mort.


Fortement affaibli, le groupe est pourtant loin d’être totalement éradiqué. Il a même annoncé, à travers son porte-parole Abou el-Hassan el-Mouhajer, vouloir prendre pour cible tous ceux désirant participer aux législatives du 12 mai, électeurs et candidats confondus, y compris sunnites. « Nous vous mettons en garde, sunnites d’Irak, contre ces gens [chiites] qui sont au pouvoir. Les bureaux de vote, et les personnes qui y sont, constituent une cible pour nous, alors éloignez-vous d’eux », a déclaré Abou el-Hassan el-Mouhajer, qui appelle les membres de l’EI à viser « chaque pilier de sécurité, militaire, économique, médiatique » du gouvernement irakien, « chaque chef tribal pourri et apostat », « chaque village combattant », ainsi que les clercs sunnites qui s’opposent au groupe et les enseignants. Le groupe a même publié une vidéo montrant l’exécution de deux hommes « prônant l’utilité d’un scrutin », ainsi qu’une infographie des centres de vote qu’il entend viser le jour du scrutin dans le numéro 130 de son bulletin d’informations al-Naba. De nombreux membres de l’EI ont été arrêtés à travers le pays, accusés de préparer des attentats prévus le 12 mai, mais visant également les forces de sécurité de manière générale.


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Regain d’attaques
Un regain d’opérations meurtrières a même pu être observé dans certaines parties du pays, ces derniers mois. Selon des données de BBC Monitoring (un organisme de la chaîne britannique BBC qui rédige des rapports sur les publications des médias du monde entier), l’EI a revendiqué un total de 134 attaques en mars, contre la moitié en février ainsi qu’en janvier. Parallèlement, ses messages appelant au jihad se sont multipliés. Mais peu d’informations concrètes semblent se dégager sur l’étendue réelle de sa présence en Irak. « La menace de l’EI en Irak est bien réelle. Au-delà des poches de présence, c’est surtout son maintien en clandestinité qui pose un risque sérieux et qui permet à l’organisation terroriste de frapper encore quasiment quotidiennement selon différents modes opératoires », confirme à L’Orient-Le Jour Julien Théron, enseignant à Sciences Po (Paris) et spécialiste des conflits au Moyen-Orient.



(Lire aussi : En Irak, le lanceur de chaussures contre Bush candidat aux élections)



Au-delà des seules cellules dormantes qui peuvent ressurgir à tout instant, le groupe compte également sur la peur et le mécontentement de la population, d’après le spécialiste. « En l’absence de territoires importants sous son contrôle, le groupe joue la disruption, en attendant de pouvoir récupérer le mécontentement sunnite, comme son prédécesseur, l’État islamique en Irak, l’a fait de 2008 à 2011 avant de réapparaître et de décupler sa puissance », avance-t-il. Il reste en outre quelque deux millions de déplacés dans le pays et il faudra probablement des années avant que soit complétée la reconstruction de certaines villes, comme Mossoul, malgré les promesses des dirigeants. Les tensions confessionnelles sont intactes.


(Lire aussi : Les déplacés irakiens, ces oubliés de la campagne électorale...)


Les Unités de mobilisation populaires (Hachd al-Chaabi, une coalition de milices à majorité chiite) sont les cibles de prédilection du groupe, qui multiplie les embuscades et attentats dans les zones où le Hachd est le plus présent. L’EI a clairement exprimé son désir de revenir sur le devant de la scène et pourrait profiter du contexte électoral pour ce faire.
Son pouvoir de nuisance, même moindre que par le passé, reste sérieux. « Les nombreuses attaques de l’EI démontrent son étendue, des capacités d’action encore très importantes et peuvent de ce fait perturber les élections qui, par ailleurs, ont été organisées rapidement sans que la communauté sunnite ait réellement pu se reconstruire politiquement », indique M. Théron.

Le gouvernement du Premier ministre sortant Haider al-Abadi multiplie certes les initiatives pour mettre en avant ses efforts dans la guerre contre le terrorisme. Des révélations récentes du ministère iranien de la Défense sur une réunion dans la capitale irakienne le mois dernier entre Moscou, Damas et Téhéran avec la participation de l’ONU soulignent le renforcement des liens de Bagdad avec les trois pays, ce qui pourrait aviver la colère d’une partie de la population, et plus particulièrement les sunnites.


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