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Programme économique : que proposent les principaux partis libanais ? - Dossier spécial législatives lbanaises 2018

II – Réforme de la politique fiscale : que proposent les partis politiques libanais?

Les quatre prochaines années s’annoncent décisives pour la mise en œuvre de plusieurs réformes économiques structurelles visant à relancer la croissance du Liban et créer des emplois. À quelques jours du scrutin, « L’Orient-Le Jour » a pris l’initiative d’étudier les programmes économiques des principaux partis et mouvements politiques du pays, et d’en dresser un comparatif secteur par secteur, dont les finances publiques, les hydrocarbures offshore, les télécoms et, aujourd’hui, la politique fiscale. Le courant du Futur, le Hezbollah, les Forces libanaises, le CPL, le PSP, les Kataëb, ainsi que le mouvement Mouwatinoune wa mouwatinate (coalition Koullouna watani) ont répondu favorablement à notre requête. Le mouvement Amal, les Marada et Li baladi (coalition Koullouna watani) n’ont pas été en mesure de le faire dans les délais.

Photo Andrey Popov/Bigstock

La politique fiscale peut constituer un outil important au service d’une vision économique plus globale, mais elle est réduite actuellement à un outil comptable visant à atteindre l’équilibre budgétaire. Quelles sont les principales propositions des partis sur ce volet ?

Positions sur la TVA
Le parti Kataëb, qui s’était farouchement opposé au relèvement d’un point de la TVA, à 11 %, entrée en vigueur le 1er janvier 2018, prévoit dans son programme économique de la rebaisser à 10 % et d’introduire une TVA à 15 % sur les produits de luxe. « Nous sommes opposés à de nouvelles taxes indirectes car elles visent de façon uniforme tous les contribuables, indépendamment de leurs revenus », explique au nom des Kataëb Jean Tawilé.

Les Forces libanaises souhaitent aussi revoir le taux actuel de la TVA et préconisent une TVA à trois taux (5, 10 et 15) « dont l’assiette et la répartition seront déterminées dans le cadre d’une vision économique globale, qui sera quantifiée dans le budget », affirme Roy Badaro pour les FL.

De son côté, le courant du Futur ne prévoit aucune modification relative à la TVA, mais inclut dans son programme la suppression d’exemptions de TVA « injustifiées dont bénéficient certaines niches, comme par exemple la joaillerie ou les yachts », souligne Raya el-Hassan du courant du Futur.

Le Hezbollah n’a pas de proposition concrète à ce sujet, mais fait part de son opposition au principe même de la TVA, « car c’est une taxe injuste qui n’encourage pas la croissance et n’améliore pas le niveau de vie du citoyen », estime Abdel Halim Fadlallah au nom du Hezbollah.

Quant à Charbel Nahas de Mouwatinoun wa mouwatinate, il exprime son opposition à toute nouvelle hausse de la TVA, comme cela est recommandé par le Fonds monétaire international.
De même pour le CPL et le PSP qui n’envisagent aucune hausse supplémentaire de la TVA, ni toute introduction de nouvelle taxe dans leurs programmes respectifs.


(Lire la première partie de ce dossier : I- Réforme du secteur de l’électricité : que proposent les partis politiques libanais ?)


Propositions pour augmenter les recettes fiscales de l’État
Le parti Kataëb propose deux axes pour l’augmentation des recettes fiscales. Le premier repose sur l’instauration d’un impôt progressif unique sur le revenu en vue d’élargir l’assiette fiscale ; le second repose, lui, sur la lutte contre l’évasion fiscale à travers la création d’une nouvelle direction dont ce serait la mission principale et serait rattachée au ministère des Finances.

Le Hezbollah souhaite aussi renforcer la lutte contre l’évasion fiscale, qu’il estime (étude du Centre de consultations pour les études et la documentation du Hezbollah) à 4 milliards de dollars de pertes pour l’État. « Pour la combattre sérieusement, il faut une décision politique et que l’administration suive. Ce sera au gouvernement de mener cette tâche », considère Abdel Halim Fadlallah.

Le CPL s’est, lui, fixé pour objectif d’augmenter la collecte des impôts, en général, et pas spécifiquement à travers la lutte contre l’évasion fiscale. « Les revenus du gouvernement en termes de collecte sont très limités et ne représentent que 20 % du PIB, notre objectif est qu’elles atteignent graduellement 26 % du PIB d’ici à 2022, à travers l’application stricte des lois et règlements en vigueur », indique Charbel Cordahi du CPL.

Le PSP considère qu’une hausse des recettes « ne doit pas provenir de la hausse des taxes, mais de l’ensemble des recettes qui sont censées être récoltées par l’État, notamment en renforçant le contrôle au sein des douanes, ainsi que le contrôle des grandes entreprises du pays de manière à réduire l’évasion fiscale », selon Mohammad Basbous.

Quant aux Forces libanaises, elles proposent de s’attaquer à l’évasion fiscale dans son sens le plus large, soit en incluant « l’économie souterraine, mais aussi l’optimisation fiscale abusive ». « Contrairement aux statistiques officielles, l’économie informelle constitue plus de 40 % du PIB actuel (56 milliards de dollars), soit 13 milliards dollars. C’est donc plus de 3 milliards de dollars d’impôts que l’État ne touche pas », dénonce Roy Badaro.


(Pour mémoire : Budget 2018 : les députés en passe de voter une amnistie fiscale)


Positions sur la répartition actuelle des impôts directs et indirects
Tout comme les Kataëb, le Hezbollah et le PSP proposent de réformer le régime fiscal libanais en instaurant un impôt progressif unique sur le revenu, tout en renforçant la progressivité, afin d’augmenter la part des recettes issues d’impôts directs par rapport à celles issues d’impôts indirects, et renforcer l’équité fiscale.

Le CPL s’est également fixé pour objectif d’ajuster à moyen terme l’équilibre entre les impôts directs et indirects, en faveur des impôts directs, sans pour autant proposer spécifiquement l’instauration d’un impôt progressif unique sur le revenu.

De son côté, le courant du Futur considère que les revenus de l’État devront encore continuer à reposer principalement sur les recettes issues d’impôts indirects. « La situation financière est difficile et la collecte des impôts est encore faible. La TVA et les autres impôts indirects sont privilégiés car leur collecte est plus facile », justifie Raya el-Hassan.

Les Forces libanaises, elles, n’envisageront aucune réforme dans ce sens tant que le problème de l’économie souterraine ne sera pas réglé, « puisque, dans le contexte actuel, toute mesure dans ce sens aura un impact limité sur les revenus de l’État et négatif sur l’activité économique ».


(Pour mémoire : Kanaan : Un « swap » en préparation pour réduire le service de la dette)


Propositions de mesures fiscales sectorielles
Le CPL explique, par le biais de Charbel Cordahi, qu’il fera en sorte que les secteurs qui génèrent le plus de bénéfices payent plus d’impôts que ceux qui sont en difficulté économique actuellement.
Les Forces libanaises souhaitent faire de la fiscalité un outil pour favoriser le travail par rapport à la rente. « On ne peut pas taxer de la même manière le travail et la rente. C’est ce qui crée des inégalités et freine la croissance », dénonce Roy Badaro.

De même pour Mouwatinoun wa mouwatinate, qui souhaite que les revenus finaux du travail et de l’investissement soient moins taxés que les revenus liés à la rente.

Le parti Kataëb propose des mesures plus concrètes. La première est la suppression « d’exemptions qui n’ont plus lieu d’être, comme celle dont bénéficient les banques spécialisées lors de leurs huit premières années d’activité », affirme Jean Tawilé. Il propose également d’instaurer une cotisation exceptionnelle des banques de 3 % de leurs bénéficies sur une durée de cinq ans destinée au remboursement de la dette publique.

Le Hezbollah suggère, lui, de taxer davantage les revenus locatifs pour décourager la spéculation dans l’immobilier, augmenter (de nouveau) la taxe sur les taux d’intérêt bancaires et augmenter la taxe à l’importation pour arriver à un taux similaire aux pays de la région.

De son côté, le courant du Futur s’oppose à ce type de mesures en faisant valoir l’importance de la stabilité du régime fiscal pour mobiliser les investissements. Il estime aussi que le secteur bancaire ne doit pas être taxé davantage, du simple fait qu’il fait des bénéfices supérieurs par rapport à d’autres secteurs.


(Lire aussi : Seules les banques paient les impôts ?)


Mesures fiscales incitatives pour dynamiser l’économie
Le courant du Futur prévoit d’accorder des mesures incitatives pour les sociétés qui créent de nouveaux emplois pour les Libanais dans les régions les plus enclavées du pays.

Les Kataëb proposent que les exportations qui sont aujourd’hui exemptées à 50 % de l’impôt sur les revenus le soient à 100 %.

Le PSP souhaite en priorité soutenir les secteurs productifs de l’industrie et de l’agriculture.

Les Forces libanaises souhaitent « simplifier le régime fiscal auquel sont soumises les entreprises en vue d’améliorer l’environnement fiscal et afin qu’elles ne soient plus soumises au rançonnement » .

Mais pour le CPL, il ne faut pas baisser les taxes pour dynamiser l’économie. Le CPL ne croit pas en l’idée que la croissance des différents secteurs de l’économie passe par des incitations fiscales, mais plutôt par la baisse des taux d’intérêt. « C’est en réduisant le coût d’emprunt qu’on pourra dynamiser l’économie », insiste Charbel Cordahi.



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