Rechercher
Rechercher

Lifestyle - La Mode

Avec « Emergency Room », Éric Ritter recoud la société

D’un côté, Tara Wkheit, un petit atelier de couture à Tripoli, soutenu par la Fondation Safadi et destiné à contribuer à l’autonomisation des femmes de condition modeste en leur offrant formation et travail. De l’autre, un jeune créateur, Éric Ritter, tombé en amour de cette petite équipe et de Tripoli. De leur rencontre est née « Emergency Room », une collection qui les raconte.

Éric Ritter, un véritable pont entre deux mondes.

Éric Ritter aurait voulu être chanteur. Tout petit, il évoluait déjà sur scène avec talent et maturité. Le bonheur du public le rendait heureux. À ses 14 ans arrive ce qui doit arriver : sa voix mue, et il lui faut réfléchir à une alternative pour prolonger son rêve interrompu. Ce sera la mode. Encore adolescent, il est reçu en stage chez Rabih Kayrouz, et l’expérience est concluante : « J’ai adoré », confie-t-il. Il enchaînera avec une formation chez Sarah’s Bag puis un job de vendeur chez la créatrice de bijoux Nada Zeineh. Il passe ensuite son bac et rejoint aussitôt Esmod. Trois années d’études académiques au cours desquelles il fait ses armes chez Ashi puis Zuhair Murad. Lauréat du prix du jury, il s’envole pour Paris où il intègre la maison Rabih Kayrouz, témoin de son talent précoce. Mais il déchante. La ville Lumière ne lui donne que des idées sombres. Le Liban lui manque, il y revient. Il retourne chez Zuhair Murad, mais le destin ne lui sourit qu’à travers une lucarne : un petit projet s’offre à lui à Tripoli. Un projet à des kilomètres de Beyrouth, de Paris, des ego tuméfiés et de « certains créateurs qui croient changer le monde avec de nouveaux styles », comme il dit. Avec Tara Wkheit, l’atelier de couture qui lui est confié, la possibilité de changer le monde est réelle. Elle consiste à « aider des femmes à nourrir leurs familles, envoyer leurs enfants à l’école », souligne Ritter.


(Lire aussi : Starch, l’incubateur libanais de talents, vient de désigner sa promo 2018)



« Tara Wkheit » et l’amour de Tripoli
Dès lors, sa vie de créateur commence chaque matin sur l’autoroute du Nord. Il s’attache tant à Tripoli qu’il est approché par Mona Makki, la productrice et réalisatrice de l’émission Magazine francophone de France 3, pour parler de « sa » ville. À Tara Wkheit, entouré de cette véritable famille parallèle que deviennent pour lui les couturières et brodeuses, mais aussi leurs conjoints qui contribuent avec leur propre savoir-faire à la réhabilitation du local, Éric Ritter met en place les bases d’une véritable maison de couture. Ici, il a son mot à dire au niveau de la production. Disposant de budgets limités, déterminé à faire de Tara Wkheit une structure qui contribue elle aussi, à son échelle, au développement de la ville, il compose ses créations avec des foulards, des écharpes, des nappes, des voiles, des rideaux, mais aussi de vieux tissus de fin de stocks tous achetés au souk de Tripoli. Il y ajoute des textiles ramenés de ses voyages, d’Afrique ou de Colombie. Les patchworks qui en résultent se distinguent par leur caractère inédit. Au niveau des patrons, chez Tara Wkheit on prône la taille unique, large, confortable, ajustable à souhait. Une première collection est présentée à la bonne société tripolitaine. Le résultat est plus que concluant. Ritter expose les mêmes articles à l’espace Minus One, Achrafieh. Sarah Beydoun passe en voisine et encourage le jeune créateur à réaliser une capsule pour son événement Love Inked. Sur les 12 vestes en jeans et patchwork qu’il propose, 7 sont vendus. De quoi lui donner un nouvel élan.


(Lire aussi : Mode : L’année des collaborations)



Un label au-delà des tabous

Emergency Room est née. Une petite marque généreuse, équitable, écologique, sans tabou et promise à un bel avenir. Son nom est inspiré de l’histoire personnelle, mais aussi des initiales de son créateur. Jeudi dernier, 26 avril, en présence de nombreux amis, des proches et des moins proches, et surtout de sa maman et principale fan, la journaliste et présentatrice radio Nanette Ziadé, Éric Ritter donnait une fête à Salon Beyrouth pour célébrer la création de son label et de sa nouvelle collection. Une collection joyeusement impertinente, comme le montrent les cagoules de Daech, détournées en coquetteries strassées, réalisées au crochet, dont étaient coiffés les mannequins mélangés à la foule. « Quand j’ai proposé ce modèle à la tricoteuse, elle a fait des yeux ronds puis elle s’est emballée. Aujourd’hui, elle adore l’idée de faire avec son métier autre chose que de petits napperons », raconte Ritter qui confie par ailleurs que les ouvrières de l’atelier n’en sont pas à leur première surprise avec lui. Cagoules, vestes composées de personnages en peluche, elles adorent ces délires qui leur procurent une rafraîchissante liberté.
Par ailleurs professeur de stylisme à l’ALBA et assistant de la directrice du département, Émilie Duval, Éric Ritter incarne un véritable pont entre deux mondes, le plus traditionnel et le plus conceptuel, le plus défavorisé et le plus blasé. Un miracle que seuls la candeur, la bienveillance et les rêves illimités du jeune homme aux yeux bleus pouvaient réaliser.


Lire aussi

Baroud, entre naufrage et paix sous-marine

Hussein Bazaza, ou la mode vue par un enfant du siècle

Avec Ishtar, Jean-Louis Sabaji sort de l’ombre

L’hommage de Lebnan Mahfouz à Frida Kahlo

Éric Ritter aurait voulu être chanteur. Tout petit, il évoluait déjà sur scène avec talent et maturité. Le bonheur du public le rendait heureux. À ses 14 ans arrive ce qui doit arriver : sa voix mue, et il lui faut réfléchir à une alternative pour prolonger son rêve interrompu. Ce sera la mode. Encore adolescent, il est reçu en stage chez Rabih Kayrouz, et l’expérience est...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut