A la tête du très stratégique département Technologie et Innovation du Comité olympique des Etats-Unis, ce Libanais joue un rôle clef dans la course aux médailles livrée par les sportifs américains.

Rien ne prédisposait Mounir Zok à faire carrière dans le milieu du sport. Diplômé de physique de l’Université américaine de Beyrouth, il quitte le Liban en 1998 pour se spécialiser en ingénierie biomédicale, en Angleterre puis en Italie, où il présente sa thèse et commence à enseigner. Poussé par une forte fibre entrepreneuriale, il fonde en parallèle deux start-up. Par « pure coïncidence », explique-t-il, la seconde le conduira à équiper, entre autres, l’équipe italienne de ski alpin. « Nous développions des technologies médicales “prêt-à-porter” (“wereable technologies”) pour mesurer l’état de guérison des patients, quand, par bouche à oreille, le milieu sportif nous a sollicités pour lui adapter nos produits », se remémore Mounir Zok. C’est au contact des sportifs d’élite qu’il prend conscience de « l’opportunité massive qu’offre ce secteur aux entrepreneurs », raconte-t-il. Son entreprise, Sensorize, devient l’une des premières à se spécialiser sur ce créneau. En 2012, il est contacté par le Comité olympique américain – l’USOC – pour rejoindre leurs équipes en tant que technologue sportif senior.

Quatre ans plus tard, en mai 2016, il prend les rênes du très stratégique département Technologie et innovation de l’organisation. « Notre mission est d’utiliser les technologies émergentes afin de mettre un maximum d’athlètes sur le podium », résume Mounir Zok, qui a désormais pris ses quartiers en Californie, dans la Silicon Valley. Les tableaux des médailles parlent d’eux-mêmes : 121 titres raflés aux Jeux olympiques d’été à Rio, plaçant les États-Unis en tête, et 23 aux JO d’hiver à Pyeongchang, les classant quatrième.

La course aux sponsors

Le rôle de Mounir Zok n’est pas tant d’inventer que de repérer les besoins des sportifs et de dénicher sur le marché les acteurs ou groupes d’acteurs privés capables d’y répondre. « L’USOC fonctionne selon un modèle unique », explique le scientifique. « À la différence des autres comités olympiques nationaux, nous ne recevons pas de financements du gouvernement ; nous devons donc faire un véritable effort pour trouver des sponsors », ajoute-t-il. Le budget global de l’USOC – hors frais administratifs et de fonctionnement – avoisine chaque année les 50 millions de dollars, distribués entre les différentes fédérations sportives en proportion du nombre de médailles. Impossible cependant de savoir la part de ce montant utilisée pour l’innovation. 

Ce chiffre est strictement confidentiel, tout comme une partie des technologies développées par les équipes de Mounir Zok. La concurrence est féroce entre les comités olympiques nationaux. « Il arrive souvent que nous ayons les mêmes idées et là, la seule chose qui fait la différence, c’est la rapidité », estime l’entrepreneur.

Des dispositifs d'entraînement "intelligents"

Quelques-unes de ces technologies sont néanmoins connues du grand public. Elles se concentrent presque toutes sur l’entraînement, du fait des règles imposées par le Comité international olympique durant la compétition. Les skieurs et snowboardeurs de l’équipe olympique américaine ont notamment pu découvrir les pistes de Pyeongchang à l’avance à l’aide d’une plate-forme de réalité virtuelle, développée par une start-up californienne. Le nageur le plus médaillé de l’histoire des JO, Michael Phelps, a quant à lui bénéficié d’un dispositif de suivi de son sommeil, durant sa préparation aux Jeux d’été de Rio. « À 32 ans, il devait s’entraîner intelligemment, sans forcer », explique Mounir Zok. « Ce système nous a permis d’adapter au jour le jour ses entraînements en sélectionnant les exercices les plus adaptés », justifie la tête pensante de l’USOC. Par ailleurs, l’équipe féminine de cyclisme sur piste, qui a remporté deux médailles à Rio, s’est entraînée à l’aide de lunettes intelligentes développées conjointement par IBM, MIT et Kopin – un spécialiste de la réalité augmentée. Le gadget retransmettait en direct, dans le champ de vision de la cycliste, des données sur sa performance physique et sportive, ainsi que des conseils dispensés par l’entraîneur. Grâce à ces outils de pointe, « les athlètes connaissent mieux leur corps et savent ne pas dépasser leurs limites pour éviter les blessures », constate avec satisfaction Mounir Zok.

Pour cet optimiste, le Liban pourrait lui aussi dans le futur bénéficier de telles technologies. « Nous avons des sportifs de talent et des start-up innovantes, il y a une opportunité de développer l’écosystème », conclut-il.