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Moyen Orient et Monde - Contestation

En Arménie, les défis ne font que commencer

Accueillie avec joie par les manifestants, la démission de Serge Sarkissian ouvre la voie à une phase d’incertitude.

Des manifestants, dont des militaires, ont défilé hier dans les rues d'Erevan pour protester contre l'élection de l'ancien président en tant que Premier ministre. Karen Minasyan/AFP

Une fois n’est pas coutume. L’annonce de la démission de Serge Sarkissian, nommé au poste de Premier ministre il y a une semaine à peine, a créé la surprise hier après-midi, après dix jours de contestation populaire. « Je quitte le poste de dirigeant du pays », a déclaré M. Sarkissian dans un communiqué. « Nikol Pachinian avait raison. Et moi, je me suis trompé », a admis de façon totalement inédite l’ancien président, en référence au député et chef de l’opposition, arrêté dimanche lors d’une manifestation et libéré quelques heures avant l’annonce surprenante. « Le mouvement de la rue ne voulait pas que je sois Premier ministre. Je satisfais votre demande et je souhaite paix et harmonie à notre pays », a-t-il affirmé.

Du côté des manifestants, réunis par dizaines de milliers place de la République, à proximité du siège du gouvernement dans la capitale Erevan, la nouvelle a été accueillie par des cris de joie, des danses et de l’alcool coulant à flots. « Fier citoyen d’Arménie, tu as gagné ! Et personne ne peut te priver de cette victoire. Je te félicite, peuple victorieux! » a déclaré Nikol Pachinian, figure de proue de la mobilisation réclamant le départ de Serge Sarkissian depuis le 13 avril, qui se distingue du reste de l’opposition par son franc-parler et sa façon de travailler créative, voire audacieuse.
Depuis le 13 avril, les manifestations et rassemblements se succèdent dans les rues de la capitale et des autres villes du pays. Après avoir été président pendant dix ans depuis 2008, Serge Sarkissian a été élu Premier ministre le 17 avril. Entre-temps, une réforme, approuvée en 2015 lors d’un référendum ponctué de fraudes, a été votée, donnant les pleins pouvoirs au Premier ministre et réduisant la présidence à un poste honorifique ou presque. Depuis, le Premier ministre sortant est accusé de s’accrocher au pouvoir malgré les demandes de la rue. Les manifestants lui reprochent également de n’avoir rien fait pour mettre fin à la corruption endémique et faire revivre une économie en berne. Plusieurs responsables et ministres ont appelé au calme ces derniers jours, en vain. Une entrevue à l’hôtel Marriott d’Erevan a même été organisée dimanche pour réunir Nikol Pachinian et l’ex-président. Le meeting a rapidement tourné au vinaigre et Serge Sarkissian a coupé court à la rencontre en criant au chantage. Quelques heures plus tard, l’opposant, déjà blessé dans de récentes échauffourées, était arrêté.

L’annonce du Premier ministre survient alors que des militaires ont rejoint le mouvement de contestation populaire hier matin. Pour certains observateurs, l’arrivée des nouveaux venus a changé la donne. « Une nouvelle opposition émergente se distingue du reste, et mêle une puissante combinaison de charisme et un bon sens de la politique de rue. Et c’est ce défi, couplé à l’incompréhension évidente de Sarkissian et la lecture erronée de la réalité arménienne changeante, qui a mené à sa chute. Mais le déclencheur de sa démission a certainement été le choc causé par les défections de militaires, ce qui a ébranlé sa confiance et sapé son engagement à vouloir conserver le pouvoir », explique à L’Orient-Le Jour Richard Giragosian, directeur du Centre d’études régionales (RSC), un think tank basé à Erevan.


(Lire aussi : Sarkissian et Pachinian, le Premier ministre et son pire ennemi)


Le départ de Serge Sarkissian devrait conduire à celui du reste du gouvernement, et le Parlement a sept jours pour choisir un remplaçant. Les défis ne viennent que commencer. Pour Richard Giragosian, la contestation de ces derniers jours est la preuve d’un manque de confiance de la part de la population. Cette méfiance est renforcée par la domination au Parlement du Parti républicain de Serge Sarkissian, considéré comme dangereux, car il mine la possibilité d’un compromis « en s’appuyant sur la domination du parti unique », avance le spécialiste, qui déplore une « polarisation » de la société arménienne. « Une reconfiguration sobre du partage du pouvoir est nécessaire, et pourtant un tel consensus semble très loin, avec des attentes et une colère dangereusement élevées. Le véritable défi de la gouvernance ne fait que commencer », s’inquiète M. Giragosian.

En attendant, Nikol Pachinian a annoncé hier qu’il allait rencontrer demain le Premier ministre par intérim, Karen Karapetian. « Nous sommes prêts à poursuivre les discussions avec Karen Karapetian pour assurer le transfert du pouvoir au peuple », a déclaré l’opposant devant des dizaines de milliers de sympathisants. « J’espère que les hautes sphères du Parti républicain reconnaîtront sans équivoque la révolution populaire de velours et non violente », a-t-il lancé, en appelant à des élections législatives anticipées.


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Une occasion pour doper la vitalité du peuple arménien. En avant!

Sarkis Serge Tateossian

08 h 05, le 24 avril 2018

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Commentaires (1)

  • Une occasion pour doper la vitalité du peuple arménien. En avant!

    Sarkis Serge Tateossian

    08 h 05, le 24 avril 2018

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