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Moyen Orient et Monde - Société

Le grand écran fait son retour en Arabie saoudite

Cela faisait des décennies que les Saoudiens n’avaient pu se rendre au cinéma. MBS entend changer les choses en ouvrant le royaume à la culture et au divertissement.

Une photo prise en mars montrant des travaux effectués dans une salle de cinéma à Dammam. Photo AFP/Stringer

Longtemps considérées comme une hérésie, les salles de cinéma feront leur grand retour en Arabie saoudite dès aujourd’hui. Au programme de la première, Black Panther, la dernière superproduction du studio Marvel.

D’après la journaliste Clarence Rodriguez, correspondante à Riyad pendant 12 ans, le choix de ce film s’explique facilement : « Black Panther fait recette, et sa diffusion donne à l’Arabie saoudite une image de changement. » Un vent de modernité qui accompagne le plan Vision 2030, instauré par le prince héritier Mohammad ben Salmane (MBS) et visant à diversifier les sources de revenus du royaume, dépendant du pétrole.

Les salles de cinéma n’ont pas toujours été interdites en Arabie saoudite. « Jusqu’en 1979, elles étaient nombreuses, explique Bernard Haykel, professeur à l’Université de Princeton aux États-Unis, mais suite à la révolution iranienne et aux mouvements intégristes, elles ont été proscrites. » De nombreuses mesures drastiques ont accompagné ce bouleversement sociétal, comme l’obligation de porter la abaya pour les femmes.

Les Saoudiens fortunés et ceux férus de cinéma n’ont toutefois pas attendu l’annonce de MBS pour profiter des joies du cinéma international. « Les familles huppées ont leur propre salle de cinéma et n’hésitent pas aller jusqu’à Bahreïn pour visionner les dernières nouveautés sur grand écran », affirme Clarence Rodriguez. « Pendant longtemps, la culture a été mise à l’index, ajoute la journaliste, mais depuis quelques années, on observe une véritable explosion du nombre de galeries d’art, d’expositions… »

Malgré l’opposition des milieux ultraconservateurs, le gouvernement promeut les formes de divertissements et compte investir plus de 50 milliards de dollars pour développer ce secteur. Une autorité générale pour le divertissement a d’ailleurs été créée en 2016 pour définir cette stratégie d’expansion. Elle aura également pour mission de valider les films diffusés dans les cinémas du pays. « On peut s’attendre à ce que certains types de films ne soient pas diffusés, mais les films internationaux seront les bienvenus », précise Bernard Haykel.


(Lire aussi : Les Saoudiens goûtent à l'opéra et au jazz)


Des réactions mitigées
« Les jeunes sont plutôt favorables à la politique de MBS, notamment ceux qui ont fait leurs études à l’étranger », explique-t-il. « Imprégnés de culture occidentale, ces derniers sont en Arabie saoudite pour jouer un rôle important et sont satisfaits de ces réformes », ajoute Clarence Rodriguez, auteure du livre L’Arabie saoudite 3.0 : paroles de la jeunesse saoudienne. Mais l’establishment religieux très conservateur, qui inclut le clergé traditionnel et les officiels, voit ces changements d’un mauvais œil. « Pour eux, ces évolutions impliquent une perte de pouvoir sur les classes sociales », précise le chercheur.

Le grand mufti Abdel Aziz ben Abdallah al-Cheikh avait d’ailleurs déclaré en janvier 2017 que cinéma et concerts constituaient « un appel à la mixité entre les sexes » et que leur autorisation « corrompra la morale et les valeurs ».
Parmi la population, les réactions ne sont pas non plus unanimes. « Certains ont peur : il y a eu plus de changement en huit mois qu’en 40 ans, nuance Clarence Rodriguez. Il faudra quelques années pour que la jeunesse et plus largement l’ensemble de la population s’imprègnent de ces réformes, de ces changements ».

À Cannes
Autre signe d’ouverture du royaume : l’annonce de la participation saoudienne au Festival de Cannes, qui aura lieu du 8 au 19 mai. C’est le ministre de la Culture, Awwad al-Awwad, qui l’a annoncé lundi 9 avril dans le cadre de la visite officielle de MBS à Paris, où il a rencontré le président français Emmanuel Macron. À cette occasion, neuf courts-métrages seront diffusés.

Ce n’est toutefois pas la première fois qu’un film saoudien est représenté dans une compétition internationale, puisque Wadjda, de la réalisatrice saoudienne Haifaa al-Mansour, avait été sélectionné pour représenter l’Arabie saoudite aux oscars en 2014 dans la catégorie « meilleur film en langue étrangère ». Wadjda raconte l’histoire d’une petite fille de douze ans qui rêve d’avoir un vélo, malgré l’interdiction faite aux femmes d’en posséder un. Quelques mois après la sortie du film, les femmes ont remporté ce droit.



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