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Culture - Exposition

Les villes minutieusement croquées d’Antoine Claes

L’artiste, qui échappe à toute tentative de classement ou de catégorisation, sonde l’espace à la galerie Cheriff Tabet* avec des compositions tranchées aux couleurs nocturnes.

« Lebanese Museum », d’Antoine Claes.

Lorsque Antoine Claes était enfant à Montréal au début des années 1970, il n’avait aucune intention réelle de devenir peintre. Le monde de l’art était encore une pensée lointaine, il affectionnait la photographie, le dessin, s’est même essayé à la poésie et à la philosophie, a traversé une période mystique pour finalement retourner vers son ultime croyance, celle qu’il voue à l’être humain. Après avoir accompli ses études dans un collège spécialisé en art, il intègre une école de design industriel en Belgique pour une période d’une année seulement : « J’avais beaucoup de mal avec les matières scientifiques », dit-il. Il terminera son parcours et sa spécialisation à l’Université de Concordia à Montréal. « Je faisais de la peinture en dilettante. J’exécutais des peintures murales, j’étais très à l’aise, j’avais une grande facilité à dessiner et prenais beaucoup de plaisir. » 


Fouiller l’invisible

S’il consacre à la peinture l’essentiel de sa production, Antoine Claes n’en pratique pas moins la photographie, interrogeant ces deux modes au rapport de leurs qualités matérielles, de leurs potentialités spatiotemporelles et de leurs interactions plastiques.

La photographie, « humble servante », se transforme en souveraine technique pour fouiller l’invisible et tout ce qui échapperait non à la vue mais au regard. Elle devient avec Antoine Claes l’auxiliaire de la peinture. C’est à la tombée du jour, quand les ombres nocturnes dessinent la ville, que l’artiste part armé de son appareil photo pour explorer les quartiers industriels et les chantiers abandonnés, tenter de capter le mystère de l’obscurité et de sonder les espaces. « C’est à l’heure où les ouvriers ont rangé leurs matériels et ramassé leurs sueurs et leurs truelles que je deviens ouvrier à leur place », dira t-il. « Mon travail est formaliste, le décor de l’être humain m’interpelle plus que l’homme lui-même et mon regard aime à se poser sur le monde moderne dans son travail. C’est l’objet qui m’intéresse, l’action de l’homme et la trace qu’il laisse. » L’art d’Antoine Claes dégage une sorte de flux énergique qui confère à ses toiles une dynamique vitale, voire organique. Son œuvre se singularise par une rigueur et un réalisme très méthodique dans l’expression des lignes et des aplats, mais n’exclut nullement une certaine dimension poétique et un dramatisme particulier. L’artiste travaille à la spatule industrielle, ce qui accentue l’effet de la matière.


Une fenêtre sur le monde 

À la galerie Cheriff Tabet, l’artiste nous offre tantôt une série de peintures illustrant les villes, à la fois abstraites et chimériques, et tantôt une peinture hyperréaliste et très minutieuse de paysages urbains aux finitions exceptionnelles. Ses créations nous plongent ainsi dans une ambiance mystérieuse qui s’offrent à voir comme des compositions réduites au tracé des lignes qui les composent. « Pour capter le moment, je prends mes photos avec une exposition très lente pour arriver à attraper la lumière qui bouge. » C’est une représentation figurative et abstraite faite de façades, d’édifices et d’ouvertures, un exercice de style pour évoquer la part de création magique qui anime la main de l’homme. Ce n’est pas le sujet en soi qui l’anime mais le traitement artistique que l’on en fait. C’est ainsi que ses fenêtres deviennent matière à réflexion de par le monde infini sur lequel elles s’ouvrent, et ses façades – qu’il travaille avec un logiciel particulier pour en extraire tout le superflu et n’en garder que la structure – sont à mi-chemin entre le dessin et l’architecture. Quand il efface la brique et le ciment, il ne reste plus que la cage, comme la genèse d’une construction. Entre les tuyaux, les canalisations et la fumée qui s’en dégage, son œuvre est comme l’échafaudage d’un univers industriel à la facture très particulière et au symbolisme qui murmure le travail des hommes, en coulisses. 


*Galerie Cheriff Tabet

Entre les temps, Antoine Claes.

Imm. D-Beirut, secteur la Quarantaine.Jusqu’au 11 mai 2018.

Lorsque Antoine Claes était enfant à Montréal au début des années 1970, il n’avait aucune intention réelle de devenir peintre. Le monde de l’art était encore une pensée lointaine, il affectionnait la photographie, le dessin, s’est même essayé à la poésie et à la philosophie, a traversé une période mystique pour finalement retourner vers son ultime croyance, celle qu’il voue...

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