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Moyen Orient et Monde - Décryptage

Frappes occidentales en Syrie : Moscou est-il prêt à riposter ?

Russes et Occidentaux devraient éviter l’escalade, malgré la rhétorique belliciste des deux côtés.

Le destroyer lance-missiles américain USS Normandy au départ hier de la station Norfolk en Virginie. Livingston/Handout via Reuters

« Le chien qui aboie ne mord pas », dit un vieux dicton libanais. Heureusement, serait-on tenté d’ajouter, car dans le cas contraire on serait à la veille d’un affrontement direct entre les États-Unis et la Russie. L’ambassadeur russe au Liban Alexander Zasypkine a en effet déclaré hier sur la chaîne al-Manar qu’en « cas de frappe américaine en Syrie (...) les missiles seront détruits, de même que les équipements d’où ils ont été lancés ». Dans une réponse qui figurera probablement dans les annales des relations internationales, le président américain Donald Trump a rétorqué : « La Russie jure d’abattre n’importe quel missile tiré sur la Syrie. Que la Russie se tienne prête, car ils arrivent, beaux, nouveaux et intelligents ! Vous ne devriez pas vous associer à un animal qui tue avec du gaz, qui tue son peuple et aime cela. » 

À l’heure de mettre sous presse, la Maison-Blanche annonçait que la riposte occidentale à l’attaque chimique imputée au régime syrien contre la ville de Douma n’avait pas encore été décidée. Le Pentagone a présenté hier les différentes options militaires au locataire du bureau Ovale. Le président français Emmanuel Macron a précisé que les bombardements viseraient « les capacités chimiques » du régime de Damas. La Première ministre britannique Theresa May a confirmé que les responsables devaient rendre des comptes. 

Si les Occidentaux, tout comme les Russes, cherchent à éviter l’escalade, force est de constater que l’enjeu dépasse largement le cadre syrien et rappelle, dans une certaine mesure, les tensions durant la guerre froide. Le président russe Vladimir Poutine a exprimé hier l’espoir que le « bon sens » l’emportera, alors que son homologue américain a déploré que les tensions entre les deux pays sont « pires aujourd’hui qu’elles ne l’ont jamais été, y compris pendant la guerre froide ».


(Lire aussi : Les enjeux d’une frappe occidentale en Syrie sans l’aval de l’ONU)


Risque de tuer des soldats russes

Les Occidentaux veulent faire mal au régime tout en envoyant un message au reste du monde. Les Russes veulent les dissuader de frapper trop fort, en faisant comprendre qu’ils ont, eux aussi, leurs propres lignes rouges. « Ce qui semble préoccuper un peu plus les Russes, c’est qu’il serait possible que parmi les objectifs soient inclus le palais présidentiel ou les résidences de Bachar el-Assad, autrement dit qu’on cherche à atteindre physiquement le président syrien », explique à L’Orient-Le Jour Igor Delanoë, directeur adjoint de l’observatoire franco-russe de Moscou. Autrement dit, le Kremlin craint des frappes de grande ampleur qui pourraient affecter ses intérêts en Syrie ou qui entraîneraient la mort de nombre de ses ressortissants. « L’inquiétude de Moscou est réelle mais elle est limitée, tant qu’il s’agit de frappes, de missiles ciblant les troupes d’Assad », confirme à L’OLJ Cyrille Bret, professeur à Sciences Po Paris et spécialiste de la Russie. 

Alors que l’année dernière, les États-Unis avaient prévenu la Russie avant de frapper la base d’al-Chaayrate, en réponse à l’attaque chimique contre Khan Cheikhoun, cette possibilité semble aujourd’hui faire débat. Avertir les Russes, c’est donner une opportunité au régime et aux Iraniens de se réfugier. Ne pas le faire, c’est prendre le risque de tuer des soldats russes et de provoquer une escalade. 

 « Si des Russes sont tués lors de frappes américaines, ça pourrait entraîner des représailles. Seront-elles strictement proportionnées et proportionnelles, il faudra voir », souligne M. Delanoë. « Pour le moment, les mesures de rétorsion de la Russie envers les Occidentaux sont mesurées et proportionnées, comme nous l’avons vu dans l’affaire Skripal, où la Russie a répondu en prenant une série de sanctions symétriques », estime M. Bret. « Il est certain que les Russes ont installé plusieurs batteries de défense anti-aérienne, notamment des S400, autour de certains théâtres d’opérations. Je pense que les Américains frapperont loin de ces zones », ajoute-t-il. 


(Lire aussi : Trump avertit de frappes imminentes en Syrie : Les missiles "arrivent")


« Faire passer un message » 

Malgré la rhétorique belliciste, Moscou sait qu’il n’est pas dans son intérêt de riposter directement aux frappes occidentales. « Viser les bateaux qui mènent les frappes par exemple, on parle de quelque chose de très grave, une escalade incontrôlée. Par contre il pourrait y avoir des représailles contre les bases américaines en territoire kurde, cela pourrait être une cible de choix. On parle beaucoup des Russes, mais les Iraniens pourraient également réagir et prendre pour cible les intérêts américains dans la région, au cas où beaucoup d’Iraniens venaient à mourir », décrypte M. Delanoë. 

Anticipant les problématiques occidentales, l’armée syrienne a évacué ses bases et déplacé ses avions vers les bases russes. Quel intérêt alors de frapper des bases vides, après des jours de tractations diplomatiques ? « Les bases aériennes syriennes d’où partent les frappes chimiques sont à la fois un objectif symbolique (rapport à la ligne rouge) et militaire. Bien endommager une piste peut empêcher des opérations durant plusieurs jours. Après, attaquer les bases russes me paraît politiquement très délicat. Jusqu’à preuve du contraire, ce sont les loyalistes syriens qui ont mené les attaques chimiques, pas la Russie. Cela n’exclut pas des attaques plus discrètes sur les sites russes, cyber notamment. Cela permet de faire passer un message et ça ne dépasse pas un seuil de violence trop important », analyse Joseph Henrotin, rédacteur en chef du magazine Défense & sécurité internationale. 

Outre les frappes occidentales, Moscou doit gérer les tensions irano-israéliennes et semble ne plus vouloir fermer les yeux sur les interventions de l’État hébreu en Syrie. Vladimir Poutine a appelé hier le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu à « s’abstenir de toute action qui déstabiliserait encore plus la situation », signe qu’il craint qu’Israël ne profite de cette brèche pour s’attaquer une nouvelle fois à des positions iraniennes en Syrie. Le bureau de Benjamin Netanyahu a de son côté indiqué que le « Premier ministre a parlé au téléphone avec le président russe Vladimir Poutine » et qu’il a « répété qu’Israël n’autorisera pas l’Iran à s’établir militairement en Syrie ». Autrement dit : à chacun ses lignes rouges.



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commentaires (3)

LES FRAPPES VIENNENT ET LES RUSSES SE CONTENTERONT DE DECLARER COMME QUOI ILS ONT INTERCEPTE QUELQUES MISSILES... ILS NE SONT PAS DES IDIOTS POUR ENTRER DANS UNE GUERRE DESASTREUSE POUR LA RUSSIE POUR LES BEAUX YEUX DU BOUCHER CHIMIQUE !

LA LIBRE EXPRESSION

08 h 18, le 12 avril 2018

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Commentaires (3)

  • LES FRAPPES VIENNENT ET LES RUSSES SE CONTENTERONT DE DECLARER COMME QUOI ILS ONT INTERCEPTE QUELQUES MISSILES... ILS NE SONT PAS DES IDIOTS POUR ENTRER DANS UNE GUERRE DESASTREUSE POUR LA RUSSIE POUR LES BEAUX YEUX DU BOUCHER CHIMIQUE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 18, le 12 avril 2018

  • Moscou est un tigre de papier et ne repliquera pas aux attaques US car il est conscient de ses limitations....les russes sont tout juste bons a bombarder des femmes et enfants sans defense.... Les nazis eux pour le moins assumaient leurs actes monstrueux...l on n a jamais ecoute de la bouche d un nazi que ce sont les juifs qui se sont gazes eux meme afin que les americains interviennent dans la guerre contre l allemagne!

    HABIBI FRANCAIS

    04 h 55, le 12 avril 2018

  • mmmm .. les russes et les USA ne vont jamais rentrer en conflits direct .. c'est impossible, faudrait voir de plus prets du cote de l'economie ce qui peut etre vas se passer lol

    Bery tus

    02 h 57, le 12 avril 2018

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