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Moyen Orient et Monde - Interview

Bruno Tertrais : Emmanuel Macron s’est engagé assez loin, il ne peut pas ne pas réagir

Un FA-18 Hornet décolle du porte-avions Theodore Roosevelt. AFP/Ted Aljibe

Damas a une nouvelle fois franchi la ligne rouge en utilisant des armes chimiques contre sa population. Washington et Paris préparent une « réponse forte ». Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à Paris, décrypte pour L’Orient-Le Jour les enjeux des possibles frappes occidentales contre le régime syrien.

Quelles pourraient être les cibles potentielles des frappes occidentales contre le régime syrien ?
Si je les connaissais, je ne m’exprimerais pas… Ce seront en tout cas des objectifs militaires. Dans un tel cas, on peut choisir de s’adresser d’abord et avant tout aux unités qui ont réalisé les frappes chimiques et à leur chaîne de commandement. Mais le choix pourra être différent si les pays qui procéderont à cette action veulent adresser un message politique plus ferme. L’aviation, les hélicoptères, mais aussi les services de renseignements syriens pourraient être concernés. Et d’autres objectifs.

Quelle ampleur doivent avoir les frappes pour avoir un réel effet dissuasif auprès du régime et de ses alliés ?
C’est un vrai sujet. C’est la troisième fois depuis 2011 qu’une attaque chimique massive au bilan très lourd a lieu. Sans compter les dizaines d’usages à plus petite échelle. Damas n’a donc pas été définitivement dissuadé. Il est vrai que la destruction de la base aérienne de Chaayrate en avril 2017, après le massacre de Khan Cheikhoun, n’était pas une réponse de grande ampleur. Il faut donc rétablir la dissuasion de manière plus ferme. Mais il n’est pas question non plus d’une opération de « changement de régime ». Il faudra donc placer le curseur de manière adaptée.

Si les frappes dépassent le cadre symbolique, comment pourrait réagir Moscou ?
C’est aussi un sujet important. Je ne crois pas du tout que les Russes aient la volonté de s’en prendre aux pays occidentaux qui participeront à l’action envisagée. Les soi-disant avertissements russes ne sont que des rodomontades. Mais il faudra faire attention à ne pas s’en prendre par mégarde à des unités russes présentes sur le terrain. Des confusions sont toujours possibles, même avec d’excellents renseignements. Donc se pose la question de savoir s’il faut prévenir les Russes à l’avance. Mais à quel moment pour s’assurer qu’ils ne préviendront pas Damas ? Cette question s’était posée aux Américains en 2017.

Quelle est la portée politique d’une telle action (frappes occidentales), au-delà du cadre syrien ?
D’abord, cela dépendra en partie de l’identité des pays participants. Il serait souhaitable, justement, que ce ne soit pas une action « occidentale », mais que des pays de la région puissent aussi y contribuer, même symboliquement. Mais vous avez raison de mentionner cette question car c’est essentiel. Je comprends que nombre de Syriens soient amers de voir les Occidentaux se mobiliser aujourd’hui après une attaque chimique alors que plusieurs centaines de milliers d’entre eux sont morts sous des bombes classiques. Mais il faut comprendre que l’enjeu dépasse la Syrie. Ce qui est en jeu, c’est d’éviter que l’emploi des gaz devienne un mode « normal » de gestion des rébellions au XXIe siècle. Il faut donc marquer le coup. Il y a des degrés dans l’horreur. Les armes chimiques, indiscriminantes par nature, ne font pas de distinctions entre combattants et non-combattants. On ne peut pas tout faire, on ne peut pas intervenir partout. Et les interventions militaires causent parfois aussi beaucoup de tort. Mais on peut au moins tenter de faire en sorte que certains moyens soient proscrits. Et, avec la Syrie, c’est particulièrement important, car Damas est, depuis 2013, signataire de la Convention d’interdiction des armes chimiques… Seuls les naïfs pouvaient croire que le régime d’Assad détruirait 100 % de son arsenal chimique. Enfin, je dirais qu’il y a un autre enjeu : la parole donnée par l’Occident, en particulier la France. Emmanuel Macron s’est engagé assez loin, il ne peut pas ne pas réagir.

Damas a une nouvelle fois franchi la ligne rouge en utilisant des armes chimiques contre sa population. Washington et Paris préparent une « réponse forte ». Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à Paris, décrypte pour L’Orient-Le Jour les enjeux des possibles frappes occidentales contre le régime syrien. Quelles pourraient être...

commentaires (3)

LA REACTION SERA CONJOINTE ET FORTE... ET DES REGIONAUX Y PARTICIPERONT !

LA LIBRE EXPRESSION

13 h 43, le 11 avril 2018

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Commentaires (3)

  • LA REACTION SERA CONJOINTE ET FORTE... ET DES REGIONAUX Y PARTICIPERONT !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 43, le 11 avril 2018

  • BlaBlaBla...! l'Occident doit arrêter de jouer le rôle des "pleureuses" et prendre très au sérieux l'utilisation des armes chimiques comme moyen de lutter contre les rebellions. Les N.U. devraient prendre à froid une décision générale et automatique, d'éradiction totale et irréversible de ses armes, chaque fois que ce type d'actions était engagée dans n'importe quel pays du monde. Cette décision devrait aussi stipuler l'application de sanctions sévères à l'encontre du pays en question, sous forme, d'une part, d'indemnisations financières individuelles à verser aux populations touchées, et d'autres part, d'arrêt de tous les programmes d'aides et de subventions militaires extérieures allouées au dit pays et ce durant une période donnée...!

    Salim Dahdah

    10 h 53, le 11 avril 2018

  • Une intervention, quelle qu'elle soit, huit jours après les faits, perd 99% de sa valeur. Les puissances occidentales auraient dû avoir des plans préparés à l'avance pour une réaction immédiate.

    Yves Prevost

    07 h 35, le 11 avril 2018

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