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Idées - Point de vue

CEDRE : Aide au Liban ou coup de pouce à une classe corrompue ?

Des égouts en plein air à Ras el-Aïn, près de Baalbeck. Wissam Ismaïl

À exactement un mois des élections législatives au Liban (le hasard faisant décidément bien les choses), la France emmenée par le président Macron organise aujourd’hui à Paris la 4e conférence des donateurs pour soutenir l’économie libanaise.
Pour casser la monotonie des noms – Paris I (2001), Paris II (2002) et Paris III (2007) –, cette quatrième conférence de Paris est dénommée CEDRE (Conférence économique pour le développement par les réformes et avec les entreprises). Si le sigle est un joli clin d’œil au symbole national du Liban, le nom complet de la conférence s’avère, lui, relever du trompe-l’œil.
Sur le papier, cette conférence est une opportunité pour reformer le Liban, surtout sur le plan économique, en s’attaquant par exemple aux questions relatives aux investissements dans les infrastructures défaillantes du pays (de l’électricité à l’eau en passant par les routes, les services de santé, etc.), au financement des entreprises œuvrant dans l’économie productive ou au redressement des comptes publics et à la lutte contre le gaspillage. Mais la transparence en trompe-l’œil avec laquelle se sont déroulés les préparatifs de la conférence n’est pas pour nous rassurer.

Ingérence
Cette absence de transparence s’est par exemple manifestée de façon paradoxale mais néanmoins éclatante il y a une semaine, lorsque 40 acteurs de la société civile ont été invités à Baabda pour discuter avec les organisateurs de la conférence, en présence du Premier ministre Saad Hariri en personne, et donner leur avis sur le plan d’investissement qui sera présenté à la conférence. Or ce dialogue s’est déroulé en l’absence du principal intéressé, à savoir le plan lui-même… Nous avons donc perdu 2 heures à écouter un discours flou, évoquant un hypothétique plan que nous ne pouvions même pas voir et, cerise sur le gâteau, à la fin de la réunion, le Premier ministre s’est targué de la transparence du processus !
Cependant, le vrai problème posé par cette conférence dépasse largement les simples questions de procédure, dans la mesure où sa date même s’apparente à une ingérence inacceptable dans la vie politique libanaise.
Il y a un an, le président Macron s’est présenté devant les Français pour leur demander de lui faire confiance et de sortir de leur carcan politicien, en lançant un vrai mouvement politique dont une grande partie des cadres sont issus de la société civile et du monde des entreprises. Lors d’une rencontre fin janvier à Beyrouth, le président français, alors candidat, me disait vouloir faire de la France un modèle pour le changement dans le monde. Un modèle au sein duquel le renouveau de la classe politique aurait une place prépondérante. Et face à mon scepticisme, en particulier s’agissant de la politique étrangère, il confirmait que ce vent de changement concernerait également la politique étrangère.
Or, à regarder en détail certains éléments constitutifs de CEDRE, il semble évident que la politique étrangère française est restée à l’écart du vent du changement. Cette conférence n’est rien de moins qu’un soutien direct à l’establishment politico-financier qui règne en maître absolu au Liban. Ce même establishment qui a mené le pays à la quasi-faillite et a transformé le Liban en État vassal des puissances régionales !

Changer le système
Vu de Beyrouth, les acteurs du changement qui mènent la bataille de la réforme et tentent d’introduire de vrais réformateurs au Parlement vivent cette conférence comme un coup de Trafalgar (dont les Français n’ont pourtant guère gardé un bon souvenir…). Toutes proportions gardées, cette politique de la France n’évoque-t-elle pas l’offre de l’ancienne ministre des Affaires étrangères française Michèle Alliot-Marie, qui proposait – en janvier 2011, alors que la révolution tunisienne prend de l’ampleur – de fournir « le savoir-faire français pour régler les situations sécuritaires » au régime despotique de Ben Ali (Paris ayant parallèlement exporté des gaz lacrymogènes vers Tunis les mois précédents) ?
CEDRE n’est pas une conférence de soutien au Liban, mais plutôt un meeting électoral visant à soutenir l’équipe sortante contre toute tentative de vrai changement. Il est à cet égard affligeant qu’un président étranger, élu sous le signe de la réforme et du renouveau politique, se soit laissé entraîner dans une opération de manipulation électorale qui ne servirait qu’à enraciner une classe politique corrompue et incapable de gérer le Liban. Le renouveau et la réforme de l’État libanais ne pourront avoir lieu qu’en s’appuyant sur les forces alternatives engagées dans la bataille électorale et la société civile, et non en soutenant aveuglément une classe politique qui a mené le pays à la faillite.
La France ne sortirait pas grandie en soutenant une fois de plus le passé qui a échoué au lieu de laisser le champ libre au vent de changement qui a commencé à souffler à Beyrouth depuis l’été 2015. Militants pour une autre approche de la politique au Liban, nous continuerons notre chemin pour changer le système qui a démontré son incapacité à gérer le pays. Les promesses faites par ceux qui ont ruiné le pays n’engageront pas les Libanais et nous ne permettrons pas que l’économie libanaise soit bradée pour aider ceux qui n’ont jamais réussi à gérer le pays à garder le pouvoir.

Par Wadih al-ASMAR
Cofondateur du mouvement « Vous puez ! » et co-animateur des listes électorales alternatives Koullouna Watani
(« Mon pays »).

À exactement un mois des élections législatives au Liban (le hasard faisant décidément bien les choses), la France emmenée par le président Macron organise aujourd’hui à Paris la 4e conférence des donateurs pour soutenir l’économie libanaise.Pour casser la monotonie des noms – Paris I (2001), Paris II (2002) et Paris III (2007) –, cette quatrième conférence de Paris est...

commentaires (3)

Peine perdue, falèj la taalèj. Tous ceux qui ont mené notre pays dans le gouffre abyssal de la faillite dans laquelle il patauge, sont candidats à leur propre succession pour l'approfondir encore plus et regarnir encore plus leurs butins dans les zones offshore. Que ces individus soient des élus ou issus de la société civile, l'avidité est la même. Plus glouton qu'eux, tu meurs !

Un Libanais

16 h 13, le 07 avril 2018

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Commentaires (3)

  • Peine perdue, falèj la taalèj. Tous ceux qui ont mené notre pays dans le gouffre abyssal de la faillite dans laquelle il patauge, sont candidats à leur propre succession pour l'approfondir encore plus et regarnir encore plus leurs butins dans les zones offshore. Que ces individus soient des élus ou issus de la société civile, l'avidité est la même. Plus glouton qu'eux, tu meurs !

    Un Libanais

    16 h 13, le 07 avril 2018

  • REFORMES ,CORRUPTION ET TOUT LE BATACLAN ? dit et redit.vieille histoire. Bla Bla a but electoral etc.... C beau il faut qu'ils montrent patte(s) blanches(s) nos ediles : La 1ere PREUVE DE BONNE VOLONTE, SINCERITE TRANSPARENCE EST DE PUBLIER -IN EXTENSO- LES COPIES DE TOUT CE QUI FUT AGREE PAR CEDRE A PARIS - TOUT ABSOLUMENT TOUT POUR QUE LE PAUVRE PEUPLE SACHE JUSQU'OU ILS NOUS ENFONCENT ENCORE OU PAS ! - les divers projets agrees pour lesquels les credits SERAIENT octroyes et Combien pour chaque projet - les taux imposes sur les credits - le nombre d'annees exiges pour paiement des credits & leurs interets - les conditions imposees : a- financieres b-politiques - la strategie imposee-j'espere bien- en vue de regenter/gerer tous les projets a executer en vue de surveiller- carrement surveiller et empecher le vol --MOI je ne serais satisfait QUE SI les pays donateurs louaient les services d'une Ste de surveillance PRIVEE a charge de verifier MEME la "surveillance' des pays donateurs eux memes.

    Gaby SIOUFI

    10 h 44, le 07 avril 2018

  • LE PEUPLE DEVRAIT ETRE PRET A DEMANDER SUR L,HEURE DES COMPTES SI CES CREDITS ET DONS SERAIENT MAL UTILISES ET SI LA CORRUPTION CONTINUE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 08, le 07 avril 2018

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