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Économie

En marge de CEDRE : le Liban et les échanges économiques extérieurs

Photo ABL

Comme avant la tenue de chaque conférence internationale, les services de l’État sont occupés par les préparatifs. Dans la plupart des cas, un effort est fourni pour « embellir » les chiffres qui seront présentés à la communauté internationale. Cependant, le Fonds monétaire international (FMI) dispose de données dont ne dispose aucune administration libanaise, y compris l’Administration centrale de la statistique (ACS). Cette administration est à la traîne sur l’étude et la publication de toutes sortes de données liées à la balance des paiements, aux revenus et leurs structures, ainsi qu’aux dépenses des ménages au Liban. Elle laisse cette mission à la Banque du Liban, qui résume la balance des paiements à la variation nette des devises étrangères au sein des banques locales, en y ajoutant récemment certains eurobonds qu’elle détient dans son portefeuille. La question des revenus, de leur distribution et de leur concentration est aussi inconnue pour l’ACS. Les dépenses des ménages et leurs budgets sont pour leur part laissés aux centres de recherche et d’études privés, dont les enquêtes demeurent fragmentées et ne fournissent pas un portrait global de la situation des ménages au Liban.
Dès lors, nous lisons des choses étranges dans ce pays, comme par exemple le fait que la consommation du Liban repose sur l’importation de marchandises à hauteur de 85 % (oui 85 % !). Et nous nous précipitons de conclure que le « modèle » libanais va s’effondrer. En réalité, les importations des marchandises ne représentent que 29 % de la dépense nationale (consommation des ménages et investissements). Et si nous tenons compte de la seule consommation des ménages et pas des investissements, alors la proportion des marchandises importées serait d’environ 35 % seulement et non de 85 % ! Tandis que les importations nettes d’exportations représentent respectivement 23 % de la dépense nationale et 28 % seulement des dépenses en consommation finale. De plus, en ajoutant les services aux marchandises, la proportion par rapport à la dépense nationale atteint 51 %. Et en adoptant comme référence les importations nettes de marchandises et de services, soit en soustrayant les exportations de marchandises et des services, cette proportion baisserait une nouvelle fois à moins de 19 %. Cette baisse s’explique par le fait que les exportations de services au Liban représentent plus du quadruple des exportations de marchandises, ce qui fait que la balance commerciale des biens et des services est plus équilibrée que la balance des marchandises. Le concept de dépense nationale est plus large que celui du PIB, et plus correct pour la mesure du volume des importations dans une économie donnée. La part de la dépense nationale par rapport au PIB est de 120 %, dont 99 % est dû à la consommation, selon les dernières statistiques fournies par l’ACS pour l’année 2015, et où la part de l’investissement est de 21 %.
Il est temps d’impulser un changement radical au sein de l’ACS. On ne peut plus tolérer une négligence aussi flagrante dans les études de terrain et les estimations des agrégats des comptes nationaux sur la production, la dépense, les revenus, les dépenses des ménages, l’investissement public et privé, et l’investissement extérieur et intérieur... Les responsables au sein de l’ACS devraient consulter les publications et les statistiques du FMI consacrées au Liban afin qu’ils se rendent compte de nos insuffisances par rapport aux autres pays ayant un niveau de revenu similaire au nôtre. Le FMI nous rappelle sans cesse la nécessité de produire des statistiques et de les développer. En leur absence, certains élaborent des conclusions hâtives sur un possible effondrement. J’ai personnellement travaillé pendant les années 1999-2000 au sein d’une équipe de travail économique qui a tenté de prévoir l’avenir, et nous étions largement convaincus de l’imminence d’un effondrement. C’était il y a plus de 19 ans ! Et, heureusement pour les Libanais et le Liban, la prophétie ne s’est pas réalisée.
Cela ne signifie pas pour autant que nous allons bien ou que notre économie, nos finances publiques et notre secteur financier vont bien... L’économie souffre de goulots d’étranglement structurels profonds. Cela est reflété par une croissance assez faible et insuffisante pour absorber la force de travail locale, et encore moins celle des non-Libanais.
En ce qui concerne les finances publiques, les chiffres gonflent du fait de l’ampleur de la corruption, à l’instar d’un déficit initialement estimé à 8 milliards de dollars dans le projet de budget de 2018. Si ce déficit avait été voté tel quel, il aurait à lui seul annulé la conférence CEDRE prévue à Paris. Heureusement le gouvernement s’est finalement engagé sur un déficit de 4,82 milliards de dollars, quasiment similaire à celui estimé pour l’année 2017.
Quant au secteur bancaire, il fait à son tour l’objet d’un affaiblissement sans précédent à travers un torrent d’impôts sur ses revenus, qui ne ressemble à aucune procédure en place dans le monde ! Rien ne justifie un traitement aussi injuste si ce n’est le volume croissant de la corruption et le besoin de la financer, ainsi que la facilité d’imposer les banques et de collecter leurs impôts au regard de la transparence dont elles font preuve.
Ainsi, nous sommes tous conscients des risques qui entourent l’économie, les finances publiques et le secteur financier, sans pour autant qu’il n’y ait de quoi craindre un effondrement financier imminent. L’État travaille sur son endettement. De même pour le secteur privé. Et le secteur bancaire (banques commerciales et Banque centrale) détient un volume suffisant d’actifs étrangers en devises, en obligations et en or pour financer les déficits extérieurs pour de nombreuses années. Nous espérons qu’au cours de ces années, la classe politique qui gouverne par le pouvoir confessionnel se réveillera pour mettre un terme au gaspillage et à la corruption qui coûtent cher à l’économie nationale et à la société libanaise.

Comme avant la tenue de chaque conférence internationale, les services de l’État sont occupés par les préparatifs. Dans la plupart des cas, un effort est fourni pour « embellir » les chiffres qui seront présentés à la communauté internationale. Cependant, le Fonds monétaire international (FMI) dispose de données dont ne dispose aucune administration libanaise, y compris...

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