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À La Une - Afghanistan

Les talibans réservés face à l'offre de négociations de paix de Ghani

Refuser tout net de parler aux autorités fournirait une justification aux forces afghanes et américaines qui pourraient s'en saisir pour intensifier leurs raids aériens.

Des membres de la garde d'honneur afghane, le 13 mars 2018 à Kaboul. Photo AFP / Thomas WATKINS

Le quasi-mutisme observé par les talibans depuis la récente offre de pourparlers de paix du président afghan Ashraf Ghani reflète des divisions internes et une réticence à négocier avec un gouvernement qu'ils considèrent illégitime, selon des analystes.
La proposition faite par le président le 28 février, qualifiée de "courageuse" par des responsables américains, n'a suscité qu'une froide réponse de la part des insurgés qu'elle place de fait face à un dilemme.

Refuser tout net de parler aux autorités fournirait une justification aux forces afghanes et américaines qui pourraient s'en saisir pour intensifier leurs raids aériens.
Mais accepter pourrait desservir les talibans, qui affirment de longue date que le gouvernement afghan n'est qu'une marionnette au service des Etats-Unis, et porter atteinte à la crédibilité du mouvement en interne.
"Cela passerait mal auprès de beaucoup de leurs membres sur le terrain", estime Borhan Osman, analyste auprès de l'International Crisis Group.

Le chef de l'Etat afghan avait posé comme préalables un cessez-le-feu et la reconnaissance de la Constitution de 2004. Il avait en échange proposé de reconnaître les talibans en tant que un parti politique et d'assurer la sécurité de ceux qui accepteraient son offre.
"Il ne s'agit pas d'une décision facile. S'ils rejettent l'offre, ils donneront l'avantage au gouvernement", estime une source de sécurité afghane, interrogée par l'AFP.


(Lire aussi : Des talibans sont intéressés par les pourparlers de paix, affirme Mattis depuis Kaboul)

Les talibans ont répété mardi dans un commentaire publié sur leur site internet qu'ils étaient prêts à négocier, mais uniquement avec Washington, pas avec Kaboul qu'ils dépeignent comme un "régime d'esclaves" inféodé aux "envahisseurs américains".
Le gouvernement afghan est "illégitime" et ses propositions de paix "trompeuses", affirmaient-ils déjà dans un autre communiqué en fin de semaine dernière, appelant par ailleurs au boycott d'une conférence sur la paix en Afghanistan prévue prochainement à Jakarta.
"Ce que dit le communiqué c'est +Nous n'en savons pas assez pour participer aux pourparlers+", souligne un diplomate occidental à Kaboul.

Un haut responsable membre de la Choura de Quetta, l'organe de direction des talibans, a confirmé que l'offre de M. Ghani n'était pas envisagée "sérieusement".
"Nous avons dit que nous parlerions avec l'Amérique. Le gouvernement afghan est une marionnette", a-t-il dit à l'AFP sous couvert d'anonymat. Les talibans avaient récemment appelé les Etats-Unis à "discuter" directement avec leurs représentants au Qatar, ignorant les autorités afghanes.
Mais tout le monde n'est pas de cet avis parmi les insurgés.
"Certains pensent qu'il faudrait parler, d'autres pensent qu'il ne faut pas parler aux Afghans, et il y en a qui pensent qu'il ne faut pas parler du tout", relève un responsable occidental en contact avec les talibans.
Selon un ancien commandant taliban de la province méridionale de Kandahar, certains combattants sont "vraiment fatigués" mais ne peuvent se rendre parce que leurs familles se trouvent au Pakistan.
"Ils feront ce que le Pakistan leur dira de faire, à cause de leurs familles", explique-t-il.
Le Pakistan est soupçonné de longue date de soutenir les talibans et de les accueillir sur son territoire, ce que dément Islamabad.

Silence
Les talibans ont regagné beaucoup de terrain depuis la fin de la mission de combat de l'Otan fin 2014 et ils ont porté des coups très durs aux forces de sécurité afghanes.
En octobre, les insurgés contrôlaient ou exerçaient leur influence sur près de la moitié des districts d'Afghanistan, soit deux fois plus qu'en 2015, selon un rapport publié en janvier par l'agence gouvernementale américaine SIGAR.

"Tant que les talibans penseront qu'ils sont en train de gagner la guerre et tant que les forces américaines resteront en Afghanistan, je ne vois pas comment ils pourraient sérieusement être intéressés par des pourparlers", relève Michael Kugelman, du Wilson Center à Washington.
L'hiver qui s'achève a donné lieu à d'âpres combats, contrairement aux précédents, possible signe que les talibans sont sous pression du fait de l'intensification de la campagne aérienne menée par les Américains.

Mais le responsable occidental est dubitatif: "je ne crois pas qu'ils se sentent sous forte pression militaire. Nombre d'entre eux estiment sans doute qu'ils s'en sortent bien".
Emily Winterbotham, chercheuse au Royal United Services Institute for Defence and Security Studies au Royaume Uni, estime que les talibans pourraient changer d'idée s'"il y avait un vrai changement dans le soutien apporté par le Pakistan ou un vrai trou dans leur financement".
Pour le général Michael Fenzel, directeur de la planification de la mission de l'Otan en Afghanistan, le relatif silence des talibans est au contraire "encourageant".
"Normalement, à chaque fois qu'il y a eu une offre (...) elle a été rejetée d'emblée", a-t-il déclaré mardi à des journalistes.


Emal HAIDARY, Mamoon Durrani


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