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Économie - Infrastructures

Le président Aoun remet sur la table les navires-centrales

L’exécutif semble préparer le terrain à un marché public de gré à gré pour la location de barges.

Le navire-centrale Fatmagül Sultan, à Zouk. Le dossier de la réforme de l’électricité est revenu sur la table du Conseil des ministres, après plusieurs mois passés dans l’oubli. Photo P. H. B.

Comme le projet de budget 2018 il y a environ trois semaines, le dossier de la réforme de l’électricité est revenu sur la table du Conseil des ministres, après plusieurs mois passés dans l’oubli. 

Le président Michel Aoun a en effet posé à nouveau, hier, le problème lors de la réunion du gouvernement en distribuant un rapport qui résume les différents aspects de la crise du secteur de l’électricité dans le pays, pour souligner l’urgence d’y apporter une réponse rapide. Le document de six pages, rédigé par la présidence à partir de données fournies par le ministre de l’Énergie et de l’Eau, insiste en particulier sur la nécessité pour le pays « d’acheter » du courant le temps de mettre en œuvre les réformes nécessaires pour restructurer le secteur.

« Les auteurs se sont employés à écarter toute autre solution que celle de la location de navires-centrales, une solution controversée, envisagée par le gouvernement en 2017 et restée lettre morte depuis plusieurs mois », analyse pour L’Orient-Le Jour une source anonyme proche de ce dossier. Si le terme de « navires-centrales » figure dans le rapport, ce dernier ne fait toutefois aucunement mention d’une opération de « location », un « choix sémantique », estime la source précitée.


(Lire aussi : Passe d’armes entre Bassil et Khalil sur le dossier de l’électricité)


700 millions de dollars

Le rapport – qui devrait en principe être étudié par les ministres dans les jours à venir – indique d’entrée que le déficit cumulé du secteur de l’électricité « entre 1992 et 2017 » a atteint « 32 milliards de dollars » (entre montants des subventions au secteur et intérêts calculés sur une base moyenne de 6,8 %). Il rappelle ensuite qu’Électricité du Liban (EDL) ne fournit pas assez de courant pour satisfaire une demande qui a grimpé « jusqu’à 3 450 mégawatts (MW) en août dernier ». Le document note en outre que l’établissement public fournit 1 800 MW, importe 115 MW de Syrie et loue deux navires-centrales qui produisent 385 MW de plus – le Orhan Bey et le Fatmagül Sultan – à l’opérateur turc Karadeniz depuis 2012. Ces chiffres diffèrent légèrement de ceux communiqués par EDL par le passé. 

La présidence relève également que la production d’électricité coûte au pays 3,35 milliards de dollars par an, dont « 39 % » de transferts, « 26 % » de factures des usagers à EDL et « 35 % » payés aux propriétaires de générateurs. Elle rappelle aussi que le prix de l’électricité est indexé depuis les années 1990 sur un baril de pétrole à 24 dollars, alors que ce dernier se négocie actuellement à 65 dollars. Ainsi, le kilowattheure est-il facturé à 9 cents de dollar aux abonnés d’EDL pour un coût réel moyen de 16,5 cents au kilowattheure (kWh), selon le rapport.

Les trois dernières pages du document s’emploient enfin à justifier « l’achat » de 850 MW de courant comme solution temporaire qui permettrait à EDL de compenser la majeure partie du déficit de production, pour permettre à l’État de restructurer le secteur en mettant en œuvre des mesures déjà évoquées dans le plan « de sauvetage » élaboré par le ministère de l’Énergie et adopté en mars 2017 par le gouvernement. Le plan – qui avait par ailleurs introduit l’idée de louer des nouvelles barges pendant cinq ans – préconisait notamment d’augmenter la part des énergies renouvelables, de construire des centrales au gaz et de réviser graduellement les tarifs d’électricité. Le coût de production d’électricité à 12,5 cents au kWh selon le cours actuel du brut, la baisse des factures de générateurs parallèlement à celle du rationnement ou encore la difficulté de mettre rapidement en œuvre d’autres solutions – unités de production sur la terre ferme – font partie des arguments invoqués pour justifier le choix des barges, dont le coût est estimé à 700 millions de dollars par an par les auteurs du rapport. Le plan du ministère de l’Énergie tablait sur un coût annuel de 850 millions de dollars.


(Lire aussi : Grille des salaires : les employés d’EDL menacent à nouveau de faire la grève)



De gré à gré ? 

Ces chiffres, « s’ils sont exacts, ne sont pas documentés dans le rapport communiqué à la presse », estime la source précitée, qui rappelle que le problème tient moins à la nature de la solution préconisée par la présidence qu’à la manière dont le gouvernement souhaite procéder pour louer ces barges. L’appel d’offres lancé en 2017 à la demande du Conseil des ministres dans ce cadre a en effet été jugé non conforme par la direction des adjudications, tandis que plusieurs voix ont dénoncé un cahier des charges sur mesure favorisant leur location à l’opérateur Karadeniz. 

Il reste que plusieurs facteurs peuvent expliquer l’empressement de la présidence à remettre ce dossier sur la table. « Il y a un engagement que doit respecter le Liban à réformer ce secteur et adopter son budget à l’approche de Cèdre – la conférence de soutien au Liban prévue le 6 avril à Paris pour financer le programme d’infrastructures préparé par le gouvernement libanais –, sans compter le fait que les élections législatives se déroulent en mai, ou encore que le contrat de location des deux barges en service s’achève en septembre. Dans ce contexte, le fait que le gouvernement passe le marché de gré à gré semble de plus en plus probable », conclut-elle. 




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commentaires (6)

Le Liban n'est pas le seul pays au monde à avoir besoin d'électricité à usage domestique et industriel. Mais le Liban, est le seul pays au monde (pays développés et en voie de développement), à faire appel à des marchands ambulants d'électricité. Ne cherchez pas trop les raisons ..., le prix exorbitant, payé à perte, parle de lui-même ...

Sarkis Serge Tateossian

21 h 18, le 08 mars 2018

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Commentaires (6)

  • Le Liban n'est pas le seul pays au monde à avoir besoin d'électricité à usage domestique et industriel. Mais le Liban, est le seul pays au monde (pays développés et en voie de développement), à faire appel à des marchands ambulants d'électricité. Ne cherchez pas trop les raisons ..., le prix exorbitant, payé à perte, parle de lui-même ...

    Sarkis Serge Tateossian

    21 h 18, le 08 mars 2018

  • Si les gouvernements successifs avaient acheté ces navires centrales dès le début, en leasing , peut être en seraient ils à dégager des bénéfices actuellement... il me semble qu il nn soit pas nécessaire d avoir inventé l eau chaude pour arriver à cette conclusion

    C…

    19 h 37, le 08 mars 2018

  • Privatisez, et vous verrez qu’on pourra facilement faire mieux...

    Gros Gnon

    10 h 49, le 08 mars 2018

  • Pourquoi personne ne parle des pourcentages et dessous de table qui vont passer, de manière fluide dans ce cas , dans les poches de tous ces escrocs?

    Christine KHALIL

    10 h 08, le 08 mars 2018

  • "...la difficulté de mettre rapidement en oeuvre d'autres solutions..." Monsieur Michel Aoun, c'est plus facile et rapide de payer 700 millions de dollars pour louer de barges...et de ne pas désavouer ceux qui ont élaboré ce plan honteux...des proches de vous, n'est-ce pas ! Et comme les caisses de l'Etat que vous êtes censé diriger avec des "réformes et du changement" débordent de dollars, vous ne savez apparement plus quoi en faire ! BRAVO ET MERCI ! Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 38, le 08 mars 2018

  • pourquoi personne ne parle du vol de l'electricite de toute la dahiyeh et de la grande majorite du sud ainsi que de la bekaa???? est-ce que l'OLJ pourrait nous eclaircir sur qui sont les mauvais payeur dans ce pays et pourquoi on leur subventionne l'electricite???? un citoyen qui ne paye pas de taxes ni les services de l'etat, pourquoi ce sentira-t-il redevable envers son pays? il se sentira redevable et defendra bec et ongles celui qui lui fournit ces services gratuitement

    George Khoury

    06 h 47, le 08 mars 2018

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