Chargé par le président Emmanuel Macron d’organiser la Conférence économique pour le développement par les réformes et avec les entreprises (CEDRE), l’ambassadeur de France et délégué interministériel à la Méditerranée, Pierre Duquesne, a insisté hier sur la nécessité pour le Liban de mettre en place un certain nombre de réformes afin de garantir la réussite de cette conférence prévue le 6 avril à Paris et visant à moderniser les infrastructures du pays.
Une partie de ces réformes seront sectorielles, tandis que d’autres viseront à atteindre un équilibre des comptes publics. « Le vote du budget de 2018 devrait permettre un début d’assainissement budgétaire. La communauté internationale s’attend à ce que celui-ci soit voté avant la tenue de CEDRE et que le déficit public prévu pour 2018 soit inférieur à celui réalisé en 2017 », indique Pierre Duquesne dans un entretien accordé à des médias locaux dont L’Orient-Le Jour.
D’autres réformes devraient être entreprises avant le 6 avril, selon M. Duquesne. Il s’agit notamment du vote du code de l’eau au Parlement. « Le code actuel date des années 1920. Un accord politique avait été trouvé pour le vote d’un nouveau code plus moderne. Le texte est prêt », rappelle-t-il. Ce vote est nécessaire car plus de 170 projets (sur un total de 285 inclus dans le programme d’investissement préparé par les autorités libanaises) concernent le secteur de l’eau. M. Duquesne espère également que le Parlement procédera au vote des conventions de financement « déjà prêtes », notamment des projets soutenus par l’Agence française de développement, dont l’exécution est en suspens.
(Lire aussi : Foucher : Cedre est plus qu’une conférence, c’est un processus)
En ce qui concerne le Conseil des ministres, « il devrait être en mesure de procéder aux nominations des membres des autorités de régulation sectorielle, à savoir les télécommunications, l’énergie et l’Aviation civile », poursuit M. Duquesne. Enfin, et compte tenu du fait que plus du tiers des projets d’infrastructures devraient être financés par des PPP (partenariats public-privé), le diplomate se joint au secrétaire général du Haut Conseil pour la privatisation et les partenariats (HCPP), Ziad Hayek, pour demander l’adoption de décrets relatifs au fonctionnement de cet organisme. « Il faut donner au HCPP les moyens de réguler les PPP au Liban en lui permettant de recruter une quarantaine de personnes supplémentaires et d’avoir un budget indépendant », explique le responsable français.
En entérinant ces premières réformes, le Liban enverra un signe d’engagement et de sérieux à la communauté internationale, à la veille de la tenue de CEDRE. D’autres réformes plus structurelles devront être mises en place par la suite. « Nous effectuerons un suivi régulier après la conférence : des réunions des hauts fonctionnaires seront fréquemment tenues au Liban et à l’étranger. Un site internet sera dédié à l’état d’avancement des réformes et des projets. C’est sans doute là la principale différence avec les conférences précédentes », précise le diplomate.
La principale réforme sectorielle est celle du secteur de l’électricité. Elle aura pour objectif une production de l’électricité selon des processus plus modernes ; un accroissement de la production d’énergies renouvelables (solaire et éolienne) ; la construction d’un nouveau réseau de distribution adéquat ; la lutte contre le vol de l’électricité ; et des réformes visant à faire d’Électricité du Liban une entreprise rentable. Cela ne passe pas forcément par une privatisation de l’établissement public, mais par une suppression de la subvention du prix de l’électricité, qui se traduirait par une hausse des tarifs, ces derniers n’ayant pas été augmentés depuis 1994, détaille M. Duquesne. « C’est aussi une réforme macroéconomique, car si la dette publique représente aujourd’hui 150 % du PIB, 60 points (sur 150) sont dus au déficit accumulé d’Électricité du Liban », ajoute-t-il.
(Lire aussi : CEDRE : la communauté internationale conditionne son aide au Liban)
La réunion de Beyrouth
Avant de s’entretenir avec la presse, M. Duquesne a participé hier à la conférence sur les investissements en infrastructures libanaises, destinée à informer plus de 200 entreprises, dont 30 françaises, sur les projets pouvant faire l’objet de PPP. Des représentants de chancelleries occidentales, asiatiques et arabes ; de fonds d’investissements et d’institutions financières étaient également présents pour se renseigner sur les projets pouvant être financés par des prêts concessionnels (à 1,4 %). Le Premier ministre, Saad Hariri, a confirmé à cette occasion la « participation active » de l’Arabie saoudite à CEDRE. Le Koweït, le Qatar et les Émirats arabes unis seront également présents.
Ces projets font partie d’un programme d’investissement (Capital Investments Program) qui s’étale normalement sur trois cycles de quatre ans avec une enveloppe totale de 23 milliards de dollars, selon le président du Conseil pour le développement et la reconstruction (CDR), Nabil Jisr. Seul le premier cycle du programme, d’une enveloppe de 10 milliards de dollars, sera présenté à CEDRE, a affirmé le conseiller économique du Premier ministre, Nadim el-Mounla. Le gouvernement exposera également sa vision économique globale (préparée par McKinsey) ainsi que son agenda de réformes.
La Banque mondiale devrait finaliser dans deux semaines son étude évaluant le degré de maturité et de nécessité de chaque projet, en vue de permettre une sélection des projets prioritaires. Les modalités de financement de ces projets seront déterminées en fonction de leur niveau de rentabilité. Les plus rentables pourront potentiellement faire l’objet de PPP, tandis que d’autres à caractère social seront financés par des prêts concessionnels.
Le secteur privé est donc surtout intéressé par le projet de modernisation et d’extension du port de Tripoli (pas d’estimation de coût disponible) ; la construction de deux centrales à Selaata et Zahrani pour la production de 1 000 MW supplémentaires (coût estimé à 600 millions de dollars pour chacune des centrales) ; l’extension de l’aéroport international de Beyrouth (500 millions de dollars) ; ou encore la création d’un centre national de données (80 à 150 millions de dollars).
Les projets concernant le secteur de l’eau sont en revanche peu rentables pour le secteur privé et devraient être financés par des prêts concessionnels. Le coût total estimé des projets du secteur de l’eau atteint les 7,6 milliards de dollars. De même pour les projets routiers ou autoroutiers, dans le cas où leur utilisation serait gratuite pour les usagers. C’est le cas notamment du projet de construction de l’autoroute périphérique de Beyrouth reliant Khaldé à Nahr Ibrahim, dont le coût est estimé à 1,6 milliard de dollars, sans compter une enveloppe de 1,2 milliard de dollars destinée aux expropriations.
Pour mémoire
La date de Cedre confirmée, la visite de Macron au Liban reportée
commentaires (5)
LE LIBAN... UNE AUTRE GRECE A RENFLOUER... MAIS LES AIDES ONT DES CONDITIONS SEVERES QU,IL FAUT ACCEPTER ET APPLIQUER... SINON ON NE RECOLTERA QUE DES PAROLES ET DES PROMESSES VIDES ! ET LE BATEAU COULERA...
LA LIBRE EXPRESSION
15 h 05, le 07 mars 2018